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Rentrée sur les facs. Quelques propositions pour relancer la mobilisation

Dans cet article, nous proposons quelques tâches pour le mouvement étudiant pour que cette rentrée universitaire soit placée sous le signe d’une reprise de l’affrontement avec le gouvernement – qui pour sa part, fait bien de continuer à nous craindre… Guillaume Loic et Marina Garrisi

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Le mouvement étudiant pourrait bien être un acteur de cette rentrée

Le combat « contre la loi Travail et son monde » au printemps dernier a été l’occasion pour une partie importante de la jeunesse et de la classe ouvrière de s’affronter au gouvernement et à sa politique au service des patrons. Si Hollande et Valls ont profité des vacances pour imposer la loi par 49.3 et en réprimant la mobilisation, nous sommes des milliers d’étudiantes et d’étudiants à nous être forgés dans la lutte. Et, malgré les sirènes réactionnaires qui hurlent fort en cette rentrée, avec les attentats de Nice, la prolongation de l’état d’urgence, et la montée de l’islamophobie et du racisme d’Etat, sans compter la focalisation du débat médiatique sur le lancement de campagne présidentielle des candidats des classes dominantes, les ingrédients semblent bel et bien là pour que le mouvement social redémarre.

Le mouvement étudiant a montré ce printemps qu’il était encore capable de jouer un rôle politique déterminant, contre un gouvernement qui maniait la carotte et le bâton, mais aussi en direction des travailleurs en cherchant à marcher aux côtés de celles et ceux qui sont entrés en lutte, par-delà la politique des bureaucraties syndicales qui ne permettait pas de frapper tous ensemble en même temps, de manière radicale et en s’inscrivant dans la durée. Une mobilisation historique, et qui plus est sous un gouvernement « de gauche », une situation qui finit de signer la rupture d’une partie importante des étudiants avec le Parti Socialiste. C’est en partie ce qui explique que le syndicat UNEF, affilié au PS depuis 2001, ait été si rapidement minorisé dans les assemblées générales étudiantes, et qu’il ait échoué à jouer un rôle de contention du mouvement étudiant comparable à celui qu’il avait tenu dans les années 2000.

Nous pensons, en tant que courant marxiste révolutionnaire, que ce phénomène de rupture à large échelle avec le Parti Socialiste et avec ses médiations bureaucratiques dans le mouvement étudiant est une brèche énorme pour œuvrer à la reconstruction d’un mouvement étudiant indépendant, politique, démocratique, allié de la classe ouvrière et des classes populaires dans une lutte commune contre la précarité, le chômage, contre l’état d’urgence, le racisme, la répression.

Une rentrée placée sous le signe de la peur des étudiants pour le gouvernement

Alors que chaque rentrée universitaire est toujours plus difficile pour nous, entre la précarité, la hausse du cout de la vie étudiante, et la sélection (illégale !) qui s’installe toujours plus sûrement, cette année le gouvernement a changé son fusil d’épaule et mis en place quelques mesures pour limiter les dégâts. Pour celui qui parlait de faire de la jeunesse « sa priorité », l’heure du bilan s’approche aussi sûrement que les présidentielles, et pour tenter (en vain) de se refaire une santé, Hollande annonce des « avancées pour les jeunes ». Mais c’est, surtout, qu’il ne serait pas bon de rajouter de l’eau à la colère étudiante après ce printemps. Augmentation des budgets pour l’Enseignement supérieur et la Recherche, gel des frais d’inscription, de restauration universitaire et de la sécurité sociale étudiante, augmentation (très faible) des bourses… Déjà pendant la mobilisation, le gouvernement avait tenté (là aussi, en vain) de calmer la mobilisation en annonçant des « mesures pour les jeunes », aux premiers rangs desquelles la fameuse Garantie Jeune qui, loin de répondre à nos revendications, offrait gracieusement aux entreprises la possibilité de nous exploiter pour 460€ par mois, payés par l’État ! On ne s’y trompera pas, la logique est la même, il s’agit d’une tentative pour nous faire rentrer dans le rang, le gouvernement craignant à raison le retour sur le terrain de la lutte du mouvement étudiant.

