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Ni Le Pen ni Macron

Pour les élections européennes, Marine Le Pen veut récupérer le mouvement des Gilets jaunes

Avec les européennes, Marine le Pen entend ramener les Gilets jaunes sur la voie des urnes. Pourtant, c'est par la rue que Macron a reculé et c'est par la rue qu'il reculera encore. Or sur ce point, pas sûr que Marine le Pen continue à soutenir les GJ.

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Elle n’a d’yeux, désormais, que pour ce mouvement, et ne recule devant aucune récupération, de la plus sordide à la plus grotesque, n’hésitant pas à repeindre le drapeau européen aux couleurs des Gilets Jaunes. En réalité, Marine Le Pen joue les équilibristes pour récupérer un mouvement qui, désormais, de façon ouverte, s’affronte à l’institution policière et évoque la grève générale, ce qui n’est pas sans provoquer des remous et contradictions dans la base sociale du RN.

Les élections européennes pour dénouer la crise politique ?

Hier, le Rassemblement National lançait la campagne des européennes en dévoilant lors d’un meeting ses têtes de liste. En pleine mobilisation contre le gouvernement, Marine Le Pen entend bien surfer sur la vague Gilets jaunes et tente de récupérer la lutte sur le terrain des institutions européennes.

« Dans le contexte de la saine révolte populaire des gilets jaunes, cette élection européenne offre l’occasion de dénouer la crise politique née de l’aveuglement, de l’intransigeance, du mépris de classe, de la spoliation fiscale et de la déconnexion humaine d’un président dérangeant dans ses attitudes, inquiétant dans ses comportements, incompétent dans ses fonctions. »

La phrase est longue, le style est lourd, mais Marine Le Pen ne cache pas ses intentions. En présentant les élections européennes comme la suite logique et la conclusion de la crise politique ouverte par les Gilets jaunes, elle entend clairement récupérer la lutte des Gilets jaunes et en faire un tremplin lors des élections pour vaincre Macron.

Dimanche, le Rassemblement National lançait sa campagne pour les européennes et dévoilait ses têtes de liste ainsi que sa stratégie. Celle-ci est claire, comme le résume Le Monde : traduire la colère sociale et les slogans antimacronistes de la rue en victoire électorale. Une démarche alimentée par les médias qui, dans leur volonté de salir le mouvement et d’en détacher le soutien populaire, présentent depuis plusieurs semaines l’extrême-droite comme le débouché naturel pour les Gilets jaunes.
Du côté du gouvernement cette perspective est idéale tant elle nourrit la rhétorique des « conservateurs contre les progressistes » que Macron défend depuis son élection face à Marine Le Pen. Quoi de mieux qu’une adversaire comme Marine Le Pen pour servir d’épouvantail et remobiliser sa base ? Evidemment, face à cette alternative funeste, les Gilets jaunes n’ont aucune envie de choisir entre le peste et le choléra, un choix qu’ils avaient pour beaucoup déjà repoussé lors des élections de 2017.

Le Rassemblement National joue les équilibristes pour récupérer le mouvement

Si la petite musique d’une Marine Le Pen « opposante numéro 1 » à Macron et d’un RN « premier parti de France » tourne en boucle depuis la rentrée, tandis que le Rassemblement National s’affiche comme un soutien ouvert des Gilets jaunes. Cette dernière est même allée, comble de l’hypocrisie, jusqu’à « dénoncer » la répression policière. Pur opportunisme de Marine le Pen, qui déclarait en 2017, sur le plateau d’Europe 1, lors de l’affaire Théo « par principe, je soutiens la police. » On se demande, sauf visée électorale, ce qui a pu soudainement faire changer le Marine le Pen sur ce sujet.

Ensuite, en ce qui concerne les revendications portées par les Gilets jaunes, au grand dam du RN, très peu sont centrées sur les préoccupations nationalistes ou xénophobes, même si l’extrême-droite tente de manœuvrer au sein du mouvement à de nombreux endroits et que des éléments réactionnaires peuvent être présents au sein d’une partie des Gilets jaunes.

