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Remettre de l'huile dans les rouages de la machine répressive

Pour calmer la grogne, Castaner paiera 3,5 millions d’heures supplémentaires aux policiers

Alors que Macron est sur un baril de poudre, le timing de cette annonce n'a rien d'anodin. Se profile en effet, à partir du 5 décembre, un mouvement social de grève interprofessionnelle potentiellement explosif contre la réforme des retraites. Cet "effort exceptionnel à hauteur de 50 millions d'euros", s'ajoute aux primes et revalorisations salariales dont ont pu bénéficier les policiers pendant ces mois de répression sanglante.

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Crédit photo : Serge D’ignazio

Caresser le poulet dans le sens de la plume. Mardi soir, le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a annoncé le paiement de 3,5 millions d’heures supplémentaires aux forces de répression. Une revendication de longue date de la part des syndicats de police qui s’indignaient du non-paiement des heures supplémentaires, vieux serpent de mer qui date de plusieurs années. Pourtant, à la différence des urgentistes, des postiers, des enseignants et d’autres corps de métiers qui sont des services publics, et servent la population au lieu de la mutiler, les policiers ont pu jouir ces derniers mois de primes et hausses de salaires. Dans les autres services publics en revanche, le point d’indice du salaire est gelé depuis des années, et les conditions de travail se détériorent selon des logiques managériales basées sur la rentabilité à grand coups, entre autres, de suppressions de postes.

De l’argent il y en a ... pour le bras armé de l’Etat !

Décembre 2018, alors qu’ils sont débordés par les gilets jaunes lors de scènes quasi insurrectionnelles, les syndicats de policiers bombent le torse face à Castaner afin de réclamer plus de moyens matériels et financiers pour réprimer. Le 2 décembre, le pouvoir s’empresse d’offrir une prime de 300€ aux policiers qui ont participé à mater les manifestations du 1er décembre. Elle s’inscrit dans un moment de crise aigüe pour le pouvoir et la bourgeoisie qui ont eu peur de tout perdre alors que la situation se caractérisait par des traits pré-révolutionnaires. Alors que les images d’un Edouard Philippe tremblotant en train de remercier un à un les policiers tournent en boucle sur les chaînes en continu, les policiers en veulent plus. Le 19 décembre, après seulement une journée de « manifestation sauvage », s’apparentant à une « prise d’otage » (les flics de dos entravant par exemple l’entrée des commissariats), ils obtiennent satisfaction sur une conséquente revalorisation salariale mensuelle de 120 à 150€ qui vient remplacer la fameuse prime, simple goutte d’eau face à cette augmentation.

Mardi soir, cette annonce de Castaner qui finit par débloquer 50 millions d’euros s’inscrit dans cette même logique : donner des gages pour que « la police protège quotidiennement la grande bourgeoisie ». Une mesure qui prend place dans un contexte de mobilisations de policiers. Le 2 octobre dernier, l’ensemble des syndicats de policiers avait ainsi organisé une "marche de la colère".

Aujourd’hui, le pouvoir au service des classes dominantes tend donc une nouvelle carotte aux policiers pour que ces derniers usent et abusent des bâtons et autres flashballs. Une manière pour l’exécutif de montrer toute sa gratitude et sa confiance à son bras armé alors que la situation sociale et politique du pays est des plus explosives. Le ministre de l’intérieur a d’ailleurs affirmé avoir envoyé « un courrier à l’ensemble des policiers pour les informer de cet effort sans précédent du gouvernement, au terme d’une année marquée par un investissement exceptionnel des forces de l’ordre sollicitées sur tous les fronts, du maintien de l’ordre public à la lutte contre le terrorisme, en passant par le combat au quotidien contre la délinquance et la criminalité, au service de la sécurité des Français ». Un éloge qui passe évidemment sous silence les trop nombreuses violences policières qui, des quartiers populaires aux manifestants, sont également au cœur de l’activité de la police dans un contexte de polarisation sociale.

Qui sont les privilégiés ?

Comme nous l’évoquions dans l’article « Manifestations de policiers. L’impunité est dans la rue, le gouvernement applaudit suite à cette manifestation du 2 octobre, c’est « un des rares secteurs qui bénéficient d’une augmentation des budgets dans un contexte d’austérité pour tous les autres : depuis 2018, 550 millions d’euros ont été consacrés au budget des forces de répression. » L’évolution du nombre d’emplois dans les ministères entre 2018 et 2019 illustre les tendances de plus en plus bonapartistes du régime. Quand le ministère de l’intérieur (+3600) et celui des armées (+1000) voient leurs effectifs grossir, ceux de l’éducation (-1800), de l’écologie (-1600), de la santé (-500) ou du travail (-500) se réduisent comme peau de chagrin.

Mais au-delà de l’augmentation des budgets, de la hausse des effectifs ou des salaires, les policiers, à la différence de tous les autres secteurs, vont également échapper à la réforme des retraites. Sur la question des retraites, ils bénéficient d’une année supplémentaire de cotisation retraite tous les cinq ans. Le gouvernement, qui a fait de sa politique des retraites la lutte contre les soi-disant « privilégiés » et les régimes spéciaux, a un tout autre discours pour le secteur des policiers. Dans le rapport Delevoye déjà, il était préconisé de « maintenir des niveaux de retraite comparables aux pensions actuelles ». Le 17 septembre, Castaner a répété qu’il défendrait « jusqu’au bout la spécificité du statut » des policiers.

Face à la réforme des retraites et au contexte international, Macron a plus que jamais besoin de ses policiers

Dans la situation de crise au sein de l’institution policière, après que l’attaque à la préfecture de Paris approfondissait la crise au sommet de l’Etat, et que les policiers ont une nouvelle fois manifesté début octobre, Castaner s’est senti obligé de réagir. Alors que Macron a fait le choix d’une répression brutale pour le mouvement des gilets jaunes et les mouvements qui ont suivi, la situation économique, politique et sociale à l’échelle nationale et internationale font en effet craindre le pire à la bourgeoisie.

Si une brutale récession menace de s’abattre et d’entraîner une crise économique certainement pire que celle de 2008, les gouvernements des différents pays ont moins de marge de manœuvre pour répondre aux aspirations sociales de leurs populations. Il faut ajouter à cela une profonde instabilité à échelle internationale marquée par un retour de la lutte des classes, malgré une répression féroce comme ce fut le cas récemment au Chili, en Equateur, en Catalogne, à Hong Kong, au Liban, en Irak ou en Algérie.

En France, la réforme des retraites cristallise les craintes des classes dominantes tant elle pourrait mettre le feu au baril de poudre sur lequel Macron est assis. La grève massive à la RATP le 13 septembre paralysant tout Paris, le droit de retrait massif à la SNCF, et plus récemment la grève au technicentre de Châtillon sont autant de signaux d’une certaine gilet-jaunisation du mouvement ouvrier, qui pourrait, dans le cadre d’une grève générale à partir du 5 décembre, non seulement faire reculer Macron sur la réforme des retraites, mais le faire tomber définitivement, lui et son monde. C’est en ce sens qu’il faut comprendre que Castaner tente d’apporter à la hâte des gages pécuniers de confiance et reconnaissance au bras armé qui pourrait une nouvelle fois les sauver.


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