Pourquoi la lutte contre la précarité étudiante est encore devant nous

Au-delà de ces « mesures » écrans, en quoi nos conditions étudiantes vont-elles s’améliorer cette année ? Nous serons toujours plus d’un étudiant sur deux à devoir travailler toute l’année pour continuer nos études, puisque les bourses (et ce, même après « augmentation ») concernent moins de 30% des étudiants, pour une valeur maximale de 550€/mois. Ce qui n’est même pas assez pour payer son loyer quand on vit à Paris (en moyenne les étudiants parisiens déboursent plus de 800€ pour se loger), et juste à peine pour la province où les loyers augmentent également cette année. Quand dans le même temps nos APL, elles, diminuent. Sans compter les frais de transports (eux aussi en hausse cette année), les frais d’inscriptions et de sécurité sociale, la nourriture, les soins médicaux… Au final, plus de 10% des étudiants sont considérés comme « pauvres », ce qui entraîne des conditions de vie miséreuses, où l’on ne va pas chez le médecin car ça ne rentre pas dans le budget, par exemple. L’an dernier, un étudiant comorien est même mort de faim dans sa chambre universitaire, dans une combinaison morbide entre cette précarité généralisée et le mépris raciste avec lequel sont traités ici les étudiant-e-s des colonies d’Outre mer.

En revanche, nous pourrons cette année « profiter » du Service Civique Obligatoire, c’est-à-dire 3 mois de « classe républicaines » où on nous apprendra « à penser comme il faut », suivies d’une deuxième phase présentée comme une succession de missions d’intérêt national « indemnisée » 470€ par mois, non régie par le code du travail (et donc sans aucune protection salariale), avec un volume horaire qui pourra revenir à nous faire bosser pour 2,44€ de l’heure ! De même que nous pourrons « remercier » le gouvernement (et l’UNEF) pour sa mesure phare de la rentrée, l’ARPE, qui permettra à 126000 étudiants de voir leur bourse prolongée pour une durée allant jusqu’à 4 mois après obtention du diplôme s’ils n’ont pas trouvé d’emploi : une proportion ridicule quand on sait le nombre de jeunes qui se retrouvent au chômage après leur formation. Enfin, pour les « chanceux » qui trouveront un emploi, il reste aux patrons la « Loi Travaille » pour baisser nos salaires, détériorer nos conditions de travail, et nous licencier plus facilement…

Reprendre et amplifier les liens noués avec les salariés en lutte

C’est également en reprenant contact avec les secteurs de travailleurs mobilisés que nous pourrons construire la suite. Ce printemps a été celui d’un retour de la classe ouvrière sur le devant la scène, avec des grèves dures dans plusieurs secteurs stratégiques qui ont prouvé, s’il le fallait encore, que les travailleurs peuvent reprendre le contrôle de leur vie par leurs méthodes. Si une des principales limites de la mobilisation a été de n’avoir pas réussi à dépasser la politique des directions syndicales qui ont cherché à empêcher que les jeunes et les travailleurs marchent côte à côte contre le gouvernement, le 15 septembre peut être l’occasion de créer une convergence entre nos secteurs pour en faire un point d’appui pour la suite. Le rôle du mouvement étudiant, s’il se mobilise largement, peut être déterminant dans contexte où l’intersyndicale quitte toujours plus le terrain de la rue pour celui « des recours et moyens juridiques »… Depuis nos assemblées générales, nous pouvons interpeller les directions syndicales pour qu’elles ne se contentent pas d’appeler à une journée de manifestation mais bien à une journée de grève pour cette date de rentrée.

