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Bientôt l'épreuve de force ?

Sur fond de forte répression, la mobilisation fléchit mais ne rompt pas

Marquée par la très forte répression policière, cette troisième journée de grève nationale interprofessionnelle a réuni près de 500 000 manifestants qui ont répondu présent contre la loi travail dans toute la France. Quoiqu’en disent les médias, qui affichent à la une tantôt la baisse objective du nombre de manifestants, tantôt le nombre de policiers blessés, la mobilisation contre la loi travail, même si elle ne s’amplifie pas encore, est loin de s’éteindre. Malgré les journées « saute-mouton », et à quelques jours de l’entame du « débat » parlementaire, les manifestants contre la loi travail maintiennent la détermination. Damien Bernard

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C’est à Paris, et peut être à Toulouse, que le fléchissement s’est montré le plus significatif. Les vacances scolaires dans la zone parisienne y ont été pour beaucoup. Les lycées y sont fermés et les universités sont en période de vacances ou d’examens. Alors que cela permet d’expliquer en partie la relative démobilisation, notamment dans la jeunesse, il ne s’agit pas d’en faire une fatalité. Mais, à Paris, ce fléchissement est loin d’être imputable seulement aux étudiants. Nombre de salariés ont ainsi profité de ces vacances scolaires et des RTT, que la loi travail compte remettre en cause. En province, notamment à Nantes, le Havre, Rennes, et Marseille, c’est la remobilisation, malgré les journées « saute-mouton », qui a largement primé en comparaison à la journée de manifestation du samedi 9 avril.

Très forte répression dans toute la France

Pour la huitième journée de mobilisation contre la loi sur le travail à l’appel de sept syndicats (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL et FIDL), c’est dans un climat de plus en plus tendu que les manifestants ont défilé ce jeudi 28 avril. Ainsi à l’entame de ce deuxième mois de mobilisation, la répression a atteint un niveau sans précédent. Tôt ce matin, durant l’action de blocage « économique » du port de Gennevilliers, ce sont près de 150 interpellations pour « contrôle d’identité » qui ont donné le ton de la journée, se soldant par deux gardes à vue, d’un cheminot syndiqué à Sud Rail et d’un ancien professeur de l’Université Paris 8, syndiqué à la CGT 75.

A Nantes et à Rennes, le centre-ville a été totalement bunkerisé, moyennant canon à eau, forte présence policière et répression tout azimut. Un tir de flashball à hauteur du visage est en passe de faire perdre l’œil gauche à un étudiant de l’université Rennes 2. A Marseille, c’est aussi une forte répression qui s’est soldée par 57 interpellations. Le ministre de l’Intérieur a annoncé le chiffre de « 124 interpellations » dans tout le pays. Alors qu’il ne s’agit jamais de compter le nombre de blessés du côté des manifestants, le gouvernement est méthodique quant à dénombrer les blessés du côté des forces de police, le tout relayé et amplifié par les médias dominants.

La division classique entre les « bons » manifestants et les « casseurs »

Pour justifier le nombre d’interpellations, dont le chiffrage est toujours aussi précis, ce sont encore une fois les « casseurs » qui sont mis en cause, ceux-ci étant même des « casseurs organisés », dénonce le préfet de Paris. On pourrait notamment lui rétorquer que la répression des forces de police est tout aussi « organisée », et avec des moyens incomparablement supérieurs, en témoigne la quantité de munitions retrouvées après les manifestations, immortalisée par des photos. Le président de l’UNEF, William Martinet, s’est vu obligé d’exiger que la police n’utilise plus de flashball dans les manifestations.

« Je condamne avec force les violences d’une MINORITÉ d’irresponsables. Ils devront rendre des comptes devant la justice. Soutien aux policiers », a affirmé Manuel Valls sur Twitter. Dans la foulée de ces déclarations, le ministre de l’Intérieur a annoncé notamment l’escalade de la répression judiciaire post manifestation. Alors que la dénonciation de la terrible répression de la jeunesse ces dernières semaines faisait terriblement défaut, il devient d’autant plus impératif que les organisations syndicales et de la jeunesse se solidarisent avec les interpellés, les gardés à vue, pour exiger leur libérations immédiates et sans poursuites.

Une mobilisation qu’il s’agit d’amplifier pour faire reculer Hollande !

