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Bucarest

Roumanie. Démission du Premier ministre, des milliers de personnes manifestent

Philippe Alcoy Mercredi matin le Premier ministre Victor Ponta présentait sa démission, au lendemain d’une manifestation massive, mardi soir, où 20000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale roumaine. L’élément déclencheur de cette mobilisation a été l’incendie d’une boîte de nuit vendredi soir dernier où 32 personnes ont perdu la vie et où plus de 140 personnes ont été blessées. Cependant, la contestation vise un système politique corrompu et les partis qui ont gouverné le pays depuis 26 ans.

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La démission du Premier ministre V. Ponta cherchait clairement à calmer les manifestants et empêcher que le mécontentement s’étende. Mais la manœuvre n’a pas empêché que le soir même 30000 personnes descendent à nouveau dans les rues de Bucarest ainsi que dans d’autres villes du pays.

La peur de l’ouverture d’une période d’instabilité politique est redoutée par les puissances occidentales ainsi que par leurs partenaires locaux. En ce sens, l’ambassadeur américain s’est empressé de déclarer qu’il saluait « l’exercice non violent de la liberté d’expression et de rassemblement » et que les États-Unis comptaient collaborer avec le président roumain, Klaus Iohannis, et le Premier ministre par intérim, Sorin Campeanu ex-ministre de l’Éducation du gouvernement Ponta.

En effet, cette démission se produit quelques jours seulement après que le gouvernement du pays voisin, la Moldavie, tombe suite à un scandale de corruption qui a fait descendre aussi des milliers de personnes dans les rues de Chisinau.

Rejet profond de la caste politicienne

Ce qui ressort des manifestations c’est un refus profond des politiciens qui ont gouverné le pays depuis 1989 et de l’ensemble des partis politiques du régime. « À bas le système mafieux » ; « justice nulle part, corruption partout » ; « À bas le parlement », étaient certains des slogans qu’on pouvait entendre.

En effet, même si la démission de Ponta a pris certains par surprise, elle intervient alors qu’il était poursuivi depuis le mois de septembre pour évasion fiscale et blanchiment d’argent. Mais Ponta et son parti (le Parti Social-démocrate) ne sont pas les seuls entachés par la corruption. L’opposition nationale-libérale est aussi touchée par des affaires de corruption.

C’est pour cela qu’alors qu’une partie des manifestants exigent des élections anticipées, d’autres déclarent ne faire confiance à aucun parti et demandent la formation d’un « gouvernement de technocrates » indépendant des partis politiques.

Pour répondre à ce sentiment d’hostilité face à la caste politicienne le président roumain essaye de mettre en place une manœuvre visant à désamorcer la mobilisation et à donner de la légitimité à un nouveau gouvernement qui dirige le pays au moins jusqu’aux élections générales de décembre 2016 : en plus de consulter les différents partis politiques en vue de la formation d’un gouvernement, il recevra également vendredi des « représentants de la société civile ».

Manque d’alternatives pour les classes populaires

Ni la formation d’un gouvernement « transitoire » avec des membres du PSD, ni avec l’opposition libérale, ni un gouvernement « d’unité nationale » ne représentent une alternative pour les travailleurs et les classes populaires en Roumanie. La formation d’un « gouvernement technocratique indépendant des partis politiques » n’est garantie de rien non plus. La Troïka a bien mis en place des gouvernements techniques en Grèce ou en Italie sans que cela les empêche d’instaurer des mesures d’austérité et des attaques contre les masses.

Comme tant d’autres mobilisations populaires qui ont eu lieu dans la région depuis le début de la crise économique, il existe un profond rejet du régime politique dit de la « transition », des privatisations corrompues et de la corruption en général ainsi que des partis politiques. Cependant, une grande faiblesse que ces mobilisations connaissent réside dans leurs revendications qui visent souvent à créer une « vraie démocratie » mais limitée dans le cadre d’un capitalisme débarrassé de la corruption.

À ces faiblesses dans les revendications (quand elles sont identifiables) il faut ajouter un manque d’organisation indépendante de l’État, de l’impérialisme et des oligarques locaux qui se sont enrichis tout au long du processus de réintroduction du capitalisme dans la région depuis le début des années 1990.

Pour l’instant le mouvement en Roumanie reste très peu radical quant aux méthodes et objectifs. C’est précisément ce qui constitue l’atout des classes dominantes locales. Pendant combien de temps ? Cela on ne peut pas le dire.


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