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Vers un état d’urgence permanent

Projet de réforme pénale. Bienvenue au Far West ?

Damien Bernard Sitôt en poste, le nouveau ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, spécialiste du renseignement, rend une nouvelle copie. Après la déchéance pour tous, voilà un projet de réforme pénale revu et corrigé. Remusclé, il consacre dans la loi les pouvoirs des procureurs et préfets, déjà très étendus sous l’état d’urgence. Quant aux flics, déjà autorisés à porter leur arme en dehors de leur service, ils obtiennent un joli permis de tuer.

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Après la loi sur le Renseignement, dont il était l’un des grands inspirateurs, le nouveau locataire de la place Vendôme soumet donc son nouveau projet de loi « renforçant la lutte contre le crime organisé et l’efficacité de la procédure pénale ». Pour ce qui est de la synthèse de l’ensemble des mesures « antiterroristes » prises sous l’état d’urgence, autant être franc, la copie est sans faute pour Urvoas.


Légaliser l’accélération des procédures judiciaires et l’extension des pouvoirs de la police

Dans plusieurs dispositions du projet de loi, des mesures visent à contourner ce que l’on appelle « l’autorité judiciaire ». Même si cela est couramment bafoué dans la pratique, ces nouvelles dispositions visent à supplanter le juge d’instruction, censé être une autorité indépendante, par les procureurs, directement soumis au ministère de la Justice, et aussi par les préfets, dépendants eux directement du ministère de l’Intérieur. L’objectif est donc de couper l’herbe sous le pied au juge d’instruction, une mesure qui provoque l’ire des magistrats, vent debout contre la réforme pénale. Le procureur pourra désormais autoriser des perquisitions de nuit alors que seul le juge d’instruction pouvait aujourd’hui le faire. De la même façon, elle lui offrira la possibilité d’intercepter des conversations ou de placer des micros dans les appartements, cédant ainsi aux revendications répétées par les procureurs après les attentats. Quant aux préfets, ils auront la possibilité d’assigner à résidence tous les suspects de retour d’un pays étranger ; pérennisant une mesure déjà mise en œuvre sous l’état d’urgence.

Pour la police, les pouvoirs sont également considérablement renforcés, légalisant des pratiques déjà largement tolérées. Les forces de police pourront par exemple retenir une personne durant quatre heures au poste de police « le temps nécessaire à l’examen de sa situation ». Cette rétention quasi-arbitraire sera possible même si elle dispose d’une pièce d’identité.


Vers la « présomption » de la légitime défense ?

Dans son nouveau projet de loi, le gouvernement « assouplit » les conditions dans lesquelles les policiers pourront ouvrir le feu. Dans son article 20, le texte prévoit de modifier les règles « d’ouverture du feu » des policiers. Il prévoit ainsi d’étendre l’irresponsabilité pénale dans les cas où l’usage de l’arme est « rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire l’auteur d’un ou plusieurs homicides volontaires ou tentatives (...) dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu’il est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin de ces actes ».

Ainsi jusqu’ici réservé dans la théorie à la seule gendarmerie, le projet de « réforme » pénale » vise à étendre à la police la présomption de la légitime défense, que revendiquaient depuis longtemps leurs syndicats, la droite et l’extrême droite. Mais à bien y regarder, la légitime défense consiste en réalité à faire peser la menace d’une enquête, lorsqu’un policier tire sur une personne qui prend la fuite, par exemple, ou qu’il utilise une arme à feu pour faire face aux attaques portées par une personne ou un groupe de personne non armées, car il y a disproportion de moyens. Mais on l’a vu avec le meurtre d’Amine Bentounsi, un procès a eu lieu, le flic a été acquitté. Le verdict de cette justice de classe préfigurait en quelque sorte la nouvelle « jurisprudence » imposée sous l’état d’urgence. Quand on est flic, abattre un jeune dans le dos n’a aucune importance. En revanche, quand on est syndicaliste, retenir deux cadres pendant trente heures dans un bureau est désormais passible de neuf mois ferme.

Avec la présomption de légitime défense, plus de risque de procès pour les condés, ils ne seront même plus acquittés. Les meurtres seront banalisés, pour le plus grand bonheur des « syndicats » de la Police.

Mais à y voir de plus près, tout ou partie de cette « réforme » était déjà dans les tuyaux, préalablement aux attentats. Ainsi le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, avait clairement affirmé, la veille des attentats, le jeudi 12 novembre dans un entretien à Libération, être favorable à « une modification des conditions d’engagement pour les policiers ». Après les attentats du 13 novembre, l’état d’urgence a permis à Hollande d’accélérer ses plans, poursuivant après sa Loi sur le Renseignement, sa fuite en avant ultra-sécuritaire.

Après bientôt trois mois d’état d’exception, une fois la sidération des attentats passée, il apparaît de plus en plus clair pour une partie de la population et du « peuple de gauche », que la terreur des perquisitions arbitraires et des assignations à résidence vise en réalité à maintenir coûte que coûte de la menace « Djihadiste ». « L’état d’urgence sera prolongé jusqu’à ce que la nouvelle procédure pénale soit mise en œuvre », a confirmé le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll à l’issue du conseil des ministres… L’état d’urgence prendra fin donc une fois que l’état d’exception sera inscrit dans la loi.


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