×

Primaire de la « gauche »

Successeur d’Hollande à la primaire de gauche. Que nous réserve Vincent Peillon ?

Manon Véret Ce mardi 3 janvier, le candidat à la primaire de la gauche a exposé les grandes lignes de son projet pour les présidentielles. Avec un pied sur la « gauche » en ce qui concerne le social, et l’autre sur la droite, tentant de s’aligner sur la politique autoritaire défendue par Valls, Vincent Peillon, opère le grand écart politique pratiqué par tous les candidats du PS dans l’objectif de rassembler le parti pour le sortir de sa crise tout en maintenant le cap face à la droite en embuscade. A la différence des autres candidats à la primaire, Peillon ne se positionne pas en rupture avec Hollande mais comme son successeur, en défendant le bilan du quinquennat.

Facebook Twitter

« Je n’y serais pas allé si Hollande avait été candidat », déclare Vincent Peillon dans un entretien au Monde. D’entrée de jeu, Peillon se positionne comme celui qui va mener la candidature Hollande, autrement dit la campagne qu’un Président sortant aurait menée. Considérant que « l’appréciation [du] bilan [de François Hollande], comme celle de sa personne, était injuste par rapport à la réalité », il est en effet le seul à défendre le bilan du quinquennat, tout en ayant voulant rassembler les pièces du PS. Pour parvenir à cette unité qu’il défend, Vincent Peillon présente un projet cherchant aussi bien à parler au peuple de gauche face à ses potentiels candidats Hamon et Montebourg, qu’aux électeurs de Valls du PS droitisé.

Sur le terrain de la « gauche » du PS…

Voulant renouer avec tout un secteur de l’électorat traditionnel du PS, qui a rompu avec ce parti soi-disant de gauche lors des dernières mobilisations, l’ex-ministre de l’Education Nationale, celui-là même qui est à l’origine de la réforme des rythmes scolaires, promet aujourd’hui des réformes dignes de faire de l’ombre à celles que peut proposer la gauche du PS de Hamon et Montebourg. Dans ce sens, il propose de créer 8000 postes supplémentaires d’enseignants sur cinq ans, ainsi que 4000 postes de jeunes chercheurs et ingénieurs, dans l’enseignement supérieur. Etant eurodéputé dans le même temps, il appelle de ses vœux la mise en place d’un « new deal européen » : c’est-à-dire, un plan d’investissement communautaire de1000milliards d’euros pour financer des « secteurs d’avenir ». Pas moins que François Hollande lors de sa campagne de 2012 qui appelait au lancement d’un « pacte de croissance européen » et dont personne jusqu’à ce jour n’a vu la couleur. Comble d’un héritage mal assumé, Peillon va même jusqu’à vouloir remanier la loi Travail, en proposant de rétablir la hiérarchie des normes et revenir sur les heures supplémentaires majorées à 10% au lieu de 30 ou 50%.

Sur le plan démocratique, la logique reste presque la même. Il défend ainsi l’élection des députés à la proportionnelle dans « les grandes régions », dans le but de « lutter contre le poison du fait majoritaire ». Cette proposition ferait l’objet d’un référendum englobant d’autres mesures, et notamment la mise en œuvre du droit de vote des étrangers aux élections locales. Encore une chose qu’Hollande avait promis et qui est passé aux oubliettes. Bref, Peillon à la manière du Hollande de 2012, « Moi, président, contre la finance », se la joue « plus à gauche que moi tu meurs ». De là, à tenir ses promesses….

… Jusqu’à sa droite.

Dans le même temps, Vincent Peillon joue sur la droite du parti, et reprend même un bon nombre de mesures centrales défendues par Manuel Valls. Ainsi, en plus de vouloir augmenter le budget de la justice de 5% par an pendant tout le quinquennat, il marche sur les plates-bandes de Valls en défendant les mêmes propositions que lui : porter le budget de la défense à 2% du PIB, création de 5000 postes de gendarmes et de policiers supplémentaires en cinq ans, pour ne citer que les plus alarmantes sur le plan sécuritaire.

Bien qu’il joue principalement sur la« gauche » en ce qui concerne les mesures démocratiques, Peillon nuance fortement son discours en proposant également la suppression de la consultation des citoyens lors de la fabrication des lois au Parlement, ce que Valls défend aussi de son côté. Ce seul exemple montre les contradictions que sa position de « rassembleur » lui fait porter : le grand écart pour faire de l’œil tant à Hamon qu’à Valls, ou même tant à Mélenchon qu’à Macron comme il prétend pouvoir le faire, produit des incohérences dans la logique de son discours.

