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Déclaration internationaliste. Face à la crise capitaliste européenne, le plan B est une impasse

Pour un plan internationaliste et de classe : l’Europe des travailleurs et des peuples

Déclaration internationaliste de groupes anticapitalistes et révolutionnaires d'Europe. Ces derniers mois, l’Europe capitaliste a montré son visage le plus réactionnaire. Avec d’un côté l’instauration de mesures xénophobes et répressives face à la “crise migratoire”, et de l’autre, quelques semaines auparavant, l’imposition des exigences brutales de la Troïka, mises en place par le gouvernement Tsipras, contre le peuple grec, il est plus évident que jamais que l’Europe des capitalistes n’est pas en capacité d’offrir une sortie progressiste de la crise pour des millions de travailleurs, de jeunes, de femmes et de migrants en Europe.

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L’accroissement de la xénophobie contre les migrants et les réfugiés et le durcissement réactionnaires des frontières nationales sont le lit de nouvelles attaques contre la classe ouvrière, aussi bien native qu’étrangère. Dans ce contexte, face à la débâcle du « rêve européen » ressurgissent les propositions souverainistes, de droite comme de gauche, qui prétendent recréer des chemins distincts des utopies réactionnaire du « sauvetage national ».

Tout ça est l’expression des tensions qui traversent l’Union Européenne en vertu des efforts allemands pour préserver son hégémonie sur la zone européenne. Celle-ci subordonne – non pas sans difficultés – les autres Etats de l’espace communautaire en menant une véritable semi-colonisation des pays périphériques comme la Grèce, dans un contexte où n’ont pas disparu les tendances à la désagrégation de l’euro comme monnaie commune. Les affrontements plus ou moins masqués de l’Allemagne avec les Etats-Unis, pour régler la question de qui va payer les coûts de la crise mondiale et de la direction des politiques menées vis-à-vis de l’Est de l’Europe et de la Russie, ajoutent davantage de tension sur l’UE. Ces contradictions soulèvent les limites de la construction du projet impérialiste européen ; elles se manifestent en permanence à travers de nouvelles crises.

Dans ce contexte, soulever la perspective internationaliste et de classe qui offre une véritable alternative pour les travailleurs et les peuples face à la crise capitaliste, la xénophobie nationaliste et les désastres sociaux et environnementaux auxquels nous condamne le capital, n’a jamais été aussi urgente.{{}}

Des tensions xénophobes et nationalistes qui se renforcent face à la crise migratoire

La traversée du désespoir que réalisent des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants à travers la route des Balkans et la Méditerranée est une des conséquence de la crise et de la barbarie capitaliste. Nous sommes actuellement témoins de la plus grande crise des réfugiés en Europe depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Depuis le début de l’année 2015, plus de 700.000 réfugiés et migrants sont entrés en Europe, en passant par la Méditerranée. Selon certaines sources officielles, au moins 3.200 sont morts ou disparus durant cette traversée, un chiffre qui sous-estime très certainement l’ampleur du désastre. Les réfugiés sont dans une situation de désespoir total, qui ne peut que s’aggraver avec l’arrivée de l’hiver, alors qu’ils dorment, pour la plupart, dans des conditions extrêmement précaires, des camps de réfugiés et qu’ils parcourent des milliers de kilomètres confrontés aux intempéries.

Les différents impérialismes européens et les Etats-Unis, avec leurs politiques de pillage économique systématique et leurs interventions politiques et militaires au Moyen Orient et en Afrique, sont les principaux responsables de la situation. Autre motif d’inculpation dans ces désastres est le rôle que joue l’Otan, qui depuis dix ans conduit les principales opérations militaires dans le sud de l’Europe.