Alors que les Gilets jaunes mettent en avant les questions de pouvoir d’achat et l’augmentation des salaires, à laquelle s’est toujours opposée Marine Le Pen, mais aussi une plus grande participation démocratique, à des années lumières d’un RN adapté au régime de la Vème République, la récupération du RN est surtout le fait du caractère hétérogène du mouvement, qui regroupe en son sein diverses franges de la population. Un facteur ensuite largement amplifié et dans une certaine mesure construit par les média.

Par ailleurs, le soutien au mouvement est loin de faire l’unanimité du côté des militants RN. Le Point rapport ainsi les propos de militants du RN croisés à la Mutualité : « Je ne soutiens les Gilets jaunes qu’à 50 % parce qu’ils m’empêchent de bosser. Ils m’arrêtent sur les ronds-points », déplore Éric, routier habitant dans l’Yonne. « Ils pénalisent les petits commerces. Il faut penser aux commerçants qui sont bloqués », précise Céline, sa femme. »

Aux élections européennes : Ni Le Pen Ni Macron

« Nous avons quatre mois pour transformer cette révolte populaire en une révolution du bon sens » a affirmé la tête de liste du RN, Jordan Bardella. Pourtant, l’idée que les Gilets jaunes devraient remettre entre les mains de l’extrême-droite leurs revendications et la suite du mouvement est une illusion marketing : ce n’est pas le projet de Marine Le Pen, qui dissimule derrière son opportunisme une compatibilité profonde avec le néo-libéralisme.

Si, au niveau européen, les alliés de Marine Le Pen, aux côtés desquels elle entend « changer l’Europe de l’intérieur, mènent des politiques très loin des intérêts des travailleurs dans leurs pays respectifs., on retrouve parmi les têtes de liste de Marine Le Pen pour les élections, un nom qui a de quoi rappeler le vrai visage du RN derrière son opportunisme : Thierry Mariani. Ce dernier, un politicien néo-libéral anti-immigration venu des Républicains, Secrétaire d’Etat aux Transports sous Sarkozy, partisan de la réforme de la SNCF et donc de la casse du service public ferroviaire. Une preuve vivante, s’il en fallait, que l’on peut parfaitement associer un néo-libéralisme profond

De son côté Macron n’a pas hésité hier à introduire les questions de l’immigration et de la laïcité dans les thématiques du Grand débat pour tenter de diviser le mouvement en mettant en avant des sujets clivants pourtant totalement absents des préoccupations centrales des Gilets jaunes, mais en revanche au cœur du programme du RN.

Marine Le Pen veut faire des européennes une « réplique » de la présidentielle de 2017 avec un dénouement différent ? Nous lui opposerons encore notre mot d’ordre « Ni Le Pen Ni Macron », dont la valeur prend encore plus de force alors que les Gilets jaunes ont montré leur capacité à se faire entendre en dehors des médiations politiques traditionnelles qui voudraient apaiser leur colère.

Contre ces tentatives de récupération, nombre de Gilets Jaunes ont, sur les ronds-points, dans la rue et les blocages, compris qu’ils pouvaient se passer des pires représentants du système contre lequel ils se sont soulevés. Une aspiration que résume l’appel des Gilets jaunes de Commercy qui cherchent à structurer le mouvement : « nous avons compris que nous étions capables de nous représenter nous-mêmes, sans tampon entre les puissants et le peuple, sans partis qui canalisent les idées à leur seul profit, sans corps intermédiaires davantage destinés à amortir les chocs, à huiler le système, plutôt qu’à nous défendre ».

Une voie à suivre pour se prémunir de toute tentative de récupération sordide, alors même que le mouvement connaît un rebond inespéré tandis que le gouvernement semble incapable de trouver d’autre solution que la répression qui nourrit la contestation ou un "grand débat" auquel personne ne croit.


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