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La bataille des législatives se prépare déjà

Sous la pression de la dynamique Mélenchon, la crise du PCF s’approfondit

Moins de deux mois après le vote des militants du PCF en faveur du ralliement à la candidature de Mélenchon, le ton est monté d'un cran entre Pierre Laurent et le candidat de la « France Insoumise ». En cause, la question des législatives où Mélenchon a choisi de présenter des candidats sans consultation avec le PCF, et parfois même en concurrence directe avec des candidats communistes. Une épée de Damoclès au-dessus des députés communistes qui a obligé Pierre Laurent à monter au créneau lors d'une interview donnée à Médiapart.

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Un ralliement « critique »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la formulation retenue de « soutien critique » pour qualifier le ralliement à la candidature de Mélenchon lors du vote ayant eu lieu fin novembre 2016, a été comprise à la lettre par le premier secrétaire du PCF. Dans une interview donnée à Médiapart, celui-ci s’est distancié de la candidature de Mélenchon. Ainsi, il apparaît de plus en plus clair que la direction du PCF, tout en soutenant la candidature de Mélenchon pour respecter le vote des adhérents, souhaite disposer de toute latitude pour faire sa campagne présidentielle sur ses propres bases.

Quelques jours plus tôt, lors de ses vœux, le premier secrétaire du PCF avait préféré s’appuyer sur le programme du PCF « La France en Commun » plutôt que sur celui de Mélenchon, « L’avenir en Commun ». Interrogé sur ce choix, celui-ci assume : « Il était normal pour le PCF d’entrer en campagne en versant au débat public sa propre contribution programmatique ». Et avance ses axes de délimitation avec le candidat de la « France Insoumise » : la question de la rupture avec l’Union Européenne, de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, en plus de le tacler sur ses positions vis-à-vis de la Syrie et de l’intervention russe.

Voilà qui risque de fortement déplaire à Mélenchon, lui qui avait reproché aux grands médias de donner une interprétation mensongère de ses positions sur la Syrie. D’autant plus que sur les questions économiques (Union Européenne et fusion CSG/impôts), les critiques de Pierre Laurent sont directement tirées de la critique faite par la commission économique du PCF sur le programme de Mélenchon. Un document paru le 18 novembre 2016 où on pouvait notamment lire que la conception du programme de Mélenchon était « fondamentalement contraire à toute perspective de rassemblement à gauche [et] sa logique radicalement opposée à ce pourquoi nous combattons. » Rien que ça.

Mélenchon en position de force

Que de changements entre le Pierre Laurent qui invitait au mois du novembre les militants du parti à se rallier à Mélenchon et celui qui s’exprime désormais dans les colonnes de Médiapart. D’une part, il y a fort à parier que, pour un premier secrétaire du PCF qui lançait depuis des mois des appels du pied à la gauche du PS, la proposition de se rallier à Mélenchon était davantage un coup tactique au sein du parti qu’un véritable choix de conviction. Mais surtout, les derniers agissements du leader de la « France Insoumise » ont eu de quoi échauder le premier secrétaire du Parti communiste.

En effet, la France Insoumise, sans consultation préalable de la direction du PCF, a déjà annoncé une centaine de candidats pour les législatives qui auront lieu en juin... des candidats qui se retrouveront en concurrence directe avec deux députés PCF sur quatre sortants, à savoir André Chassaigne et Nicolas Sansu. Ou encore à Montreuil (Seine-Saint-Denis) où Alexis Corbière, porte-parole de M. Mélenchon, se présente dans une circonscription autrefois détenue par le PCF, mais remportée en 2012 par le socialiste Razzi Hammadi, en concurrence avec le candidat communiste déjà déclaré, Patrice Bessac. Et cette liste pourrait encore s’allonger. Selon Manuel Bompard, directeur de campagne de M. Mélenchon, « On travaille sur des candidatures dans les 577 circonscriptions. » Ces déclarations de candidature de la France Insoumise est la suite logique de la réunion entre la direction du mouvement de Mélenchon et celle du PCF, où les communistes avaient refusé les conditions posées, à savoir ratifier la charte de la France Insoumise. Des conditions que Pierre Laurent qualifie de "très rigide" et sur lesquelles il a été clair : "nous ne signerons pas cette charte".

Fort de ses 517 parrainages pour les présidentielles et du vote des militants du PCF en sa faveur, Mélenchon peut se permettre d’avoir une attitude aussi unilatérale et offensive vis-à-vis de ses alliés communistes, quitte à faire exploser le Front de Gauche. D’autant plus qu’on est loin de se disputer le ralliement des communistes entre les principaux candidats de la gauche. Au sein du PS, comme l’a montré le premier débat de la primaire, on regarde davantage du côté d’éventuelles alliances avec Macron, ou Mélenchon en personne qu’avec le PCF, et ce ne sont pas les appels répétés de Pierre Laurent au « rassemblement de la gauche » qui y changeront quelque chose.

Une crise qui s’accélère

Cette situation de marginalisation du PCF est une situation inédite. Si les communistes étaient habitués à jouer le rôle de variable d’ajustement lors des échéances électorales depuis plusieurs décennies, force est de constater que la direction communiste se situe désormais dans un rapport de forces largement dégradé. Le constat est clair : le PCF n’est plus en capacité de gagner seul… et donc de négocier en sa faveur. Si un accord n’était pas trouvé avec la France Insoumise d’ici les législatives, le PCF pourrait perdre tous ses députés à l’Assemblée Nationale, et l’incertitude est encore plus grande lors des prochains scrutins, et particulièrement les municipales de 2020. Or, l’appareil communiste a un besoin vital de ses députés, maires, conseillers régionaux et départementaux. En effet, depuis les années 1980, les décisions successives de la direction ont donné aux élus une place centrale au sein de l’organisation communiste . Dès lors, les compromis les plus larges ont été nécessaires pour maintenir un appareil rendu très dépendant des positions électives, aussi bien en termes d’influence que de finances.

Le coup de force de Mélenchon vient renforcer une situation de crise qui couve depuis longtemps dans l’organisation communiste. En juin 2016, lors du 37è congrès, polarisé par la question des présidentielles et des législatives à venir, la direction avait été mise en difficulté et n’avait obtenu la majorité des suffrages qu’à une très courte majorité. Une situation de crise confirmée par l’imbroglio autour du vote contradictoire des cadres et des militants du parti sur la question du ralliement à Mélenchon. Le quinquennat de Hollande, et particulièrement l’épisode de la mobilisation contre la loi travail où de nombreux militants PCF ont subi les coups de matraque et les gaz lacrymogènes, a rendu beaucoup plus coûteux pour la direction du parti les compromis avec le PS, pierre angulaire du maintien de leurs positions électives dans de nombreux bastions.

Le quinquennat antisocial de Hollande et le spectre de la pasokysation du PS viennent rebattre largement les cartes au sein du PCF. Ce que montre l’épisode actuel, c’est que la crise ouverte par le vote des militants en faveur du soutien à Mélenchon fin novembre est loin d’être refermée. Au contraire, plus l’échéance des présidentielles et des législatives se rapproche, plus cette crise risque de s’accentuer.

1 Voir notamment Julian Mischi. Le Communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années 1970, Agone, 2014


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