Face à la crise, la réponse des gouvernements impérialistes de l’UE a été un plan de « répartition » des réfugiés, tout en cherchant à renforcer les frontières nationales. En Allemagne, en Hollande, Autriche, Slovaquie, Serbie et Croatie et en Hongrie, où le gouvernement de Viktor Orban a construit des murs de barbelés, les contrôles aux frontières ont augmenté. L’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark, et d’autres pays ont endurci leurs lois sur l’immigration pour accélérer les déportations et réduire les droits pour les réfugiés. Parallèlement, la crise migratoire a ravivé les tensions sous-jacentes dans la région des Balkans.

Derrière le discours hypocrite de la « solidarité européenne », se cache le retour à une idéologie réactionnaire de renforcement des frontières nationales pour empêcher l’arrivée massive de réfugiés et de migrants. Un des exemples de cela est la construction des « hot spots », véritables camps de concentration, dans les pays limitrophes de l’UE, qui vient appuyer les politiques de classification des immigrés en fonction de leur provenance et de leurs caractéristiques, séparant de manière artificielle les « réfugiés », des « migrants économiques » qui eux ne pourraient pas rentrer en Europe. Pour ceux qui entrent dans les « quotas » d’accueil en Europe, ils sont destinés à être utilisés comme main-d’œuvre bon marché.

L’augmentation de la xénophobie est largement animée par les formations d’extrême-droite, comme le parti de la Loi et de la Justice qui vient de remporter les élections en Pologne, ou par les secteurs conservateurs au sein et à l’extérieur de la coalition gouvernementale en Allemagne. Dans ce pays, les actions violentes menées par des groupes d’extrême-droite ont beaucoup augmenté et le mouvement Pegida parvient à organiser des manifestations massives. En France, le Front National poursuit son ascension tandis que « l’UM-PS » a une politique toujours plus réceptive à son discours réactionnaire.

L’UE a désigné le gouvernement turc d’Erdogan comme « meilleur allié » pour contenir la vague de réfugiés et les empêcher de gagner l’Europe. Pour conclure cet objectif l’UE a accordé un financement de plus de 3000 millions d’euros au régime assassin d’Erdogan, qui, pour se maintenir au pouvoir, n’a pas hésité à utiliser les pires méthodes – responsabilité dans les attentats de Suruç et d’Ankara, campagne de guerre civile contre le peuple kurde, persécution des organisations d’opposition, de la presse et de la gauche.

Le deuxième meilleur allié de l’UE au Moyen-Orient n’est autre que l’Etat terroriste d’Israël qui est en train de mener une nouvelle répression à l’encontre du peuple et de la jeunesse palestinienns, avec la légalisation du « permis de tuer » dans sa lutte contre la soi-disant « Intifada des couteaux ». La jeunesse de Palestine issue de la « génération des accords d’Oslo » fait face à l’occupation et il est nécessaire, à l’heure actuelle, de renforcer le mouvement de solidarité envers le peuple palestinien dans toute l’Europe.

Cette situation montre l’urgence qu’il y a à recréer un internationalisme de classe qui brandisse un programme pour que la classe ouvrière, née en Europe ou étrangère, arrête de payer la crise et soutienne les peuples opprimés par l’impérialisme ; pour que se mette en place une alternative politique capable d’intervenir avec ses propres méthodes, au travers d’une solidarité matérielle et politique, à l’égard des réfugiés, des peuples opprimés et de la classe ouvrière, avec ou sans papiers.{{}}

La Grèce et l’échec du réformisme

Huit ans après le début de la crise capitaliste, la capitulation de Syriza devant la Troïka a été le signal de l’échec du réformisme européen. La stratégie de « gouvernement de gauche » et « anti-austérité » a accouché d’un gouvernement de conciliation de classe entre Syriza et les nationalistes xénophobes d’Anel, qui en l’espace de quelques mois a totalement rendu les armes face aux exigences de la Troïka. En canalisant et amenant à la passivité la colère ouvrière et populaire qui s’étaient pourtant exprimées dans les nombreuses grèves générales et démonstrations d’insubordination contre l’ancien gouvernement du PASOK et de Nouvelle Démocratie, la politique de Tsipras a mené les masses grecques à un déroute politique, sans nulle lutte, face aux créanciers.

