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L'algèbre en politique électorale

Primaires de droite pour électeurs de gauche ? Mais qui les inspire tant que ça ?

Avec le grand cirque de l’imminente primaire à droite, certains politiciens de gauche, rompus à l’exercice électoral, sèment la confusion dans le camp des travailleurs. Loin de laisser les candidats de droite se déchirer entre eux à leur guise et de s’en démarquer sur une frontière de classe, ils cherchent la meilleure formule algébrique à promouvoir pour trancher entre la candidature Juppé et la candidature Sarko, entre un centre-droit républicain et une droite ultra nationaliste flirtant avec l’extrême droite. C’est ainsi qu’un Thomas Piketty, économiste montant, inspirateur du programme économique socialiste en 2012, conseiller du leader de Podemos, Pablo Iglesias, en 2015 puis du chef des travaillistes, l’anglais Jérémy Corbyn, a annoncé son intention de voter éventuellement au second tour de la primaire organisée par Les républicains(LR), en faveur de Juppé. Claire Manor

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Primaire LR, à droite, au centre, à l’extrême droite, premier tour, second tour, chacun cherche son chat…


Dans la perspective de la primaire à droite qui doit avoir lieu les 20 et le 27 novembre, Juppé et Sarkozy sont crédités, au premier tour, respectivement de 39% et de 27% devant Fillon et Lemaire. Le leader et son challenger, pas plus blancs l’un que l’autre aux yeux de la justice, le second ayant déjà usé jusqu’à la corde le discrédit du pouvoir et le premier gardant une relative réserve « républicaine », cristallisent les tensions qui traversent l’échiquier politique depuis Bayrou jusqu’aux frontières du FN.

Pour la construction de son camp à la droite de LR et aux frontières de l’extrême droite, Sarkozy n’a cessé de faire un appel du pied aux idées, racistes, xénophobes, sécuritaires, anti-immigrants, nationalistes. Il est certes un peu gêné par la présence du dénommé Poisson, député des Yvelines qui surenchérit et s’est déjà officiellement reconnu "plus proche de Marion Maréchal-Le Pen que de Nathalie Kosciusko-Morizet". Mais ce rival au petit pied n’est que quantité négligeable.

Quant à Juppé, il a consolidé son image de républicain démocrate, main tendue au centre, en passant alliance avec Bayrou. De quoi lui donner un visage moins inquiétant et en tout cas préférable à celui de Sarkozy dans les rangs de la gauche. L’intérêt de cette alliance pour Juppé est clair. Mais que peut en attendre Bayrou ? Sans doute pas une place de premier ministre, comme il s’en défend en tout cas, mais plutôt un positionnement en clé de voûte de la recomposition du centre, aujourd’hui éclaté entre les diverses chapelles de l’UDI, du MoDem et des radicaux de gauche.

Rien donc que de très « politiquement » prévisible dans la manière dont les frères ennemis Républicains affûtent leurs couteaux et rassemblent leurs alliés pour la bataille de la primaire.

Mais que vont faire les électeurs de gauche à la primaire de la droite ?


Beaucoup plus surprenants sont les résultats que fournit une étude d’opinion de l’Ifop réalisée pour l’Obs : 57% des électeurs de gauche trouveraient légitime de participer à la primaire organisée par Les Républicains. Interrogé sur ces résultats qui pourraient pour le moins paraître paradoxaux, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’institut desondage explique : « Soyons clair, leur intérêt pour Alain Juppé ne relève pas de l’adhésion… » Et de poursuivre en expliquant que « Les électeurs de gauche sont d’abord enclins à voter Juppé pour empêcher Nicolas Sarkozy de gagner la primaire. Mais ils déclarent aussi le soutenir pour éviter que le second tour de l’électionprésidentiellen’oppose Nicolas Sarkozy à Marine Le Pen. » Ce dernier argument se réfère, de toute évidence, au traumatisme qu’aurait causé en 2002 la présence surprise de Le Pen au second tour des élections présidentielles.

Leur raisonnement ressemble en tous points à celui de Piketty qui explique sa motivation à voter au second tour de la primaire de droite par le double calcul suivant : 1/ plus Juppé fait le plein de voix à gauche, moins Sarko a de chances de gagner la primaire et en cas de victoire de la droite, ce sera moins pire. 2/ En cas de duel droite/extrême droite au second tour des présidentielles, Juppé a plus de chances que Sarkozy de battre Marine Le Pen. CQFD.

Le sauveur introuvable de la primaire à gauche


Passons sur le fait que Juppé est actuellement donné largement gagnant contre Sarkozy au second tour de la primaire, avec 69% des suffrages ; ce qui devrait éviter à un homme « de gauche » de vendre son âme à Juppé. Mais le raisonnement est de toutes façons étrange, quand on sait qu’il y a quelques mois, Piketty s’était fait le chantre de la primaire à gauche.

Il ne va d’ailleurs pas sans susciter la réaction de Liêm Hoang-Ngoc, leader de la « nouvelle gauche ». Dans sa lettre ouverte « À Piketty et à tous ceux tentés par un vote Juppé » il tente de la ramener à la raison :« Tu espérais que le chef de l’exécutif soit sanctionné et qu’un candidat partageant nos options soit désigné. Le chef de l’Etat est désormais contesté dans son propre clan. Manuel Valls ou Arnaud Montebourg seront-ils désignés pour le remplacer ? Peu importe. Tu te rends compte que le candidat PS n’a aucune chance de monter sur le podium car les Français ne font plus vraiment la différence entre un frondeur et un social-libéral. Tu as donc annoncé que tu irais voter à la primaire de la droite pour éviter une nouvelle candidature Nicolas Sarkozy, autrement dit pour désigner Alain Juppé. Mais Thomas, as-tu vraiment lu le programme économique de Juppé ? »

Propos qui ne manque pas de logique et qui a le mérite de pointer une contradiction difficile à soutenir pour un professeur d’économie renommé. Mais il rate l’essentiel de la réponse qu’il faudrait faire aux 57 % « de gauche » qui, sans doute de bonne foi, voudraient aller faire barrage à Sarkozy dans les urnes que Les Républicains mettent à disposition dans toute la France.

Croire que pourrait sortir des urnes un chef de l’exécutif qui mettrait un frein relatif aux politiques anti ouvrières générées par la crise du capitalisme est une dramatique illusion. Seule une ligne révolutionnaire d’indépendance de classe, de rupture avec le capitalisme et de lutte pour un gouvernement des travailleurs pourrait endiguer les politiques d’austérité et de répression qu’ont incarnées Sarkozy et Hollande et que Juppé ne manquera pas de prendre en charge.


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