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Sivens, un an après

Pour que Rémi Fraisse ne meure pas une deuxième fois

Le 26 octobre 2014 au matin, le corps du militant écologiste Rémi Fraisse était retrouvé sans vie sur le site du barrage de Sivens. Il avait été tué dans la nuit par un gendarme mobile au moyen d’une grenade offensive lancée à faible distance, puis traîné sur quelques mètres par les flics et laissé à même le sol. Un an après cet assassinat policier, le premier dans le cadre d’une manifestation depuis la mort de Malik Oussekine, le 6 décembre 1986, l’enquête judiciaire est au point mort. Retour sur un crime qui en dit long sur notre République. Pierre Reip et Julian Vadis

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En ce week-end des vacances de la Toussaint 2014, un rassemblement contre le barrage de Sivens était organisé sur le site du Testet avec pour mot d’ordre, « Enracinons la résistance ». Depuis l’été, la répression des opposants au barrage n’avait eu de cesse de s’amplifier. Le soir, à quelques mètres du concert, un groupe de gendarmes est retranché dans un carré de 30 m sur 30 m, entouré d’un fossé de 2 m de large et d’un grillage d’1,80 m de hauteur. Ils ne protègent rien mais ne cessent de harceler les manifestants avec des grenades de diverses catégories. Le préfet du Tarn, Thierry Gentilhomme, toujours en poste, avait exigé la plus extrême fermeté.

L’air était saturé de gaz lacrymogène et la nuit était transpercée par le bruit des grenades assourdissantes. Rémi qui s’était approché de la scène est tué net, d’un jet de grenade dans le dos. Les gendarmes, le voyant tomber, n’ont pas semblé être préoccupés outre mesure. Découvrant son cadavre, ils le traînent sur quelques mètres et le laissent « comme un chien », selon les mots de Jean-Pierre Fraisse, Véronique Voiturier et Chloé Fraisse, les parents et la sœur de Rémi, qui ont publié une tribune dans le monde ce jeudi.

Le corps est retrouvé au petit matin. Les organisateurs du week-end sont quelque peu désemparés. Silence radio des autorités policières. La désinformation fait rage, jusqu’au plus haut sommet. On entend et lit çà et là que Rémi aurait eu des projectiles incendiaires dans son sac qui auraient explosé !

Le soir du dimanche 26 octobre, un rassemblement est organisée à Gaillac et le lendemain une manifestation à Albi. Les manifestants sont réprimés. La semaine, plusieurs manifestations et rassemblements de petite taille sont organisés à Toulouse et une première grande manifestation est organisée le samedi 1er novembre avec plus d’un millier de personnes, place du Capitole. Non autorisée par la préfecture, la manifestation est stoppée nette au bout de quelques mètres par un barrage de CRS rue Lafayette. Cantonnés place du Capitole, les manifestants se dispersent. Des groupes atteignent la place du Salin, où se trouve le Palais de Justice et où devait aboutir la manif. Tout au long du mois de Novembre, les manifestations en hommage à Rémi, contre les violences policières et en opposition au projet du barrage de Sivens sont systématiquement interdites et réprimées, avec à chaque fois, des dizaines d’arrestations et de condamnations. Un choix assumé de militarisation de l’espace public et de stratégie de la tension à Toulouse comme sur la ZAD de Sivens, où les manifestations pro barrage de la FDSEA sont régulièrement organisées et ou les coups de pressions d’agriculteurs favorables au projet sont quotidiens.

Les étudiants se mobilisent, les organisations ouvrières traînent la patte.

L’annonce de la mort de Rémi Fraisse provoque un émoi considérable chez les étudiants toulousains, au Mirail en particulier. Les manifestations étudiantes se multiplient et la convergence avec les zadistes s’organise sur le campus. L’occupation de la fac, avec la création de la ZIC (Zone d’Interpellation Chaleureuse) et des blocages, est décrétée. Des AG regroupant plus d’un millier d’étudiants sont organisées chaque semaine et un comité de mobilisation est créé. Le mouvement tente de faire converger revendications étudiantes et lutte contre l’austérité dans l’Enseignement supérieur et la recherche, dénonciation des grands projets inutiles, résistance à la répression policière et judiciaire, et réaffirmation inconditionnelle des droits fondamentaux de manifestation et d’expression.