Pablo Iglesias de Podemos et Izquierda Unida dans l’Etat espagnol, ou encore le Bloc et le PC au Portugal (qui viennent tout juste de parvenir à un accord pour former une nouvelle majorité avec le Parti Socialiste), ont pris le même chemin que Syriza, applaudis par d’autres secteurs de la gauche réformiste européenne comme Die Linke en Allemagne ou le Parti Communiste français.

La débâcle du néo-réformisme européen au pouvoir est une véritable leçon pour les travailleurs et les jeunes de toute l’Europe. Ce qui a échoué, c’est l’idée qu’il était possible de faire “pression” sur les “partenaires européens” pour modérer l’austérité. L’idée d’une “Europe sociale” qui s’imposerait sans remettre en question l’Europe du capital s’est achevée sur une reddition totale face aux chantages de la Troïka. Dans le même temps, c’est la stratégie de l’avancée progressiste et progressive par les institutions, qui conduit à désarmer politiquement les mobilisations ouvrières et populaires survenues au cours des années antérieures à l’ascension de Syriza, qui a échoué.{{}}

Les pièges du souverainisme de gauche et de son plan B

Unité populaire est née d’une rupture avec Syriza. Plutôt que de réaliser un bilan de leurs propres erreurs, les dirigeants d’Unité Populaire n’ont fait que proposer un réformisme “anti-euro” comme alternative à la capitulation de Tsipras.

Cette nouvelle formation s’est montrée totalement impuissante durant la crise, sans aucun poids dans les secteurs importants du mouvement de masse. Cela tient au fait que sa stratégie est centrée sur la construction d’une gauche parlementaire, avec un programme réformiste qui mêle à une rhétorique radicale, un programme politique appelant à reconstruire l’économie grecque sur des bases “saines”, autrement dit sur un projet de “capitalisme national” moins corrompu, moins extravagant, et plus social. Son programme de « sortie ordonnée de l’Euro » (c’est-à-dire négociée avec les créanciers) et de retour à la drachme pour récupérer la compétitivité de l’économie se base sur une dévaluation de la monnaie et la chute du pouvoir d’achat des salaires, une mesure d’ajustement indirecte mais pas moins néfaste que l’austérité. Nous, travailleurs, ne devons pas choisir avec lequel de ces deux instruments les exploiteurs se préparent à nous achever.

Les membres d’Unité Populaire ne font aucune critique de leurs mois passés au gouvernement à des postes de ministres et de leur tardive scission (alors que Tsipras ne leur laissait guère d’autre option), ce qui les empêche d’incarner une alternative crédible face à Syriza. L’Unité populaire poursuit avec la même stratégie de conciliation de classe qui a mené à la catastrophe.

Au niveau international, Unité Populaire a lancé début septembre conjointement à d’autres politiciens européens comme Jean-Luc Mélenchon en France, Stefano Fassina en Italie, Oskar Lafontaine en Allemagne et Yanis Varoufakis en Grèce (tous les quatre d’anciens ministres de gouvernements capitalistes) l’idée d’un « plan B pour l’Europe ». Le 14 et 15 novembre prochain aura lieu à Paris son premier « sommet ». Même si en apparence, ses défenseurs soutiennent que le plan B n’est pas une vision isolée à l’intérieur des frontières nationales, mais un plan internationaliste pour les peuples européens, ses vrais objectifs montrent les limites et les pièges de ce projet. Ses promoteurs parlent aujourd’hui de « plusieurs plans B » puisqu’il n’y a pas d’accord entre les différentes composantes du projet pour la sortie de l’euro. Ainsi, certains partisans du plan B déclarent que « tous les scénarios seront posés au débat. Qu’il s’agisse de la sortie de l’euro ou d’un autre. Dès le début, il faudra parler de quelles modifications nous pouvons apporter à la zone euro ».

