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Le combat, ça paie !

Sans-papiers/78. Après 3 mois de lutte, une victoire à valeur d’exemple

Ces derniers jours, le moral a pris la couleur du ciel d’été chez les travailleurs sans papiers du 78, en lutte contre leurs employeurs depuis le début du mois de juin. L’unité, la solidarité, la détermination exceptionnelles dont ils ont fait preuve les ont menés à une belle victoire. Dès aujourd’hui 7 août, devient effective, pour un grand nombre d’entre eux, la remise des papiers nécessaires à une démarche de régularisation et à la poursuite d’un travail licite.

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Claire Manor

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Au-delà de la satisfaction de ces revendications fondamentales, ils ont plus largement acquis une expérience collective dans le cadre d’un mouvement conscient et organisé qui pourra utilement servir de référence dans d’autres luttes et peut-être s’étendre dans d’autres départements.

C’est cet acquis qui leur permettra, dès maintenant, de rester solidaires et de mener jusqu’au bout les dossiers de régularisation en préfecture et la défense de ceux que les rigueurs de la politique d’immigration du gouvernement Valls pourraient encore menacer.

Histoire de la construction d’un rapport de forces

Depuis le début juin, les objectifs de la lutte contre les employeurs n’ont pas varié : obtenir en tant que travailleurs sans papiers les attestations de concordance permettant de valider l’identité réelle du travail réalisé sous un nom d’emprunt, et un « CERFA » ou une promesse d’embauche. Ces documents sont nécessaires à la régularisation qui leur permettrait de sortir de la clandestinité et d’exercer un travail licite. Un objectif que certains convoitaient depuis près de 10 ans sans jamais y parvenir.

La décision d’occupation de trois agences d’intérim dans le 78, Adecco à Montigny le Bretonneux, Manpower aux Mureaux et Randstadt à Poissy, et la mobilisation de plusieurs centaines de travailleurs sans papiers dans cette action ont permis de construire un premier rapport de force impressionnant. Ils ont, dès le début de leur lutte, trouvé appui auprès de la CGT à laquelle ils ont été nombreux à adhérer, ainsi qu’auprès du NPA, du MJC ou du MJS.

Mais le facteur principal de construction du rapport de force a été leur unité et leur capacité à s’auto-organiser. Au fil de leur lutte, en participant activement à l’occupation et aux AG, ils sont devenus de véritables militants. Ils ont acquis une conscience et un niveau de solidarité capables de faire barrage à toute opération d’intimidation ou de division face aux employeurs, et à leurs huissiers.

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Des patrons qui menacent puis reculent

Les patrons, eux, ont changé plusieurs fois de tactique. 1ère tactique, qui a duré près d’un mois, le mépris. « Vous pouvez toujours occuper, on s’en moque ». Histoire d’étouffer le mouvement dans l’œuf. 2ème tactique, le harcèlement et les tentatives d’isolement. Les visites d’huissier répétées, au petit matin, alors que les couchages ne sont pas encore repliés, pour trouver des occasions de dénoncer des défauts d’entretien ou des dégradations. Certains sommés ironiquement de produire leurs papiers ou de manière plus déstabilisante encore de décliner leur identité alors que justement ils travaillent clandestinement sous alias. 3ème tactique l’attaque judiciaire avec un dépôt de plainte auprès du TGI de Versailles qui s’est soldé par un échec : Adecco débouté !

A partir de là il est apparu aux patrons qu’il faudrait peut-être songer à négocier. Une avancée dans la lutte se confirme lorsque « Le Prisme », syndicat patronal de l’intérim, conseille à ses trois leaders, Adecco, Manpower et Randstadt de donner les papiers demandés à ceux qui remplissent les conditions nécessaires.

L’heure d’une victoire annoncée a sonné. Les négociations s’engagent. Les ténors de l’intérim sont les premiers à prendre des engagements. Derrière eux, les plus petits et les autres secteurs, nettoyage, bâtiment… commencent à suivre. « Le Prisme » a même transmis à tous ses adhérents un « kit de régularisation », mode d’emploi pour établir les attestations de concordance et les « CERFA » ; ça ne sera pas perdu pour l’avenir !

Aujourd’hui, 7 août, les sans-papiers ont jugé que le processus de délivrance des attestations de concordance, CERFA et promesses d’embauche était suffisamment engagé pour qu’ils puissent lever la dernière occupation des locaux d’ADECCO et partir tous ensemble la tête haute. Le soir, tous réunis à l’UD-CGT de Trappes, ils ont tiré un premier bilan de leur lutte : Chez ADECCO, sur les diverses agences de Montigny, Châteaudun et Puteaux, 42 attestations de concordance et CERFA avec promesse d’embauche sont obtenues ou en voie d’obtention. Même résultat pour 19 travailleurs de chez Manpower, aux Mureaux. Randstatd à Poissy s’est montré plus résistant mais a malgré tout remis 7 attestations et promesses d’embauche. CRIT intérim a accordé 6 attestations de concordance et 1 CERFA.

Au total, la lutte collective et coordonnée a d’ores et déjà permis de gagner 74 attestations de concordance et 69 CERFA. Il reste une vingtaine de dossiers en négociation auprès d’Adecco pour des travailleurs qui n’ont pas totalisé les 310 heures requises par l’employeur mais qui devraient, dans le pire des cas, recevoir l’attestation de concordance, sinon le CERFA. Sous réserve, bien entendu, que la pression ne se relâche pas et que tous restent solidaires et vigilants.

2ème manche : faire face aux représentants du pouvoir et à la politique d’immigration façon Valls

Toute cette bagarre n’est qu’un passage obligé vers le but final : obtenir la régularisation et un titre de séjour pérenne. Pendant toute la phase d’occupation et d’affrontement avec les employeurs, la position du préfet des Yvelines a été plutôt attentiste. Il n’a, par exemple, pas pris de décision d’expulsion par les forces de l’ordre ; rappelons aussi que le tribunal de grande instance de Versailles a débouté Adecco de la plainte qu’il avait déposée pour occupation.

Mais la lutte doit connaître un deuxième souffle maintenant qu’il s’agit d’obtenir la régularisation. Comment sera considéré le fait d’avoir travaillé sous alias ? Comment seront prises en compte les promesses d’embauche ? Qu’adviendra-t-il de ceux qui ont moins de 3 ans de résidence en France, n’ont pas les conditions d’emploi requises, et pourraient tomber sous le coup d’une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) maintenant qu’ils sont sortis au grand jour ?

Le contexte politique en matière d’immigration, la nouvelle loi promulguée il y a quelques jours et les propos de Manuel Valls peuvent éveiller une certaine inquiétude. L’apparent « assouplissement » et une périodicité moins fréquente de renouvellement des papiers qui visent à favoriser une « immigration choisie » auront pour corollaire une rigueur sans faille dans les contrôles et l’expulsion de ceux qui ne rentreront pas dans les critères discriminatoires.

C’est pourquoi, plus que jamais, en s’appuyant sur la première victoire acquise auprès des employeurs, il est nécessaire de maintenir et d’amplifier le rapport de force pour obtenir la régularisation de tous les sans-papiers. Le collectif des sans-papiers a décidé ce soir de réunions hebdomadaires devant l’UD-CGT 78 pour assurer sa continuité ; il doit conserver l’appui de ceux qui ont accompagné la lutte depuis le début, mais il doit en outre désormais bénéficier d’un soutien unitaire de tous les syndicats, partis, associations qui n’acceptent pas que des gens « qui bossent ici et qui vivent ici, » … « ne restent pas ici ! ».


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