Les organisations ouvrières, si elles ont affiché un soutien minimal, restent, mis à part au Mirail, les grandes absentes de la mobilisation, autant sur le plan local que national, ce qui cantonne le gros de la mobilisation dans les murs de la fac et de la ZAD de Sivens. Comme Nantes et la mobilisation autour de la ZAD de Notre Dame des Landes, et bien que d’autres villes comme Paris ou Lyon aient également connu ponctuellement des opérations répressives importantes, Toulouse se retrouvera alors isolée, y compris pendant tout le printemps, dans ce combat.

Un an après ... poursuivre la lutte !

Alors que la situation l’exigeait, le manque de velléité des organisations ouvrières et démocratiques n’a pas permis une réponse à la hauteur des événements. Les débats et les mobilisations ultérieures, sur la question de la solidarité envers les condamnés, notamment avec le lancement de la campagne Pas de prison pour Gaëtan et les autres condamnés et du comité de soutien à Thomas, seront malheureusement pris en charge par un milieu militant restreint.

Aujourd’hui, un an après la mort de Rémi Fraisse, l’enquête est au point mort. Aucun gendarme n’a été inquiété dans cette affaire, que ce soit pour les mensonges ou pour l’assassinat du jeune militant écologiste. Un véritable scandale, alors que les condamnations pleuvent sur les manifestants de novembre dernier, et que les peines de prison ferme pour avoir simplement manifesté se sont multipliées. Dès lors, la lutte continue en solidarité avec les inculpés et face à l’appareil répressif d’Etat. Le 16 octobre dernier, la compil’ Violence Légitime a été mise en vente à l’occasion du concert anti répression éponyme, afin de venir en aide financièrement aux condamnés des manifestations de l’automne dernier et, ce jeudi, un rassemblement d’hommage pour Rémi Fraisse a été organisé à la fac du Mirail.

L’anniversaire de la mort de Rémi Fraisse s’inscrit dans une période ou la répression ne faiblit pas. La stratégie de la tension est toujours au cœur de la politique gouvernementale pour faire taire toute contestation.

Une marche d’hommage, unitaire et pacifique, pour Rémi à Sivens était prévue ce dimanche. Mais l’appel à une contre-manifestation par les pro-barrages, appuyés par des milices fascisantes, a servi de prétexte à leur interdiction, « pour éviter les troubles à l’ordre public », les plaçant par le fait au même niveau. Contre cet amalgame ignoble et cette nouvelle interdiction, les organisateurs de la Marche de ce dimanche à Sivens, tout en refusant de jouer le jeu de cette nouvelle provocation, la maintiennent donc légitimement, et exigent :

  •  « que justice soit faite pour Rémi Fraisse, que les responsables soient identifiés, jugés et condamnés pour cet homicide » ;
  •  « l’abandon définitif du projet de barrage de Sivens et de tous ces grands projets imposés et aussi nuisibles qu’inutiles »
  •  « l’amnistie de tou-te-s les condamné-e-s et l’abandon des poursuites envers tou-te-s les inculpé-e-s, encore poursuivis pour s’être révoltés contre une situation intolérable, voire pour s’être simplement trouvés au mauvais endroit au mauvais moment. »

    Lundi 27 un autre rassemblement à la mémoire de Rémi Fraisse est organisé place du Capitole à Toulouse (19h30).

    Elle était déjà vitale l’an dernier, mais la nécessité de se mobiliser massivement contre la répression s’impose comme encore plus indispensable aujourd’hui, à l’heure où des salariés risquent la prison ferme pour avoir déchiré une chemise. La convergence de toutes les luttes zadistes, ouvrières et étudiantes serait la meilleure des réponses à apporter pour faire face à la répression d’État qui touche tous les mouvements de contestation. Pour la défense du droit de s’exprimer et de manifester, contre les violences policières, et en hommage à notre camarade assassiné par les forces de répression, ni oubli ni pardon, le combat continue !


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