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Quel soutien pour le Rojava ?

Stopper Erdogan : les Kurdes bombardés ont besoin du soutien international des travailleurs

Samedi, un rassemblement avait lieu place du Trocadéro en soutien aux Kurdes massacrés par Erdogan. Ce lundi 14 octobre était lancé un appel au boycott du match France-Turquie. Preuves que l’on ne compte guère sur les pseudos accords et mains tendues d’un Bachar El Assad, d’un Macron ou même d’un Trump éventuellement repenti, pour protéger le Rojava. L’espoir est du côté de la mobilisation internationale des travailleurs. Encore faut-il qu’elle ne se trompe pas de cible.

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En moins d’une semaine, un véritable massacre

Depuis mercredi dernier, Erdogan a lancé une offensive dans le nord de la Syrie contre les « Unités de protection du peuple » du PKK/YPG, organisation de gauche considérée comme « terroriste » par le président turc. En moins d’une semaine, au moins 104 combattants kurdes et une soixantaine de civils ont été tués, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme. D’après l’ONU, 130 000 personnes sont en fuite.

Ces bombardements frappent, sans distinction, militaires, civils, vieux, jeunes, ou même journalistes étrangers. Le Monde rapporte que dimanche 13 octobre, « un convoi qui transportait des civils kurdes et plusieurs journalistes étrangers a été bombardé par l’armée turque ou ses alliés » Une journaliste de France 2 a témoigné sur twitter, faisant état d’au moins 14 morts, civils kurdes et journalistes.
Elle décrit les images du massacre qui se déroule en Syrie, toutes plus horribles les unes que les autres : combattants exécutés devant les caméras mains liées dans le dos, zones désertées, maisons et voitures calcinées, raids sur des fugitifs, corps sans vie et couverts de sang, survivants choqués et égarés. Qui sont les « terroristes » ?

Des chefs d’État rapaces en tout genre

Ce massacre n’est pas l’effet d’un cataclysme naturel, mais l’épouvantable résultat d’une partie de géopolitique à laquelle se livrent des chefs d’État, plus soucieux de leurs intérêts dans cette zone explosive du monde et de leur place à la tête de leur propre pays que d’humanité ou de démocratie.

Pour commencer, Erdogan ouvre la partie. L’assaut dans lequel il engage son armée vise à instaurer une « zone de sécurité » sur une profondeur de 32 km pour séparer la frontière de la Turquie des territoires jusque-là contrôlés par les « Unités de protection du peuple » de l’YPG. Il compte y renvoyer une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie. Nombre d’entre eux étant arabes, il fera d’une pierre deux coups : rendre plus difficile l’instauration d’un état kurde autonome et se refaire une santé politique en donnant des gages à son allié électoral anti-kurde. Même si c’est une opération risquée, il semble qu’à ses yeux, le jeu en vaille la chandelle.

Puis c’est au tour de Trump de réfléchir au coup qu’il peut jouer. Après avoir dansé la valse-hésitation, ce qui équivalait à un laisser-faire, au moment où Erdogan annonçait son intention d’attaquer les Kurdes sur le territoire syrien, il annonce très rapidement le retrait des troupes américaines. Par ce retrait impromptu, il laisse ses ex-alliés contre Daesh sans protection. Une décision qui a fait trembler les diplomates américains et entamé la crédibilité des alliances avec les Etats-Unis. Mais face à l’accusation d’abandonner lâchement les Kurdes et de favoriser la reconstitution de Daesh, Trump se contente tout simplement de se retourner contre Erdogan qu’il menace de sanctions économiques … et contre les kurdes qu’il accuse de libérer volontairement les prisonniers djihadistes.

C’est le tyran syrien, Bachar El Assad, qui finalement rafle la mise. Lâchés par les Etats-Unis, les Kurdes de Syrie, acculés à choisir entre le génocide et le compromis, ont annoncé dimanche 13 octobre au soir avoir conclu un accord avec Damas. Cet accord qui prévoit le déploiement de l’armée syrienne dans le nord du pays pour s’opposer à l’avancée des troupes turques et de leurs alliés consacre la reprise en main de la situation par El Assad.

Mobilisation internationale des travailleurs et des populations !

