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Quand la droite conservatrice et nationaliste s’attaque aux femmes !

Pologne. Des manifestations contre l’adoption du projet de loi anti-avortement

Le projet de loi contre l'avortement a été adopté en première lecture à la Diète. Celui en faveur de l’avortement sans restriction proposé par le mouvement « Sauvons les femmes » a été retoquée avec 230 voix contre et 173 pour.

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Sadek Basnacki & Joan Manchette

Le projet de loi anti-avortement a été adopté en première lecture à la majorité de 267 voix contre 154. Il fallait s’y attendre avec la majorité issue du parti ultraconservateur Droit et Justice qui est pour l’interdiction de l’avortement, comme le démontre la déclaration, en avril dernier, de Beata Szydło, la très catholique et première ministre polonaise, « oui je soutiens cette initiative », faisant référence à un premier projet d’interdiction. Jarosław Kaczyński, leader du PiS, ne s’était pas trompé à propos des élus de son parti « Si je devais faire une prédiction, je dirais que l’écrasante majorité, sinon tous, voteront pour le texte. ». Cette loi a le soutien de l’Eglise de Pologne qui la promeut depuis longtemps. En avril, les évêques avaient lu à toutes les messes, dans de nombreuses paroisses, un communiqué pour rappeler l’importance de la défense de la vie.

L’extrême droite polonaise se gargarise de cette loi. Robert Winnicki, représentant du mouvement national polonais, mouvement qui regroupe une dizaine de groupuscules nationalistes et ultracatholique, en parle en ces termes : « l’avortement est une barbarie, une barbarie qui a été décrétée, légalisée, au XXème siècle et sera retenue dans l’histoire avec des pratiques équivalentes à des génocides de masses, des camps de concentration mais également du gauchisme-marxiste du XXème siècle qui ne respecte pas le droit à la vie et les droits de l’homme. » Il continue dans la même veine, faisant des parallèles plus que douteux entre les meurtres staliniens et l’avortement, « l’avortement instauré, je le rappelle, par les communistes, durant les périodes staliniennes, il a été tué plus de Polonais que durant la deuxième guerre mondiale c’est l’échelle de la tragédie en relation avec la mise en place de loi libertaire concernant l’avortement.  ». S’il affirme que cette remise en cause du droit des femmes à disposer de leur corps est « une évidence pour chaque vrai Polonais », la manifestation s’étant déroulé pendant les débats sur la loi à la Diète pour s’opposer au passage de la loi montre tout le contraire. Tout comme la manifestation massive qui s’est déroulée ce samedi.

Ils étaient entre 25 000 et 30 000 à manifester ce samedi 24 septembre dans les rues de Varsovie pour dénoncer la loi contre l’avortement, « risque majeur pour le droit et la santé des femmes » mais aussi contre « les atteintes à l’État de droit en Pologne du gouvernement conservateur de Droit et Justice (PiS) ». Par là, ils visent essentiellement les réformes du tribunal constitutionnel qu’a effectué le gouvernement fin 2015. En novembre, le gouvernement a changé les règles de nomination des membres du Tribunal constitutionnel et impose la règle d’une majorité qualifiée de deux tiers de ses 15 membres et un quorum de 13 juges présents, au lieu de 9 auparavant, pour les verdicts. Or, le PiS y a placé cinq juges de son choix, suivant une procédure controversée. Le président du Tribunal est donc désormais contraint de prendre en compte les voix de ces magistrats. Les délais obligatoires sont désormais de trois à six mois entre le dépôt d’une requête et le verdict du Tribunal constitutionnel (14 jours jusqu’ici), ce qui «  annonce d’immenses retards potentiels et, en fait, la paralysie  » du Tribunal. De plus, le Président du Tribunal dépend maintenant du ministère de la justice.

Dans cet état des choses comment faire pour invalider une loi comme par exemple celle sur l’avortement ? La limite de cette manifestation organisée par le Comité de défense de la démocratie (KOD), regroupant l’opposition de gauche au gouvernement, est justement énoncée par l’un de ces leaders, Adam Michnik, « le KOD ne veut pas renverser le gouvernement (...). Il voudrait que le gouvernement de Jarosław Kaczyński respecte le droit et la Constitution mais s’il ne les respecte pas, la société aura le devoir de l’écarter du pouvoir. Il en sera écarté par la voie des élections démocratiques  ». C’est pourquoi la manifestation avait pour but d’alerter Bruxelles et que l’UE réagisse face à « un membre qui va à l’encontre des droits de l’homme  ». Cette opposition cherche donc des soutiens auprès des gouvernements européens et de Bruxelles. Quid d’une Europe qui ne s’est jamais interposée pour défendre le droit des femmes à disposer de leurs corps que ce soit en Irlande ou au Portugal où l’avortement reste interdit ? Quid des gouvernements qui la composent et la dirigent et qui mettent en place des politiques austéritaires empêchant aux femmes, lorsqu’elles y ont légalement droit, l’accès réel à un avortement, faute de place, faute de structures et de moyens suffisants ?

La solution ne semble pas à chercher du côté de Bruxelles qui défend et pousse toujours plus les gouvernements européens sur la voie de la libéralisation. Une voie qu’ils ne peuvent emprunter et suivre qu’en prenant un virage réactionnaire. Un virage qui implique de produire toujours plus de divisions du côté de ceux qui sont les plus opprimés et exploités. C’est dans ce contexte que s’inscrit et se comprend cette attaque envers les femmes de la droite nationaliste et conservatrice polonaise qui aujourd’hui renforce l’oppression des femmes en s’attaquant à leur droit de disposer de leurs corps, à leurs vies, et à leurs luttes. Pour le moment, comme le souligne Agata Czarnaka, fondatrice du mouvement « initiatives féministes », le gouvernement ne rencontre que peu d’opposition, les femmes étant encore peu mobilisées en Pologne. Mais demain, c’est une lutte acharnée, et formulée comme telle, contre le gouvernement de Jarosław Kaczyński et ses lois patriarcales et sexistes qui pourrait bien, qui sait, inverser la tendance.


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