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Marlène Schiappa au secours des affaires sexuelles des ministres

Rapport sur le harcèlement sexuel : la caution féministe d’un gouvernement empêtré par l’affaire Darmanin

Cinq députés, chargés par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité homme-femme, de travailler sur la lutte contre le harcèlement de rue, viennent de rendre leur copie dans un rapport sorti mercredi. Leurs recommandations : verbaliser à hauteur de 90 euros les « outrages sexistes et sexuels » et mettre en place la prévention en milieu scolaire. Rien de très innovant par rapport aux dispositifs existants. Mais ces propositions arrivent au moment opportun pour le gouvernement. Un moyen de redorer sa vitrine « féministe », alors qu’il est de plus en plus embarrassé par la plainte d’abus sexuel portée contre le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

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Circonscrire les violences sexuelles au harcèlement de rue (et épargner les politiques)

La commande de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité homme-femme, a été passée il y a cinq mois, au pic de la tourmente déclenchée par l’affaire Weinstein, alors que la déferlante #BalanceTonPorc était en train de s’abattre en France. A l’époque, le gouvernement cherche à prendre le gouvernail du mouvement : Marlène Schiappa, sur le pont, fait le buzz sur Twitter en diffusant des images d’elle-même, traversant seule et de nuit, le quartier de La Chapelle, à Paris. Sous-titrées des paroles d’une chanson des Destiny’s Child, « I am a survivor », et du commentaire « Les lois de la république protègent les femmes, elles s’appliquent à tout heure, en tout lieu », le message de ce tweet est ambigu : si elle répond à la polémique ouverte autour du traitement des femmes dans le quartier de La Chapelle, devenu un lieu de regroupement des réfugiés, Marlène Schiappa conforte les préjugés racistes qui s’y sont exprimés. Elle a « survécu » à sa traversée d’un quartier parisien qu’elle considère donc, elle aussi, comme plus dangereux que les autres en raison de la présence de réfugiés, étrangers, racisés ; et cela grâce aux « lois de la république » qui, en toutes circonstances, protègeraient les femmes des violences machistes.

Ces deux commentaires, à première vue anecdotiques, expriment l’alpha et l’oméga de la politique macronienne sur les questions de genre : circonscrire la question des violences faites aux femmes à la lutte contre le harcèlement de rue – avec le sous-entendu que les hommes d’origine populaire en seraient les seuls et principaux responsables – ; s’en remettre uniquement à la loi et à la justice pour qualifier des cas d’agressions et de violences sexuelles. C’est ce qui a permis à Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique, de rester au gouvernement en dépit d’une accusation de viol qui a été portée contre lui, mais qui, en raison des délais de prescription de la justice, n’a pas pu faire l’objet d’une plainte, ni d’un jugement. C’est ce qui permet à Gérald Darmanin de se maintenir comme ministre des Comptes Publics alors que celui-ci fait face à deux affaires similaires. Une première plainte l’accusant de viol a été classée sans suite car « l’absence de consentement de la plaignante n’a pas pu être démontrée ». La deuxième, toujours en cours, le vise pour « abus de faiblesse ». Dans les deux cas, Gérald Darmanin aurait utilisé sa position au sein du parti Les Républicains et à la mairie de Tourcoing, pour obtenir le consentement sexuel de ses victimes en échange de la promesse d’une aide matérielle, qu’elles n’ont d’ailleurs pas obtenu.

Une contravention pour « outrage sexiste et sexuel » : un « féminisme » sécuritaire

La secrétaire d’Etat à l’égalité homme-femme qui a apporté son soutien aux deux ministres incriminés a, dans ce contexte, tout intérêt à tourner les projecteurs vers les seules violences sexistes et sexuelles de rue. C’est l’objet du très opportun rapport des cinq députés qui devra alimenter le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles que Marlène Schiappa doit présenter en mars au conseil des ministres. Ce dernier propose de créer une nouvelle infraction « d’outrage sexiste et sexuel » qui sera verbalisée par une amende allant de 90 à 170 euros. Comme pour la contravention pour « injure sexiste » qui existe déjà – sans avoir pourtant fait preuve de son efficacité-, cela suppose que l’infraction soit attestée par les forces de police. La logique du texte est donc de renforcer les dispositifs policiers dans l’espace public afin de lutter contre le harcèlement de rue. Instrumentaliser les revendications des femmes pour appuyer une dérive sécuritaire, le « féminisme » de Macron se rapproche fortement de celui de l’extrême-droite comme nous l’avions dénoncé il y a plusieurs mois.

Le brevet de l’égalité homme-femme

L’autre versant du rapport plaide en faveur de la mise en place d’un plan de prévention en milieu scolaire contre les violences sexistes et sexuelles. Une idée qui serait intéressante si elle n’était pas déjà prévue dans les textes : en effet, la loi de juillet 2001 qui prévoit l’organisation de trois séances annuelles d’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées reste trop peu appliquée, comme le soulignait le Défenseur des droits Jacques Toubon dans un rapport rendu en novembre dernier sur les droits de l’enfant. Les réticences des chefs d’établissement, l’absence de formation des personnels encadrants, le manque de moyens pour les associations qui en auraient les compétences, ou encore un emploi du temps qui fait peu de place aux actions de prévention, montrent qu’au sein de l’Education Nationale, la question des violences de genre et de l’égalité homme-femme n’est pas la priorité du moment.
Mais plutôt que de réclamer la systématisation des interventions des associations qui ont fait leurs preuves, les députés envisagent la mise en place d’une attestation scolaire de prévention des violences et de l’égalité fille-garçon, à l’image de l’attestation de sécurité routière qui est passée au collège. La validation d’un examen transformerait la question de l’égalité homme-femme en doxa à intégrer. Une connaissance des principes de l’égalité homme-femme dans l’absolu ne change rien aux pratiques. Il n’y a qu’à se tourner vers les affaires sexuelles des ministres Darmanin et Hulot pour le comprendre, eux qui, à tous les coups, auraient passé haut la main leur brevet théorique de bonne conduite.

L’usurpation des luttes féministes

Hulot comme Darmanin ont reçu le soutien inconditionnel du gouvernement. Ce dernier alors visé par une accusation de viol a reçu une « standing ovation » de la part des députés de la République en Marche à l’Assemblée. Emmanuel Macron qui prétendait en novembre faire de l’égalité homme-femme « la grande cause du quinquennat », utilise, en réalité, la lutte contre les violences faites aux femmes, pour lutter contre les hommes des classes populaires, dans une logique tout autant raciste que sécuritaire. Et épargner les siens. S’il met les projecteurs sur les violences faites dans l’espace public, il élude toutes les autres, qui s’opèrent à l’abri des regards, au sein d’espaces privés ou semi-privés que sont les coulisses du monde politique, les entreprises ou les foyers. Et celles-ci sont d’une violence d’autant plus redoutable que, combinées à des rapports de subordination hiérarchique, politique ou économique, elles parviennent souvent à extorquer le consentement de la victime sans recourir à la violence physique. C’est bien de cela dont il s’agit dans l’affaire Hulot et Darmanin. En les protégeant, la secrétaire d’Etat, Marlène Schiappa, montre bien qu’elle n’est que le paravent « féministe » d’une politique de classe contre classe.

Crédit photo : Martin BUREAU / AFP


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