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Sélection à l'université de Bordeaux

Refus d’inscription en master : quelle réalité concrète pour le « droit à la poursuite d’études » ?

A la faculté d'économie, de gestion et d'AES de Bordeaux, plus de 80 étudiants ayant validé leur licence cette année viennent d'apprendre que faute de place, ils ne pourront pas s'inscrire en master à la rentrée prochaine. Retour sur une situation appelée à se généraliser et sur le dispositif de « droit à la poursuite d'études » censé garantir une place aux étudiants déboutés.

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Le 24 décembre 2016, Papa Noël Hollande-Valls a offert à la jeunesse un cadeau amer dont elle n’a pas fini de subir les conséquences : la promulgation de la loi légalisant la sélection en première année de master. Si les universités n’avaient pas attendu cette loi pour imposer des formes de sélection illégale, la loi pondue par le gouvernement Hollande-Valls en pleine mobilisation contre la loi travail pour mater une jeunesse un peu trop rebelle est la dernière étape en date d’un processus de dégradation des conditions d’étude et d’isolement des résistances à l’université entamé depuis de nombreuses années.

Déjà 80 étudiants sans master à Bordeaux

Du fait de procédures de sélection un peu plus précoces qu’ailleurs, les étudiants de la faculté d’économie, de gestion et d’AES de Bordeaux sont les premiers à se voir refuser massivement la poursuite de leurs études : ce sont ainsi plus de 80 étudiants sortant de licence qui ne pourront pas s’inscrire dans le master qu’ils souhaitaient intégrer à Bordeaux à la rentrée prochaine.

Une association d’étudiants, l’Organisation Socio-culturelle de l’université de Bordeaux, dénonce l’opacité des critères de sélection mobilisés. Sa porte-parole demande en outre que les étudiants bordelais soient prioritaires sur les étudiants venant d’autres universités, mettant en avant que c’est ce que l’université s’était engagée à faire. S’il est vrai que devoir changer d’université signe l’arrêt des études pour ceux qui ne peuvent pas se permettre de prendre un appartement ou de payer les frais d’un déménagement, le droit aux études ne doit cependant pas être lié à une « préférence locale » ou régionale, mais bien à l’ouverture immédiate et massive de places en master et en licence, et ce en recrutant alors les personnels nécessaires.

L’université de Bordeaux affirme qu’il y aurait des places en master ailleurs. On voit cependant mal comment : dans la mesure où la loi concerne l’intégralité des masters des universités françaises, les cas de ce genre vont au contraire fleurir dans les semaines à venir. On voit bien que cette affirmation, qui repose donc sur un pari, n’est là que pour chercher à désamorcer une éventuelle révolte des étudiants locaux. L’université leur promet en outre que si des places se libèrent, elles seront d’abord pour eux – mais ils resteront de toutes façons trop nombreux, et se retrouveront en concurrence les uns avec les autres. Rien de mieux pour détruire les résistances que de diviser entre eux les potentiels résistants. Enfin, l’université de Bordeaux a prévu un lot de consolation : elle fera une proposition de poursuite d’étude – mais laquelle ? - aux étudiants ayant validé leur L3 avec une moyenne supérieure ou égale à 11,5 – ce qui laisse donc les autres sur le carreau.

Le « droit à la poursuite d’études » : un dispositif cache-misère

Pour répondre aux critiques, le gouvernement Hollande-Valls avait promis l’instauration d’un « droit à la poursuite d’études », associé à un dispositif d’accompagnement des étudiants refusés dans le master auquel ils avaient postulé. Le site internet ministériel www.trouvermonmaster.gouv.fr a ainsi été dévoilé ce jeudi 15 juin. Créer un outil d’orientation recensant tous les masters existant dans les universités françaises aurait pu être une bonne idée. Cependant, les campagnes de recrutement de nombreux masters sont d’ores et déjà fermés : il suffit de parcourir le site pour s’en rendre compte. Mettre en fonctionnement un tel site le 15 juin seulement, et sans offrir la possibilité de rechercher une formation en prenant les dates des campagnes de recrutement comme critère de recherche, montre à quel point toutes ces mesures ne sont que de la poudre aux yeux destineés à repousser de quelques mois l’explosion de la colère étudiante. Informer de l’existence de formations, c’est bien ; ouvrir des places réelles, c’est mieux !

De la même façon, le « droit à la poursuite d’études » mis en avant par l’ancien gouvernement est tellement fragile qu’il ne résiste pas à une analyse qui tient compte des conditions d’existence des étudiants, de plus en plus précarisés. Faire des démarches supplémentaires en cas de refus défavorise d’ores et déjà les étudiants qui « profitent » de l’arrêt estival des cours pour travailler à plein temps afin de préparer l’année suivante. Le service en ligne est prévu en outre pour ouvrir « en juin » : mais à l’heure actuelle, le site n’offre pas la possibilité de faire ces démarches, ce qui recule d’autant l’obtention d’une réponse. Trimer en terrasse ou en usine tout l’été, monter des dossiers de candidature, faire des recours et trouver un logement pour la rentrée : on avait oublié que les jeunes n’avaient pas besoin de dormir !
Dans un de ses articles, L’Etudiant.fr prétend qu’en cas d’absence de réponse de l’université au bout de deux mois, l’étudiant peut considérer, selon les principes administratifs, qu’il est accepté dans le master demandé. Le site ajoute cependant qu’« il faudra encore que l’université agisse en conséquence » : sage réserve, puisque rien n’oblige l’établissement à agir ainsi ! Or pour faire valoir son droit à la poursuite d’études, il faut en outre que le candidat débouté saisisse le recteur quinze jours maximum après le dernier refus : que faire alors si la réponse ne vient jamais ?
Une fois le recours formulé, le rectorat doit alors faire 3 propositions « raisonnables » dans la région de l’établissement où l’étudiant a obtenu sa licence, « en lien avec le parcours personnel et le projet professionnel » de l’étudiant.
Enfin, seuls les étudiants ayant obtenu une licence depuis moins de trois ans ont la possibilité de faire valoir leur droit : adieu donc à la reprise d’étude à l’université publique. Ce sont les écoles et universités privées qui vont se réjouir !

Généralisation et légalisation du tirage au sort à l’entrée en licence, suppression de milliers d’heures par exemple à l’université de Bourgogne, fusion d’universités et établissements dans une situation financière préoccupante : le bilan du mandat de Hollande pour les universités est catastrophique. Vu les annonces faites par Macron pendant sa campagne et le recrutement d’un ancien de chez Total au ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, il est évident que ce n’est pas avec le nouveau gouvernement que la situation va s’arranger. Rien à attendre non plus de la part des présidents d’université, qui sont globalement en faveur de la sélection à l’université : les étudiants ne pourront donc compter que sur eux et elles-mêmes pour y faire face en développant, dans toutes les universités et dès les premiers jours de la rentrée, une solidarité organique entre étudiants sans-fac et étudiants.

Crédit photo : Archives/ Thierry David


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