A court terme, c’est d’abord un coup d’arrêt qui doit être porté au génocide perpétré contre les kurdes, opprimés depuis des décennies après le dépeçage du Kurdistan. Mais c’est aussi leur droit à disposer d’un état autonome préservant leur culture, leur langue et la libre disposition de leur avenir qui doit être assuré. Soutenir les Kurdes, c’est à la fois protéger leurs vies mais aussi le faire en empêchant leur reprise en main aussi bien par les Etats qui les entourent que par les puissances impérialistes et leurs organismes de domination comme l’OTAN ou l’ONU.

Dans ce sens, samedi dernier, à l’appel de plusieurs organisations et à l’initiative des organisations kurdes, s’est tenue à Paris une très grosse manifestation avec 30 000 participants, et la présence de délégations kurdes de plusieurs pays d’Europe dont l’Allemagne et l’Angleterre ainsi qu’un cortège de solidarité venu de Rouen. Les organisations présentes, de gauche et d’extrême gauche, comme le NPA, Alternative Libertaire, Ensemble, le PCF ou solidaires ont pu y avancer des mots d’ordre en soutien au PKK, pour la libération d’Ocalan, l’arrêt des massacres en Turquie et la dénonciation du régime turc.

Mais le cap est difficile à garder et les pressions vers l’interpellation des instances comme l’OTAN ou l’ONU, ou vers l’escalade et la surenchère militaro-diplomatique à la Macron sont fortes si on ne se démarque pas des politiques et des instances impérialistes. On ne peut que s’interroger, en constatant la ligne politique défendue par la tribune parue dans Libération et intitulée « n’abandonnons-pas-les-kurdes-et-les-populations-de-Syrie » qui déclare : « Nous, organisations de la société civile, femmes et hommes politiques, intellectuels, artistes, citoyennes et citoyens, dénonçons l’attitude inique et irresponsable de Donald Trump et exhortons la France, membre de la coalition internationale, à immédiatement : - affirmer publiquement son soutien aux Kurdes et aux populations du Nord de la Syrie - prendre les dispositions diplomatiques et militaires auprès des Etats-Unis et de la Turquie pour empêcher cette invasion - obtenir du Conseil de sécurité de l’ONU la mise en place d’une zone de protection aérienne - contribuer à un plan de protection à long terme du Nord de la Syrie ».

Autrement dit, demander à Macron, promoteur avéré des vendeurs d’armes et aux organisations représentatives des puissances impérialistes et de leur force de frappe d’aller jouer les gendarmes sur le territoire syrien, non seulement à court terme, mais de manière durable. Ce dont rêvent tous les états impérialistes et les intérêts capitalistes qu’ils défendent.

Fallait-il appeler au boycott du match France-Turquie ?

Autre initiative de soutien aux kurdes, l’appel au boycott du match France-Turquie a été le suspens de la journée sportivo/politique du lundi 14 octobre. La question a été tranchée le soir à 20 heures : ni boycott d’initiative populaire, ni interdiction des organisateurs - "simplement" un recours accru aux forces de maintien de l’ordre. Le match a finalement eu lieu, et les joueurs turcs ont ouvertement mis en avant qu’ils jouaient en soutien du régime d’Erdogan.

Boycotter le match France-Turquie était pourtant une bonne idée. Une initiative qui aurait pu être d’autant plus mobilisatrice qu’Erdogan a fait du foot un fer de lance diplomatique de son régime et que les joueurs turcs avaient déjà clairement manifesté qu’ils jouaient en soutien à Erdogan, lors du récent match contre l’Albanie.
Mais le boycott, surtout s’il s’agit d’un match de foot dont on connaît l’ancrage populaire, n’a de sens et de réelle efficacité que s’il est porté par une mobilisation massive des organisations ouvrières, des organisations démocratiques, des représentants de mouvements comme les gilets jaunes, de la jeunesse. C’est une occasion dont l’extrême gauche, largement concernée par la répression du PKK et le génocide des kurdes, aurait pu se saisir. Les délais étaient cette fois-ci sans doute un peu courts, mais ce n’est peut-être qu’occasion remise.

En tout état de cause et quel que soit le type d’action engagée et sa visibilité, ce qui importe c’est la ligne politique qui est mise en avant. Une manifestation massive, un blocage du stade pour empêcher la tenue du match n’aurait pas été plus juste que la tribune citée plus haut si elle avait servi à interpeller l’ONU, l’OTAN et à appeler à la couverture militaire de la Syrie. Elle aurait constitué un réel appui si elle avait servi à soutenir les victimes du génocide, exiger l’arrêt des massacres en Turquie et dénoncer le régime d’Erdogan en le menaçant de la force la plus puissante qui soit, celle des masses solidaires.


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