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Dix ans après la mort de Zyed et Bouna

Samedi, marcher pour la dignité et contre le racisme

Faut-il y aller ? Dix ans après la révolte des banlieues, faut-il participer samedi, à Paris, à une Marche pour la Dignité largement impulsée par le Parti des Indigènes de la République ? La question n’est pas là, n’en déplaise aux dirigeants du PIR qui surfent sur cette aura « sulfureuse » dont ils s’entourent à bon compte, en faisant pousser des hauts-cris à la gauche traditionnelle. Qu’est-ce qui prime, dans cet appel, entre l’opposition aux violences policières ainsi que la stigmatisation systématique des habitants des quartiers par l’État et le fait de retrouver parmi les premiers signataires, aux côtés d’Angela Davis, symbole de la lutte contre le racisme institutionnel et le système carcéral aux États-Unis, un Tariq Ramadan ami, lui, des pétromonarchies du Golfe ?

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Il y a dix ans, pendant près de cinq semaines, les jeunes de banlieues ont affronté, dans la solitude la plus complète, les forces de répression. Comme au temps de la sale guerre d’Algérie, le gouvernement avait proclamé l’état d’urgence. Pire qu’au temps de la guerre d’Algérie, la majeure partie de la gauche syndicale et politique hexagonale se détournait de la question, voire condamnait les « émeutiers » lorsqu’elle ne soutenait pas le retour à l’ordre (raciste et colonial).

Dix ans après, aucune auto-critique, aucun mea-culpa de cette même gauche, plus ou moins radicale, plus ou moins extrême. La presse fait pourtant ses gros titres de l’anniversaire. L’Élysée se permet de critiquer l’état d’urgence alors que les socialistes l’avaient appuyé à l’époque. Hollande fait le tour des banlieues, à La Courneuve, puis prés de Nancy, avec plus ou moins de succès. Son Premier ministre, aux Mureaux, parle de jeunesse, de chômage, de rénovation urbaine et de contrôles policiers. Mais à gauche du gouvernement, du côté syndical, rien. Ou si peu.

Rien pour dire que dix ans après, la situation a empiré au niveau du chômage, du logement, des discriminations. Rien pour dire que les violences policières sont plus intenses qu’auparavant. Rien pour dire que le racisme lepéniste et la stigmatisation sont démultipliés et légitimés par le racisme institutionnel. Rien pour dire que face à cette situation absolument intolérable, il faudrait un large mouvement de riposte : une réponse globale, que les organisations du mouvement ouvrier se devraient d’organiser. Faute de quoi d’autres le feront, et dans le meilleur des cas, non pas pour changer ce système radicalement, mais pour se poser en intermédiaires ayant le monopole du discours sur le racisme et les banlieues, entre toute une fraction de notre classe et les gouvernements. Aux États-Unis, c’est ainsi qu’a fini la frange la plus réformistes du mouvement des droits civiques.

Le seul appel, dix ans après, est donc celui de samedi. Fondamentalement impulsée par le PIR et les organisations que l’on retrouve habituellement à ses côtés, la marche n’est que le reflet en creux de la faillite et la banqueroute préoccupante de toute cette gauche hexagonale. L’appel où sont hiérarchisés les premières signataires qui sont les « femmes racisées », puis les « personnalités » et les « associations de racisées », enfin les « soutiens » qui sont les personnalités et groupes non racisés ou qui ne sont pas cités à ce titre, est tristement révélateur de cet espace laissé désespérément vacant. Un espace politique qui ne peut être qu’occupé, par défaut, par celles et ceux qui se prétendent être les porte-paroles de cette situation intolérable qu’on inflige aux banlieues, à sa jeunesse, à tou-te-s celles et ceux qui sortent du cadre symbolique et juridique qui structure cette république raciste et coloniale.

On retrouve, par conséquent, dans la liste de soutiens volontairement découpée pour faire primer sur l’horizon d’un « tous ensemble » de classe une juxtaposition de batailles légitimes mais spécifiques (contre « l’islamophobie, la négrophobie, la romophobie galopantes »), des personnalités qui ne sont pas seulement « sulfureuses » parce qu’elle devraient choquer la pseudo « bonne-conscience-blanche-de-gauche ». On y retrouve non pas seulement des histrions de plateaux-télé mais des signatures qui sont plus proches, politiquement, de nos ennemis que de nos potentiels alliés de classe : Médine, adepte de la quenelle, soutien de Dieudonné et ami de l’antisémite soi-disant panafricain Kémi Séba, Ismahane Chouder de « Participation et Spiritualité Musulmanes », amie de Christine Boutin, partisane de la « Manif pour tous » et ennemie jurée de la gauche radicale marocaine.

Ce ne sont certainement pas ces quelques personnalités qui donnent le « La » de cette manifestation. Toutes font leur lit de la faillite des directions du mouvement ouvrier et de la gauche politique et syndicale hexagonale, à embrasser et défendre les questions de racisme, de stigmatisation et d’oppression. Pour une partie des organisateurs (PIR en tête), ces signataires servent de repoussoirs pour arguer du fait qu’il n’y a vraiment rien à faire avec ce mouvement ouvrier, non seulement avec ses directions, mais aussi avec ses militants, y compris avec la gauche révolutionnaire. Il serait irrémédiablement trop « blanc » pour que les « racisé-e-s » puissent en attendre quelque chose.

L’ensemble des courants et militants de gauche, révolutionnaires et anticapitalistes, favorables à une riposte de la jeunesse et de notre classe contre cette République raciste et coloniale, ce gouvernement d’intervention impérialiste, complice de l’État d’Israël et meilleur allié d’un patronat plus agressif que jamais, se doivent de participer à la mobilisation de samedi. En militant systématiquement pour être à la hauteur des tâches de bataille contre la répression et les stigmatisations, de solidarité internationaliste et anti-impérialistes que la situation exige, c’est uniquement ainsi que la gauche révolutionnaire sera à même de montrer dans la pratique que c’est bien elle qui est conséquemment anti-système et porteuse de possibles victoires.


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