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Ami des patrons

Rachat de concession. L’Etat fait un cadeau de 31 millions d’euros à Bolloré

Dans une enquête parue le 27 janvier, Médiapart révèle que l’Etat a fait un cadeau de 31 millions d’euros à Bolloré en rachetant les installations de l’oléoduc Donges-Metz dont le groupe a été concessionnaire pendant vingt-sept ans. Seul problème : il devait les reprendre gratuitement.

Louis McKinson

28 janvier 2022

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Crédit photo : THOMAS SAMSON / AFP

Le 5 janvier dernier, l’État a racheté une de ses propres concessions. Après avoir servi 27 ans à engraisser Bolloré, l’exploitation de l’oléoduc Donges-Metz devait lui revenir gratuitement. Mais le gouvernement y a vu l’occasion de lui faire un dernier cadeau de 31 millions d’euros.

Une concession très juteuse

Ce sont les forces américaines qui, dans les années 50 et pour le compte de l’Otan, construisent cet immense oléoduc qui traverse toute la France d’ouest en est : de Donges jusqu’à Metz, en passant par Melun. Rétrocédé à l’État français en 1988, l’infrastructure fait vite l’objet de convoitises et se retrouve, par décret, confiée en 1995 à une nouvelle société privée : la Société française Donges-Metz (SFDM). Cette dernière est contrôlée à 95% par Vincent Bolloré, ami du gouvernement Balladur et de son ministre du budget, un certain Nicolas Sarkozy qui contresigne le décret.En 2020, alors que la concession de vingt-cinq ans doit expirer, c’est le premier ministre Édouard Philipe, accompagné alors de Borne, Parly, Darmanin et Le Maire, qui vont en prolonger la durée de deux ans, jusqu’en Février 2022.

Comme tant d’autres concessions c’est une véritable poule aux œufs d’or qui est cédée. Le groupe Bolloré n’a qu’à déverser l’équivalent de 26,6 millions d’euros pour l’acquérir, on en attend une redevance annuelle forfaitaire (et non révisable) de l’équivalent de 625 000 euros, et augmenté de 9% de son résultat net.
En compilant les résultats de 1999 à 2020, Médiapart a pu établir que la SFDM a dégagé en 22 ans (sur 27 au total) quelques 184,7 millions d’euros. Desquelles 95 % ont été reversés aux actionnaires, et donc essentiellement au groupe Bolloré. Des chiffres qui font passer l’investissement d’origine pour absolument dérisoire.

L’année dernière, alors que l’État devait émettre un appel d’offre pour revendre la concession, il décide finalement de reprendre la SFDM. C’est alors Castex qui, avec Le Maire et Pompili, signent le décret qui porte l’État acquéreur. Ils rachètent alors toutes ses parts à Bolloré Energy qui en détient 95,05%, et ce, pour un peu plus de trente et un millions d’euros.

Quand le gratuit s’estime à 31 millions d’euros.

Normalement, quand l’État fait une concession pour une infrastructure publique, il en cède les droits d’exploitation que pour une durée limitée. Le concessionnaire tire les recettes de cette exploitation, et quand le contrat arrive à échéance, l’infrastructure revient dans les mains de l’État. Ainsi, ce qui est concédé dans un contrat de concession, c’est le droit d’occuper et d’utiliser l’infrastructure, on ne vend pas l’infrastructure elle-même.

Conformément à cela, dans le décret du 24 Février 1995 confiant l’exploitation du système d’oléoduc Donges-Melun-Metz à la SFDM, il est donc indiqué que « À l’échéance de l’exploitation ou à la date de dénonciation ou de rupture de celle-ci pour quelque cause que ce soit, le titulaire sera tenu de remettre à l’État immédiatement et gratuitement en bon état d’entretien et de fonctionnement, la totalité des ouvrages, installations, aménagements, équipements, meubles, appareils, outillages et dépendances non bâties qui ont été mis à sa disposition pour l’exécution de sa mission. ».

Cette idée de la rétrocession-gratuite-à-31-millions porte déjà la marque des champions mais l’irrationnel commence vraiment avec la réponse qu’a recueillie Médiapart auprès du ministère de la transition écologique qui a chapoté le dossier : « L’État a décidé d’acquérir la Société (SFDM), dont la concession d’exploitation prenait fin au 28 février 2022. Il convient de distinguer l’oléoduc qui est depuis les années 1990 une propriété de l’État, et pour lequel l’État n’a rien eu à payer à la fin de la concession, et, de l’autre côté, la société qui l’exploite, la SFDM, que l’État vient d’acquérir. »

Aucun préjudice n’a été fait à l’État parce qu’on ne lui a pas vendu ce qu’il n’avait pas cédé. La belle affaire ! Manifestement, l’idée que l’objet d’une concession d’exploitation ce soit l’exploitation, que ce soit de cela dont on fixe les termes et dont on attend le retour, est loin d’être acquise au ministère. Ce dernier avait peur qu’on lui vende l’oléoduc qu’il n’a pas vendu, ce qui semble suffire à son bonheur. Et s’il faut payer une rançon pour reprendre ce qu’il prête, pas de problème.

Le dernier épisode de la longue histoire d’amour entre grands bourgeois parasitaires et politiques clientélistes

On ne sait si cette affaire révèle un vrai rapprochement entre Macron et Bolloré, mais ce qui est certain c’est qu’elle conclut à merveille plusieurs décennies de pantouflage entre patrons et politiques. Déjà en 1995, l’affaire se concluait à la veille d’une élection. C’était alors le clan Balladur-Sarkozy qui était aux petits oignons pour Bolloré. Aujourd’hui, et dans le même timing, c’est Macron qui fait le service. Liquider les moyens de l’État pour avoir les faveurs des bourgeois et derrière, celles des médias, est une ritournelle qui n’a rien de conjoncturelle. Qui plus est, que la corruption et le clientélisme trouvent leurs sommets en période électorale montre assez bien qui en tient les rênes et ce qu’il y a à en attendre.


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