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Crise de l’Université

Présentiel à la fac : Vidal manoeuvre pour faire oublier la polémique sur l’« islamogauchisme »

Ce lundi, Frédérique Vidal a affirmé que le retour des cours en présentiel pour tous les étudiants se ferait d'ici moins d'un mois. Après le tollé suite au procès en "islamogauchisme" diligenté par la ministre contre l'université, celle-ci tente ainsi de passer à autre chose afin d'éteindre la polémique. Mais ce recalibrage est loin de faire oublier le projet profondément autoritaire et islamophobe du gouvernement, et la situation dramatique des étudiants face à la crise.

Mahdi Adi


et Gabriel Ichen

23 février 2021

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Crédit photo : AFP/Ludovic Marin

Vague de suicide, décrochage scolaire, Vidal ministre de l’université fantôme

« Tous les établissements sont en capacité d’accueillir de nouveaux des étudiants. D’ici la fin du mois, l’intégralité aura repris en présentiel », a affirmé Frédérique Vidal au micro de RTL ce lundi matin. Une promesse peu convaincante alors que l’épidémie s’accélère de manière inquiétante, que la campagne de vaccination avance au ralenti et qu’aucun moyen supplémentaire n’a été alloué aux universités pour faire face à la crise sanitaire. D’autant plus lorsqu’on se souvient de la rentrée universitaire de septembre-octobre dernier, et des images d’amphis bondés et d’étudiants s’entassant dans des locaux exigus et délabrés qui avaient révélé l’inadaptation des universités pour assurer un enseignement convenable dans de bonnes conditions sanitaires.

Par ailleurs, comme pour répondre à la vague de suicide dans la jeunesse étudiante, la ministre s’est également congratulé de la distribution de 5000 chèques psy depuis le début février. Un chiffre dérisoire alors que le nombres de personnes dans un état dépressif a augmenté de plus de 16 points chez les 18-24 ans et de plus de 15 points chez les 25-34 ans selon une étude de Santé Publique France. Une réalité dramatique, produit de la combinaison cynique entre précarité étudiante et pression méritocratique.

A ce titre, les mesures annoncées par Frédérique Vidal sont loin de répondre sérieusement à la détresse de centaines de milliers de jeunes. « Jamais une validation automatique », a-t-elle encore affirmé au micro de RTL, balayant d’un revers de main la revendication de validation automatique face à une situation marquée le décrochage d’un nombre incalculable d’étudiants. Ainsi la ministre a montré une nouvelle fois sa priorité : maintenir à tout prix la sélection sociale, dans la continuité des réformes ORE et Parcoursup.

Après les attaques islamophobes et liberticides, opération diversion en macronie

Mais alors à quoi riment ces nouveaux effets d’annonce de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ? A y regarder de plus près, il semble d’avantage que Frédérique Vidal tente ainsi une grossière manœuvre pour faire oublier ses récentes sorties. En effet, demandant une enquête sur l’« islamogauchisme » dans les facs, la ministre a provoqué un tollé dans le milieu en s’attaquant à renfort d’arguments islamophobes aux libertés académiques et à la recherche en science sociale, un des acquis historique des luttes sociales à l’université et en particulier de mai 68. Du CNRS qui a réfuté l’absence de fondement scientifique à un concept tout droit tiré du vocable de l’extrême-droite, à la tribune de 600 universitaires pour demander sa démission, Frédérique Vidal n’a eu d’autre choix que tenter de faire oublier la polémique en promettant monts et merveilles aux enseignants et étudiants avec la réouverture des universités.

D’autant plus qu’en terme de temporalité, sa sortie sur l’« islamogauchisme » est loin de faire l’unanimité au sein de l’exécutif. Ainsi, cité par France 2 ce dimanche, un membre du gouvernement a affirmé : « elle a raison sur le fond, mais sur le plan tactique, c’est une erreur. C’est contre-productif ». Quant au porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, il a déclaré le même jour sur RTL que la polémique ouverte par la ministre ne concernait que « des faits isolés », et que « la priorité pour le gouvernement, c’est évidemment la situation des étudiants dans la crise sanitaire ».

Et pour cause, au moment où Emmanuel Macron tente de s’ériger en rempart contre l’extrême-droite, mettant en scène la dissolution de Génération Identitaire afin de rééquilibrer la position du gouvernement après l’offensive islamophobe incarnée par la loi séparatisme ainsi que le duel Darmanin – Le Pen en forme de monologue réactionnaire, les propos de Frédérique Vidal arrivent comme un cheveu sur la soupe. Applaudies par les portes-paroles du Rassemblement National, ses accusations islamophobes et autoritaires contre les universités et la recherche collent mal avec la volonté du partie de la macronie de prendre de la hauteur avec 2022 à l’horizon.

Chassez le naturel, il revient au galop !

Cependant, le léger recalibrage de Vidal sur la situation des étudiants ou le désaveu exprimé par la majorité parlementaire LREM ainsi que par des membres du gouvernement, ne peut faire illusion sur l’agenda réactionnaire et raciste du gouvernement. Loin de se démentir Vidal a d’ailleurs maintenu ses propos dans une interview au JDD ce même dimanche. De plus, Gérald Darmanin et Jean-Michel Blanquer, deux autres ministres aujourd’hui à la tête de cette offensive islamophobe ont clairement affiché leur soutien à la sortie de Frédérique Vidal. Darmanin sur Radio J a ainsi déclaré que « chacun sait que ce que dit Mme Vidal est une vérité ». Blanquer quant à lui reste dans la continuité de sa sortie en octobre dernier où il avait soutenu que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université ». Le ministre de l’éducation a soutenu Vidal en affirmant que « l’islamo-gauchisme » serait « un fait social indubitable » dans une interview à BFM TV.

En réalité ce recadrage tactique montre avant tout les contradictions d’un gouvernement qui marche sur des œufs. Avec la responsabilité d’un bilan catastrophique de la crise sanitaire, une crise économique historique et ses conséquences sur les classes populaires et la jeunesse, la macronie a pour objectif de rejouer la carte du rempart contre l’extrême-droite pour les présidentielles de 2022. Une stratégie qui la pousse à mener une offensive sur le terrain réactionnaire et islamophobe de Marine Le Pen, tout en se délimitant par à-coup afin d’incarner le parti de l’ordre face au populisme de la dirigeante du Rassemblement National. Vaste programme qui n’a rien d’autre à offrir pour la jeunesse que l’accentuation de l’offensive autoritaire et raciste, en même temps que d’avantage de précarité et de sélection sociale aux portes de l’université. A rebours de ce projet réactionnaire, il s’agit donc d’imposer des moyens à la hauteur des besoins pour l’université et la recherche, contre la précarité étudiante, le musellement des libertés académiques, et toutes les lois islamophobes et anti-démocratiques à l’instar de la LPPR, de la loi séparatisme ou de la loi Sécurité Globale. Une perspective qu’il ne sera possible d’obtenir qu’en rassemblant la jeunesse, les classes populaires et les travailleurs dans la rue, contre Macron, Vidal et leur monde.


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