Mais qui est Peillon ?

Proche de longue date de François Hollande, il est peu étonnant de le retrouver comme son fervent défenseur aujourd’hui. Entré en politique en 1992, Hollande le propulse porte-parole du PS en 2000 alors qu’il n’était que député de la Somme. Lorsqu’Hollande devient Président en 2012, ce dernier le nomme Ministre de l’éducation nationale, poste qu’il occupe pendant deux ans avant de quitter le gouvernement pour des « divergences politiques ». Mais n’oublions pas que son passage au gouvernement a donné lieu à la réforme des rythmes scolaires, qui, partant du constat d’une surcharge des cours des élèves de primaire, a introduit le principe des activités extrascolaires, financées par les mairies et par les parents, mesure qui revient à aggraver les inégalités scolaires sur fond d’’inégal dotation et de ségrégation socio-spatiale.

« Aujourd’hui, nous dit-il, si je regarde ce qui s’est produit en Europe, un pays comme la France qui a rétabli ses comptes publics et sociaux sans attaquer le modèle social, c’est unique. » Quelle ironie de la part de ce candidat, qui prétend protéger le modèle social français alors même qu’il est l’auteur d’une réforme majeure allant à l’encontre de ce discours.

Cette posture, Peillon l’adopte pour résoudre ce qu’il nomme une « crise politique inédite ». En effet, il porte la ligne politique d’un président sortant ne se représentant pas – cas inédit sous la Vème République – et incarne donc la continuité avec Hollande et la « gauche » qui n’a fait que trahir depuis 1982 son électorat.Peillon porte cet héritage dans son discours : « Je n’ai jamais changé de ligne. J’ai toujours défendu les 35 heures, je n’ai jamais dit que je voulais supprimer l’ISF. » Cet héritage, il le porte aussi en revendiquant sa collaboration avec Jospin entre 1997 et 2002 : « tout le travail que nous avions fait avec Lionel Jospin […], c’était de toujours rassembler, comme l’avait fait avant lui François Mitterrand ». Au-delà d’être le fervent défenseur de François Hollande, Vincent Peillon est bien le fervent défenseur du modèle cinquième-républicain, et ancre donc sa candidature dans cette tradition.

Malgré toutes les nuances que Peillon apporte à son discours, pourra-t-il se frayer une place de choix pour la primaire fin janvier ? Ses appel du pied à la « gauche » du PS et ses distances prises avec Valls sur le 49.3 représentent peu par rapport à l’ensemble des mesures qu’il reprend des deux camps. Marchant sur les deux plates-bandes, il se retrouve d’ores et déjà en difficulté pour se démarquer des uns et des autres. M. Dussopt, soutien important à Valls, a ainsi déclaré : « Quelle est la ligne politique de Vincent Peillon, à part gêner Manuel Valls ? » Reste à voir comment le candidat compte se démarquer lors des débats télévisés prévus prochainement.


Facebook Twitter
Anasse Kazib convoqué par la police : « une procédure politique contre des dizaines de soutiens de Gaza »

Anasse Kazib convoqué par la police : « une procédure politique contre des dizaines de soutiens de Gaza »

Un an de prison avec sursis pour avoir soutenu la Palestine : exigeons la relaxe pour Jean-Paul Delescaut !

Un an de prison avec sursis pour avoir soutenu la Palestine : exigeons la relaxe pour Jean-Paul Delescaut !

Conférence de LFI interdite par l'Etat : une censure politique en pleine campagne des européennes

Conférence de LFI interdite par l’Etat : une censure politique en pleine campagne des européennes

Jeux Olympiques : le budget explose pendant que le gouvernement prépare l'austérité

Jeux Olympiques : le budget explose pendant que le gouvernement prépare l’austérité

TIG pour les parents, comparution immédiate : le nouveau projet d'Attal pour mettre au pas la jeunesse

TIG pour les parents, comparution immédiate : le nouveau projet d’Attal pour mettre au pas la jeunesse

Salariés réservistes de l'armée : Lecornu appelle au « patriotisme du capitalisme français »

Salariés réservistes de l’armée : Lecornu appelle au « patriotisme du capitalisme français »

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

Répression coloniale. A Pointe-à-Pitre, Darmanin instaure un couvre-feu pour les mineurs

100 jours d'Attal : la dette et les européennes réactivent le spectre de la crise politique

100 jours d’Attal : la dette et les européennes réactivent le spectre de la crise politique