De même, nous devons être attentifs aux situations locales dans les secteurs et les boîtes, car la mise en application de la Loi Travail, comme chez Bouygues peut provoquer des luttes localisées en réponse aux attaques, puisque l’inversion de la hiérarchie des normes permet aux entreprises de négocier les conditions de travail à la base et en dehors des conventions collectives ou des accords de branches. A la SNCF par exemple, on peut s’attendre à des attaques « découpées » sur différentes gares dès le mois de septembre, ce qui nécessite plus encore la solidarité entre les secteurs. Travailler à maintenir les liens qui ont été créés entre la jeunesse et les travailleurs ce printemps est notre meilleure arme contre ce gouvernement.

Contre l’état d’urgence et la répression, aux côtés de la jeunesse populaire et racisée

Pendant la mobilisation, le gouvernement tentait de marcher sur ses deux pieds en maniant « concessions » d’un côté (cf ses négociations du mois d’avril avec l’UNEF et les syndicats de droite), et matraques de l’autre, en réprimant toujours plus violemment les cortèges des manifestations, et érigeant « le jeune mobilisé » en figure dépolitisée de « casseur ». On ne sera donc pas surpris de voir une telle politique continuer. Et pour preuve, alors qu’il essaie de nous en mettre plein la vue avec ses « mesures » pour les jeunes, le gouvernement a voté cet été la prolongation de l’état d’urgence pour 6 mois. Une réponse visiblement inefficace au problème du terrorisme mais en revanche très pratique pour faire taire par la force toute contestation sociale.

Dans le même temps, le gouvernement et les classes dominantes tentent de détourner la colère sociale vers un « ennemi intérieur » qui serait responsable du terrorisme et de tous nos malheurs – l’argumentation sert aussi à expliquer le problème du chômage, du fait des travailleurs étrangers qui viendraient voler les emplois des « vrais Français ». Leur dernière ignominie en date, les arrêtés anti burkini, que même leur propre Conseil d’Etat n’a pas pu valider, est une offensive de plus contre la partie de la population la plus touchée par la précarité et victime d’une stigmatisation croissante et décomplexée par l’état d’urgence et les prises de positions islamophobes. Cet été, la police, qui nous a réprimé pendant 4 mois, a assassiné Adama Traoré. Ce meurtre, lavé par la « Justice » cet été, est un exemple de plus du niveau de répression que connait la jeunesse racisée des quartiers, qui risque de mourir pour un contrôle de police (au faciès), comme c’était déjà le cas pour Zyed et Bouna et pour bien d’autres encore. Il a donné lieu à une réaction exemplaire, et a rappelé aux étudiantes et étudiants qui se sont battus contre la loi Travail un objectif clé : celui de construire l’unité avec cette autre partie de la jeunesse, de dépasser les frontières imposées, et pour cela de faire leurs les revendications contre le racisme d’Etat, les violences policières, la militarisation des quartiers. C’est une condition pour gagner.

Refonder les organisations étudiantes : indépendantes, combattives, démocratiques

L’UNEF, principale organisation syndicale, est aujourd’hui en difficulté du fait de la subordination de sa direction au Parti Socialiste, dont la détestation a constitué un ciment de la colère des jeunes ce printemps. Alors que le gouvernement, avec les quelques mesures que l’on mentionnait, tente de nous faire revenir sagement entre les quatre murs de la fac, l’UNEF joue sur ses deux pieds. Si l’organisation appelle (bien plus calmement qu’en mars dernier) à la mobilisation ce 15 septembre, elle se félicite de « l’investissement annoncé par le gouvernement [qui] permet de financer [les] mesures sociales obtenues pendant la mobilisation »… Cela n’a rien d’étonnant, car bien qu’elle se soit opposée à la loi travail, l’UNEF a maintenue tout au long de la mobilisation des illusions sur le fait qu’une négociation de son retrait était possible à Matignon. Ce faisant, William Martinet (ex-président de l’UNEF qui vient d’annoncer son départ) n’a cessé de rencontrer Valls pour négocier ses revendications, qui n’ont jamais été celles votées démocratiquement par les étudiants dans les assemblées générales. Aussi bien pendant le mouvement qu’en cette rentrée, l’UNEF tente donc de ramener la colère étudiante sur le terrain corporatif et institutionnel, ce qui lui permettrait en même temps de devenir l’intermédiaire principal entre le gouvernement et le mouvement étudiant ; un intermédiaire dont Hollande et Valls ont bien besoin pour faire rentrer le lait dans la casserole, ce qui explique qu’ils ait bichonné, pendant ces dernières semaines, la direction de la principale organisation étudiante.