Au final, derrière ses aspects rhétoriques, le plan B n’est autre qu’une version actualisée…du plan A. Mais ce ne sont pas les pirouettes discursives qui vont faire changer la Troïka ! Dans sa vision la plus à gauche, les défenseurs du plan B proposent de recréer en Europe le Forum de Sao Paulo, qui « a amené au pouvoir onze gouvernements progressistes en Amérique Latine », selon les mots de Jean-Luc Mélenchon. Il parle bien des gouvernements qui portent la responsabilité de la canalisation des révoltes populaires de l’Amérique Latine - du mouvement du Carazaco au Venezuela au « Qu’ils s’en aillent tous » en Argentine, en passant par la semi-insurrection de El Alto en Bolivie qui ont eu lieu à la fin de la décennie 1990 et début des années 2000 – et ont reconstruit l’autorité de l’Etat capitaliste. A l’heure actuelle, ce sont les héritiers de ces gouvernements, parfois les mêmes comme au Brésil ou au Venezuela, qui, une fois terminée la période de hausse du prix des matières premières, se retrouvent à appliquer les mesures d’ajustements économiques et ont permis le renforcement des conservateurs dans ces pays. Oui, très certainement, le plan B est une nouvelle impasse.{{}}

Recréer un nouvel internationalisme de classe

Ni le réformisme européiste, ni les différents plans B, ni le réformisme « anti-euro » ne constituent une réelle réponse pour des millions de travailleurs, de femmes et de jeunes. Il est actuellement nécessaire de reconstruire un pôle internationaliste, de classe, anticapitaliste et révolutionnaire, qui puisse présenter un autre plan, le plan I, comme Internationaliste.

Le seul moyen de combattre réellement l’austérité et de refuser que les travailleurs payent la crise passe par la fondation d’un projet qui, à l’échelle européenne, et reprise à l’échelle nationale, défende des mesures telles que la nationalisation des banques sous contrôle des travailleurs, l’expropriation des grands groupes capitalistes de l’industrie, du commerce et du transport, le refus de payer la dette extérieure, le partage du temps de travail, les droits politiques et sociaux pour les réfugiés et les immigrés, les droits de la femme et du mouvement LGBT, et l’unité de la classe ouvrière. Un programme qui, en dernière instance, remette en question les profits des capitalistes et des banquiers.

Face à l’Europe du capital qui n’a à offrir que davantage de misères et de tragédies sociales pour les travailleurs et le peuple, nous revendiquons le fait de lutter pour des gouvernements ouvriers, dans la perspective d’instaurer les Etats-Unis Socialistes d’Europe.

Nous appelons au NPA et à Lutte Ouvrière en France, au SWP et aux différents groupes qui composent la gauche radicale en Grande Bretagne et à tous les courants qui se réclament de l’anticapitalisme du continent, tout comme les courants et tendances syndicales qui refusent de choisir entre l’Europe du capital et le replis sur les limites des frontières nationales, à discuter et organiser une alternative de ce type.

Ensemble, faisant face à cette Europe du capital et des frontières tout comme à l’impasse du plan B, nous serions en mesure d’avancer dans la construction d’un plan internationaliste. Il s’agit de disputer au réformisme européiste, au souverainisme de gauche, et surtout à l’extrême-droite xénophobe, leur influence sur les travailleurs. Nous sommes face à un véritable défi pour que la gauche anticapitaliste et révolutionnaire, ainsi que les courants syndicaux pro-lutte de classe et antibureaucratiques deviennent une alternative crédible aux yeux de tous les jeunes et les travailleurs qui, depuis le début de la crise, luttent et cherchent à stopper la marche destructrice du capital.

Courant Communiste Révolutionnaire du NPA, France.
Clase contra Clase, Etat Espagnol.
Organisation Internationaliste Révolutionnaire (RIO), Allemagne.


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