Bien que la mobilisation se maintienne, cela ne doit pas cependant masquer les faiblesses du mouvement, comparativement à ce qui serait nécessaire pour battre en brèche Hollande et sa loi travail, malgré sa faiblesse politique persistante qui s’illustre par la brutalité de la répression et des mécanismes les plus bonapartistes du régime de la cinquième République. Pour exemple, lors de la lutte contre le CPE en 2006, les vacances scolaires étaient loin d’être un « facteur » de démobilisation, comme cela s’est pourtant avéré ce jeudi 28 avril. Ainsi, pour que le second round se concrétise à un niveau supérieur à la première phase de la mobilisation, se pose d’autant plus la nécessité de massifier le mouvement d’opposition à la loi travail, en lien avec une campagne contre la répression, comme l’a illustrée par exemple l’AG de rentrée scolaire massive à l’Université Rennes 2.

Mais, c’est aussi la nécessité cruciale de voir émerger un secteur du mouvement ouvrier en pointe de la contestation, qui soit en capacité de poser la question de la reconductible. Les journées « saute-mouton » qui s’enchainent du fait des politiques des directions syndicales, notamment de la direction confédérale de la CGT, n’ont que peu découragé les militants combatifs, comme le prouve la mobilisation ce 28 avril. Cela démontre encore une fois la détermination des salariés et des étudiants à en finir avec la loi travail, mais plus au-delà, un rejet massif et majoritaire de la politique du gouvernement, qui tente désormais de « s’habiller de gauche », à un an des présidentielles.

Préparer dès maintenant la reconductible !

Pourtant, sans perspective de victoire, sans stratégie qui donne une voie à la colère sociale, cette détermination peut s’échauder. Et on le voit, le gouvernement joue la montre. Il est aux abois de tout secteur en capacité d’en entrainer un autre. Avant les vacances, il s’agissait de réprimer la jeunesse et de saupoudrer des miettes, cela n’a pas fonctionné, la jeunesse est toujours au rendez-vous malgré les vacances. A la rentrée, c’est désormais la mobilisation des intermittents qu’il tente de contrer à travers un « bon » accord quant au régime d’assurance chômage. Cependant on peut légitimement se douter de sa réalité, notamment du fait qu’il doit par la suite être ratifié par le MEDEF, et que les intermittents ont été expulsés du théâtre de l’Odéon qu’ils occupaient.

Du côté du mouvement ouvrier, après la forte mobilisation des cheminots le 26 avril, ce jeudi a été plutôt peu suivi. La faute en revient en grande partie à la politique des directions syndicales, notamment de la CGT, et de Sud Rail. En ayant tout fait pour dissocier la lutte contre le décret socle de la mobilisation contre la loi travail, ils nourrissent ainsi un corporatisme qui est pourtant sans issue, d’autant qu’il est plus que jamais nécessaire de construire la « convergence des luttes », alors même que toutes les conditions sont réunies. Pour rompre avec le corporatisme des directions syndicales, le rôle dans la prochaine période des étudiants et lycéens pour impulser, converger, et faire que la préparation de reconductible soit une réalité, est primordiale.

Dans toute la France, la plupart des manifestations ont continué, malgré la répression, en convergeant vers les places. A Paris, place de la République, les rencontres pour la convergence des secteurs en lutte se sont tenues ce soir et ont vu se regrouper plusieurs des secteurs qui à un moment ou à un autre du quinquennat ont incarné la pointe avancée de la contestation ouvrière et populaire, (hospitaliers, cheminots, lycéens, etc…). Cela ouvre la possibilité de voir les franges les plus déterminées du salariat et de la jeunesse se coordonner afin de penser ensemble le plan de bataille pour gagner, faute de perspective concrète des directions syndicales.

Quasiment systématiquement, les militants combatifs, étudiants et lycéens ont posé, au-delà du 1er mai, la question d’un début de grève reconductible le 3 mai, journée ou commencera le « débat » parlementaire sur la loi travail. Pour que l’entame de ce deuxième mois de mobilisation puisse réellement déboucher sur un second round, se pose plus que jamais, la question d’organiser concrètement la convergence entre la jeunesse et les salariés, notamment à travers des interpros locales et des comités de grèves boite par boite, établissement par établissement, pour imposer la reconductible. Cela est nécessaire pour imposer, à Martinez et aux directions syndicales du mouvement ouvrier, un appel réel à la reconductible et exiger le retrait total de la loi travail.


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