Aux antipodes de cette politique, les organisations du mouvement étudiant devraient chercher à être un outil pour la lutte, en mettant à sa disposition leurs moyens matériels et humains et en utilisant leur poids médiatique pour en faire une tribune qui serve la mobilisation. Mais plus que cela, elles devraient reconquérir leur indépendance, s’extraire de toute tutelle institutionnelle (non seulement vis-à-vis du ministère, mais aussi de l’administration des universités), patronale, ou d’un parti entièrement passé aux mains des classes dominantes comme le PS. Cette rupture est une condition pour que les organisations étudiantes, tout en regroupant très largement tous les étudiants désireux de prendre part à la lutte et de défendre leurs intérêts, puissent se doter d’un programme combatif et de méthodes démocratiques. Aujourd’hui, l’UNEF ayant été débordée, périmée comme jamais par la mobilisation, et Solidaires Etudiant-e-s n’ayant globalement pas réussi à incarner une alternative crédible, on voit bien que le mouvement étudiant organisé est mis face à la nécessité de se refonder. Pour cela, il nous semble que la meilleure méthode est de partir de la relance des organes de mobilisation qui ont été construits par les étudiantes et étudiants mobilisés à partir du 9 mars : comités de mobilisations, AG, etc., pour que ce soit celles et ceux qui luttent qui soient à l’initiative de la reconstruction d’organisations étudiantes pérennes à la hauteur de la situation.

Préparons le 15 septembre ! Dès maintenant, relançons les cadres de la mobilisation

Le mouvement étudiant doit repartir à l’offensive s’il veut en finir avec la misère étudiante et la précarité au travail ! Les quelques miettes pour les jeunes lâchées par le gouvernement, négociées par l’UNEF qui revendique la satisfaction de ses revendications grâce à la mobilisation, ne valent pas notre détermination. Nous ne pouvons nous satisfaire de ces « avancées » qui ne changeront rien à notre quotidien, quand la dynamique générale est celle d’une précarisation croissante de nos conditions d’existence, qu’on soit étudiant ou salarié (et on est souvent les deux à la fois !). Le combat contre « la loi Travail et son monde » n’est pas terminé. Pour rappel, le CPE avait lui aussi été promulgué par 49.3 avant d’être retiré, et finalement jamais appliqué, sous la pression sociale. Il n’est donc pas trop tard, et pour cela nous devons nous munir d’un plan d’action et tâcher de tirer les leçons de ces premiers mois de mobilisation.

Dès les pré-rentrées, nous devons chercher à grossir les rangs du secteur déterminé à résister, en organisant des diffusions de tracts, en dialoguant et informant à large échelle, et en relançant les cadres de la mobilisation partout où c’est possible. Organisons des assemblées générales, réunissons les comités de mobilisation, ce sont autant d’outils qui nous permettent de nous organiser et de convaincre largement dans nos rangs. Dans plusieurs facs parisiennes, une dynamique est déjà amorcée et les étudiants devraient à notre avis chercher à faire de même dans toutes les universités où la mobilisation avait un point d’appui, mais aussi dans toutes les autres, pour se donner les moyens de s’organiser de manière inclusive, démocratique et offensive.


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