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73ᵉ anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau

Pologne : 3 ans de prison pour quiconque pointerait la responsabilité de l’État dans les crimes nazis

L’État polonais veut condamner à 3 ans de prison toute personne qui exprime l’idée que l’État polonais a sa part de responsabilité dans la Shoah. Un révisionnisme pour ressouder les Polonais autour de la « nation », et du parti au pouvoir.

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Les députés et sénateurs polonais ont voté une loi qui prévoit de condamner jusqu’à 3 ans de prison toute personne qui insinuerait que l’État polonais a sa part de responsabilité dans les crimes perpétrés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour être définitivement validée, elle doit être ratifiée par le président Andrzej Duda.

L’une des justifications pour voter une telle loi révisionniste est d’en finir avec l’expression « camp de la mort polonais » d’après les membres du PiS (Parti droit et justice), le parti au pouvoir. Une phrase lâchée par Barack Obama lors d’un hommage et qui est une contre-vérité historique. Les camps de la mort sont nazis et certains étaient implantés en Pologne. Cette volonté d’en finir avec cet amalgame peut se justifier mais derrière cette loi, il y a une volonté du pouvoir réactionnaire polonais de vouloir faire l’unité de la nation polonaise autour d’une version faussée de l’histoire pour la rendre plus pure et ainsi, asseoir son idéologie nationaliste.

La réécriture de l’histoire version PiS

Le Parti de la droite populiste nationaliste des frères Kaczyński ne fait que renforcer sa politique réactionnaire. Le débat qui anime la société polonaise autour de la Seconde Guerre mondiale en est l’un des symptômes.

Le responsable de la chaîne publique TV2, contrôlée par le parti au pouvoir qui a muselé les médias, a expliqué que l’on ne devait plus parler de camps d’extermination nazi, mais de camps d’extermination juif. Le journal de gauche israélien Haaretz, rapporte ses propos où il se demande « Qui s’y occupait des fours crématoires ? ». Il fait référence aux Sonderkommandos, des déportés chargés d’emmener les autres dans les chambres à gaz puis au four crématoire. Le journal israélien rapporte également les propos de Piotr Nisztor, journaliste à la radio publique polonaise, qui a fustigé les Polonais qui défendaient les positions de l’État israélien en réclamant qu’ils renoncent à leur nationalité polonaise.

Ces positions sont notamment celles de l’ancienne ministre des affaires étrangères Tzipi Livni, relayées dans Haaretz, qui affirmait qu’ « Israël doit répondre fermement et présenter les documents prouvant les crimes des Polonais » ou bien celles de Yaïr Lapid, chef du parti centriste Yesh Atid, sur tweeter, : « Je condamne fermement cette nouvelle loi, qui tente de nier la complicité polonaise dans l’Holocauste. Celui-ci a été conçu en Allemagne, mais des centaines de milliers de juifs ont été tués sans avoir jamais rencontré un soldat allemand. Il y a eu des camps de la mort polonais et aucune loi ne peut rien y changer », propos retranscrits par le Jerusalem Post et traduits par Le Monde.

Une histoire des classes dominantes

Dans cette sombre période de l’histoire, les responsabilités sont nombreuses et en premier lieu celles de la bourgeoisie et de ses dirigeants, car ce sont eux qui ont permis l’accès au pouvoir d’Hitler, entre autres.

Il est vrai que dire « camp de la mort polonais » est incorrect. Cette appellation veut dire que le camp a été construit sur le sol polonais, mais elle insinue que ce sont également les Polonais qui en seraient les créateurs. C’est ce que rappelle dans un communiqué le Mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, dédié à la mémoire de la Shoah, que Le Monde retranscrit : « l’expression « camps de la mort polonais » est incorrecte, ces camps ayant été construits par l’Allemagne nazie en Pologne occupée. Mais Yad Vashem met en avant la dérive que laisse entrevoir la loi d’un point de vue idéologique et fait part de son inquiétude quant aux « limitations que place la loi sur les expressions relatives à la complicité de segments de la population polonaise à des crimes contre des juifs […] pendant l’Holocauste. » Car c’est bien là qu’est le problème.

Le gouvernement polonais tente à travers sa loi de revisiter l’histoire. Des Polonais comme des Français ont participé activement à l’extermination des juifs mais aussi des tziganes, des handicapés, des homosexuels, des communistes… Dans Les Échos, Dominique Moisi explique qu’« il est évident que « des » Polonais ont contribué à la persécution et à l’extermination des juifs. Dans son livre Voisins, l’historien américain d’origine polonaise Jan Gross décrit le massacre de centaines de juifs par leurs concitoyens polonais dans la ville de Jedwabne en 1941. Plus récemment, l’historien réputé Jan Gabrowsky, dans son livre « La Chasse aux juifs », va jusqu’à affirmer que près de 250 000 juifs ont été livrés aux Allemands, victimes directes de dénonciations et de chasses à l’homme ».

Alors pourquoi revisiter l’histoire ? C’est une pratique courante qu’ont les dirigeants pour permettre l’unité du peuple autour d’une nation forte. En France, Napoléon III a favorisé les recherches archéologiques sur l’époque celtique pour faire de la propagande sur « nos ancêtres les gaulois » qui ont lutté contre l’envahisseur romain et contre ses supplétifs germains. Tout cela dans le but de préparer les Français à une nouvelle guerre contre l’ennemi historique. Pour faire l’unité de la nation à la libération en 1944 et jusqu’à Chirac, la version officielle était que le Français était résistant, que Vichy n’était pas la France, que la France était dans le maquis ou à Londres. Le PiS utilise le révisionnisme pour ressouder le peuple polonais autour de la nation et du parti afin de pouvoir continuer son offensive réactionnaire dans le pays, que ce soit envers les migrants envers les médias, envers les travailleurs ou envers les femmes et également contre l’UE.


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