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Césars 2020

Pour Schiappa, “aucune différence” entre Ladj Ly et Polanski !

Pour la ministre chargée de l’égalité homme-femme, il n’y a “aucune différence” entre Polanski, réalisateur accusé de douze agressions sexuelles et viols depuis 40 ans, et Ladj Ly, réalisateur du film “Les Misérables”, ayant fait de la prison dans sa jeunesse.

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12 nominations pour J’accuse, le dernier film de Roman Polanski. C’est le film qui a obtenu le plus de nominations, cette année aux Césars. Talonné de près par le film Les Misérables, de Ladj Ly, également nominé aux Oscars dans la catégorie meilleur film étranger.

Point commun des deux réalisateurs ? Tous deux ont eu des déboires avec la justice. Mais il y a déboires et déboires. Car si Ladj Ly est impliqué dans sa jeunesse dans une affaire de séquestration, pour laquelle il a purgé une peine de prison, Polanski est lui recherché par Interpol pour une affaire de viol sur mineure, raison pour laquelle il a fuit la justice américaine depuis 1978.

Depuis, 12 femmes l’ont accusé de viol, dont un bonne partie lorsqu’elles étaient mineures. Et si Polanski a pu continuer sa carrière en Europe, et notamment en France, pendant des années sans être inquiété, l’impunité des hommes de pouvoir tels que lui, qui abusent de leur position pour violer et agresser des filles et des femmes, ne passe plus auprès de toute une génération.

Marlène Schiappa, en qualité de secrétaire d’État à l’égalité hommes-femmes, a d’ailleurs réagi à la nomination de Polanski : « Je serais indignée de voir une salle entière debout en train d’applaudir une personne accusée de viol sans aucune pensée, sans aucune empathie pour les femmes qui voient cette scène et qui ont été violées, pas forcément par Roman Polanski mais par d’autres »

Mais elle ne s’est pas arrêté là… À la matinale de LCI, la secrétaire d’État a ainsi affirmé qu’elle ne voyait “aucune différence” entre un Polanski et un Ladj Ly. La journaliste en face d’elle s’attendait sans doute à ce que Marlène Schiappa rappelle le caractère spécifiquement patriarcal du viol sur fille mineure ; ou encore qu’elle évoque le fait que Polanski reste à ce jour impuni pour ses crimes, que ce soit judiciairement ou socialement.

Ladj Ly, réalisateur du film coup de poing Les Misérables, qui a purgé en 2007 sa condamnation à deux ans de prison pour séquestration et complicité d’enlèvement, n’aurait donc pas voix au chapitre lors de la cérémonie des Césars, au même titre que le fugitif et violeur récidiviste Roman Polanski, protégé par la justice française.

Le premier, issu des quartiers populaires, présente aujourd’hui un film subversif faisant éclater au grand jour la violence policière dans les quartiers, dont il a été lui-même victime, tandis que le second reste, du fait de son influence dans le monde du cinéma, son argent et sa carrière, un invité privilégié de l’institution des Césars. Et ce, malgré le fait qu’il soit au cœur de la polémique depuis le mouvement “me too” qui a révélé et amplifié le scandale autour des agressions sexuelles et des viols dans le monde du cinéma. Il qualifie d’ailleurs ce mouvement “d’hystérie collective”.

L’ironie du fait que la ministre chargée de l’égalité homme-femme fasse cette comparaison est d’autant plus forte que Polanski est reconnu internationalement comme une figure du violeur impuni du fait de sa position. Malgré les postures de Schiappa qui "serait indignée de voir une salle entière debout, en train d’applaudir une personne accusée de viol sans aucune pensée, pour les femmes qui voient cette scène et qui ont été violées", le même gouvernement qui ne fait rien face aux violences faites aux femmes, et qui est le premier responsable de leur précarité.

Au delà de ça, cette comparaison fait voler en éclat l’illusion bien proprette que la bourgeoisie se fait de la justice bourgeoise. Selon sa propre logique, la justice bourgeoise condamne celles et ceux qui troublent l’ “ordre public” à une peine proportionnelle à leur crime ; et une fois cette peine purgée, ces derniers peuvent se “réinsérer” dans la société. Or on voit bien que cette logique est à géométrie variable : quand il s’agit d’un homme noir, venant des quartiers populaires, même s’il a purgé sa peine, sa sentence le suivra toute sa vie. Il sera toujours réduit à cette condamnation, car il est criminel par “essence”.

Et Marlène Schiappa le prouve en mettant sur le même plan un criminel en cavale, et un homme ayant fait de la prison dans sa jeunesse… Une preuve de plus, s’il en faut, que l’émancipation des femmes ne passera ni par l’État et ses postures, ni par la justice de classe.


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