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« Le printemps » ouvrier

Rétrospective 2016. Quelques leçons à tirer de la mobilisation contre la loi travail.

Le 14 juin. Plusieurs centaines de milliers de travailleurs et de jeunes défilaient lors d’une manifestation nationale à Paris contre la loi Travail et son monde. Après 3 mois de mobilisation contre la loi Travail, cette manifestation, la plus importante depuis le début des hostilités, a marqué le mouvement par son caractère ambivalent. D’un côté, de par son caractère massif, la jeunesse et le mouvement ouvrier ont démontré une détermination et une combativité sans faille leur désir d’aller jusqu’au bout, et ce malgré la radicalité auquel était poussé le gouvernement, sa forte répression en étant l’une des expressions. D’un autre côté, cette journée, s’est déroulée sans qu’aucune grève reconductible ne soit plus en cours. Elle a également exprimé certaines des principales limites du mouvement, et notamment celles de la politique de la direction confédérale de la CGT et de Martinez, devenus la principale opposition au gouvernement. Après le « joli mai » de la classe ouvrière contre la loi Travail, quel bilan tirer de l’issu du mouvement ? Damien Bernard

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Deux mois après la première manifestation contre la Loi travail, l’usage du premier 49-3 pour faire passer en force la loi Travail avait fait office d’étincelle à la vague montante de grèves ouvrières. Une dynamique de grève forte et en extension qui n’a pourtant pas réussi à se généraliser. Nous aborderons dans cet article quelques enseignements à tirer du mouvement contre la loi Travail et du retour du mouvement ouvrier sur la scène politique.

L’alliance entre la jeunesse et les salariés

En un temps record, à travers une véritable contagion sur les réseaux sociaux, la mobilisation débutait par une pétition contre la loi travail qui reçut 1,2 million de signataires pour un appel à manifester pour le retrait de la loi Travail le 9 mars. A cet appel,les organisations de jeunesse se sont jointes pour batailler contre ce projet, directement inspiré des revendications du MEDEF. Une dynamique telle que les directions syndicales ont été contraintes d’appeler à cette première manifestation. Ce 9 mars a ainsi vu surgir l’embryon d’un premier « tous ensemble » de la jeunesse entrainant les salariés, combinaison tant redoutée par Hollande. Une hantise qui s’est notamment illustrée par différentes tentatives pour détricoter au fur et à mesure les possibilités d’un « tous ensemble », que ce soit au travers de la répression terrible, ou via des tentatives de démobilisation au travers des miettes données à l’UNEF.

Pourtant, ce « tous ensemble » du 9 mars imposée par en bas, a été en quelque sorte une « exception »dans le mouvement contre la loi Travail, qui dès lors était rythmé par le calendrier des directions syndicales. Ainsi, les temps de la mobilisation de la jeunesse et du mouvement ouvrier sont restés disjoints. Le calendrier de l’intersyndicale primait, tandis que la jeunesse restait isolée sous le coup de la répression, malgré les interpellations de l’embryonnaire Coordination Nationale Etudiante. Dans ce contexte, où la politique des directions syndicales ne permettait aucunement de construire cette alliance, œuvrer à la synchronie entre la jeunesse et le mouvement ouvrier pour frapper « tous ensemble », en s’attelant à construire concrètement cette alliance notamment en dénonçant les violences policières, était stratégique pour construire la généralisation de la grève.

L’auto-organisation pour imposer notre calendrier aux directions syndicales

Deux mois après la première manifestation contre la Loi travail, l’usage du premier 49-3 pour faire passer en force la loi Travail a fait office d’étincelle à la vague montante de grèves ouvrières. Poussé à la fois par la radicalité du gouvernement, et par la pression à la base prête à en découdre, Martinez, qui y voit aussi l’occasion de s’affirmer une bonne fois pour toute à la tête de la CGT marquée par l’affaire Lepaon, ouvre une nouvelle séquence pour tenter de « généraliser la grève » dans une stratégie de pression face au gouvernement. Les raffineurs, accompagnés au départ des routiers, en ont constitué l’avant-garde, suivis des travailleurs des centrales nucléaires. Le 26 mai avait lieu une journée de grève dans divers secteurs du privé : chez le fabricant de sous-marin DCNS, à Amazon, dans le groupe PSA avec, en tête, l’usine de Mulhouse, parmi d’autres entreprises, dont les éboueurs ou encore les dockers.

La grève n’était pas générale, mais elle était forte et en extension. Sa force venait du fait qu’elle touchait des secteurs stratégiques comme les ports, la filière énergétique, etc. Auxquels s’est ajouté le secteur des transports, avec une grève reconductible à la SNCF. Pourtant, de la même façon que la synchronie n’était pas de mise entre la jeunesse et le mouvement ouvrier, les différentes grèves reconductibles se sont séquencées avec des calendriers qui ont empêché de taper« tous ensemble » au même moment. La politique de la CGT cheminot en a fourni l’exemple le plus caricatural, prétextant la nécessité d’une lutte corporatiste contre le seul décret-socle. Dès lors, les cheminots sont entrés dans la bataille bien trop tard pour enclencher une dynamique de « tous ensemble » comme en 1995. En 2010, les AG Interpros, avaient permis même si de façon embryonnaires et tardive, l’expression d’une importante minorité de salariés pour imposer une dynamique tendant à la grève générale.

Un programme pour répondre au chômage de masse, défendre et unifier la classe

Avec l’entrée en grève de certains secteurs-clés de l’économie, les cartes ont été considérablement redistribuées, le mouvement ouvrier se rappelant à la bourgeoisie en tant que force capable de bloquer l’économie. À l’image du jeune « casseur » s’est substituée en l’espace de quelques jours celle du travailleur « bloqueur ». L’offensive médiatique et idéologique à l’encontre des grévistes, de la CGT et du mouvement contre la loi travail n’ont pas semblé véritablement influencer l’opinion publique, qui continuait à soutenir en majorité la mobilisation. Cela s’explique également par la rupture du peuple de gauche avec le PS et son gouvernement largement délégitimée par sa politique. Cependant, cette sympathie passive envers la mobilisation ne s’est pas transformée en un saut vers la généralisation de la grève à l’ensemble des secteurs salariés, notamment des plus précaires qui n’étaient pas directement visés par la loi travail.

Cette limite est en partie liée à la politique de la direction de la CGT, qui s’est vu devenir la principale opposition politique à Hollande, sans pour autant porter un programme qui, en plus de réclamer le retrait de la loi travail, propose une lutte contre les conditions de travail, la précarisation et le chômage ; un programme qui permette de décupler les énergies et la combattivité des secteurs les plus précaires du prolétariat ou les plus paupérisés, comme celui de la jeunesse des banlieues, pour en finir définitivement avec le chômage de masse et la précarité. Un programme qui aille notamment au-delà de la simple défense du code du travail ; un programme pour exiger un travail et un salaire décent pour tous, à travers le partage du travail existant et sans baisse de salaire, à même de combattre le chômage. Un programme pour imposer un vrai CDI comme seule et unique norme du contrat de travail. Un programme pour imposer nos propres solutions face au chômage de masse, à la précarité et à la souffrance au travail qui minent nos existences.


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