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Une enquête Street Press

Racisme, sexisme, management toxique : dans les coulisses d’un Carrefour Drive

Une enquête menée par StreetPress, dévoile quelles ont été les conditions de travail dans un Carrefour Drive pendant le reconfinement. Du management toxique au non-respect des consignes sanitaire, le récit de ces jeunes travailleurs fait froid dans le dos. Pourtant il fait écho aux conditions de travail de dizaine de milliers de salariés de la grande distribution qui subissent au quotidien ces conditions de travail.

Rafael Cherfy

13 janvier 2021

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Crédits photo : « Robin Jafflin pour Streetpress »

Robin Jafflin a travaillé un mois dans un Carrefour drive de l’Est de la France pendant la période du second confinement. En s’appuyant sur son expérience et les témoignages d’autres salariés, il dépeint le quotidien d’un « driver » dans une enquête pour StreetPress

Un travail de jeune précaire traité avec mépris

La grande distribution compte parmi ses effectifs beaucoup de jeunes, dont souvent des étudiants qui travaillent en temps partiel pour financer leur études. C’est un secteur du travail ou très peu comptent y faire carrière tant les tâches à effectuer sont physiques les salaires bas.

Les drives illustrent particulièrement cela avec une majorité des effectifs en temps partiels et des cadences surveillées à la seconde par des ordinateurs que chaque salarié porte autour du bras. Ces modèles de magasins où les clients font leur courses en ligne et peuvent venir les récupérer en des temps records, les drives, sont présentés comme l’avenir de la grande distribution. Une tendance qui se renforce d’autant plus avec la crise sanitaire qui a fait exploser la fréquentation des drives et qui a engendré en conséquence des conditions de travail désastreuses pour les salariés.

C’est donc un travail « pour dépanner » comme en témoigne Robin Jafflin : « La plupart sont étudiants, précaires ou victimes du premier confinement ». La plupart des salariés du Carrefour Drive y sont en réalité par défaut.

Des pressions à la productivité, au racisme et sexisme des petits chefs

Avec des ordinateurs qui mesurent les moindres faits et gestes des salariés, il est très facile de surveiller précisément leurs performances. Cette production constante des statistiques permet aux petits chefs de mettre d’autant plus en concurrence les salariés avec des classement selon leur temps de livraison ou de préparation. Une course au chiffre qui dépasse le cadre du magasin avec des petits chefs qui sont eux aussi en concurrence avec ceux des autres magasins. Pour les Carrefour drive, il y a même un groupe de discussion WhattsApp qui permet au responsable de mener la compétition en temps réel. Ce qui pousse d’autant plus à augmenter le nombre de commandes effectués en mettant la pression sur les salariés pour accélérer toujours plus les cadences.

En plus du harcèlement quasi permanent des responsables sur les salariés, au Carrefour Drive, les réflexions racistes et sexistes fusent. Dans l’enquête publiée par StreetPressun des driveurs d’origine maghrébine est régulièrement accusé de vol dès lors qu’un produit est manquant dans une préparation. Une travailleuse est, elle, rabaissée parce qu’étant une femme. Elle aurait des neurones en moins. Et tout cela sous couvert « d’humour ». Comme l’indique un des salarié : « Sous couvert de bonne ambiance, on est sans cesse dévalorisés. »

Comme si cela ne suffisait pas, dans le Carrefour drive, les conditions sanitaires sont loin d’être au rendez-vous. Avec un seul flacon de gel hydroalcoolique pour l’ensemble du site et un responsable qui reproche aux salariés la perte de temps que représente le lavage des mains entre chaque livraison, appliquer les gestes barrières est tout simplement impossible. Crise sanitaire ou pas, il faut faire de la « performance » pour répondre aux attentes du client, peu importe les risques de contaminations.

S’organiser pour ne plus se laisser faire

Face au mépris et harcèlement des petits chefs, à l’image de Chronodrive ou une partie des salariés s’était organisée pour réclamer une même prime pour tous suite aux promesses non tenues du premier confinement, la seule issue est la réponse collective. Une même colère quant à la prime avait donné lieu à des grèves dans différents magasins comme au Auchan Val d’Europe. Ce sont des exemples d’organisations de la jeunesse précaire plutôt inédits car ils concernent des jeunes travailleurs en temps partiels, qui habituellement se mobilisent très peu pour leurs conditions de travail.

Sur les questions de harcèlement, racisme et sexisme, il y aussi la nécessité de s’organiser en toute indépendance de la direction pour ne plus laisser passer ces agissements. L’expérience de lutte avec des grèves contre le harcèlement à McDo ou encore les dynamiques d’organisation et d’appel à témoignage contre le sexisme à Chronodrive sont des exemples à suivre et généraliser pour opposer un rapport de force conséquent et ne plus se laisser faire.


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