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A propos d’une descente à Montreuil

Témoignage. Mitraillettes versus cantine associative

Un soir du mois d'avril, un soir où, comme on le sait, il ne faut pas se découvrir d'un fil, un soir donc... Mercredi 27 avril, 20h précise. Montreuil sous Bois, Seine-Saint-Denis.

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Au 39 rue de la Solidarité, des agents d’institutions publiques représentant : la Douane, l’URSSAF, l’Hygiène et la Santé publique, le Fisc et la Préfecture de Bobigny, sont envoyés en mission, encadrés de policiers municipaux, de la police nationale et de la police de l’immigration. 10 voitures banalisées ou pas, à quoi s’ajoute 1 fourgon. Point à ne pas négliger, certains policiers détiennent des bombes lacrymogènes, des flash-ball et d’autres des mitraillettes...

En tout 20/25 personnes réparties dans la cantine et dans les voitures.

Qui peut bien être aussi dangereux au 39 rue de la Solidarité ? Qui pourrait exiger autant d’institutions en même temps ? Pourquoi 25 personnes se retrouvent là ? Des armes contre qui ?

Eh bien, au 39 rue de la Solidarité se trouve une cantine participative et autogérée qui s’appelle Tardigrade, créée il y a un an au sein d’un immeuble occupé qui a, quant à lui, 6 ans d’existence. Des mitraillettes contre une cantine ?... Est-ce bien sérieux ? N’y a-t-il rien d’autre à faire ? Mais bon, il faut bien que la police montre son nouvel arsenal.

Rentrons dans le vif du sujet.

La file des 10 voitures bloque une partie de la rue de la Solidarité, une rue mitoyenne avec Vincennes. L’une d’elle bloque le grand portail. Tout ce groupe entre dans la cantine à leur risque et péril, et là ils tombent sur une dizaine de personnes qui boivent du thé, discutent et écoutent de la musique. Les personnes présentes se demandent ce qui se passe. La Police est-elle là pour les protéger contre un quelconque danger ? Un terroriste se cacherait-il parmi eux ?

Que nenni, que nenni...

A certains, ils disent :

« Nous sommes là, car certains de vos voisins se sont plaints du bruit ». C’est une nouvelle méthode que d’autres devraient utiliser : vous ne savez pas comment éradiquer le bruit ? Très simple, envoyez 20/25 policiers armés et des fonctionnaires de l’Etat et...et vous n’aurez plus de problème de bruit !!!

A d’autres, ils disent :

« Nous sommes là pour faire un contrôle de l’URSSAF » Un contrôle de l’Urssaf, accompagné de policier munis de flash-ball et de bombes lacrymogènes...

Mais leurs questions sont plutôt :

« Combien de personnes habitent cet immeuble ? » Aucun rapport avec la Cantine donc.

Autre question :

« Dans les habitants des 2 immeubles, y a-t-il des enfants ? Et si oui, quel âge ont-ils ? » Aucun rapport avec la Cantine non plus, mais plutôt avec la PJJ... une des institutions manquantes a l’appel.

J’oubliais, nous sommes sous état d’urgence depuis... fin novembre 2015.
Que veulent-ils ? On ne sait pas...c’est... flou.

Au bout d’un certain temps, quelqu’un demande combien de temps cela va durer, un policier répond 2 heures. C’est le moment que choisit M. B pour aller aux toilettes. Un policier lui demande alors ses papiers, avant qu’il ne sorte. M. A veut se déplacer pour changer de siège, un policier lui demande de s’asseoir. M. A s’interroge, n’a-t-il pas le droit de se déplacer au sein de cette cantine encerclée ?

Toutes les personnes doivent présenter leur carte d’adhérent pour montrer qu’elles font bien partie de l’association.

Les policiers demandent à voir les papiers concernant les statuts de l’association « Le Collectif 39 », qui est à la base de la Cantine Tardigrade. Tous les documents demandés sont fournis : déclaration en préfecture, bulletins de paies, assurance, statuts, N° de Siret, cartes d’adhésion, etc. Ils se montrent surpris et reconnaissent que tout est en règle.

C’est là qu’intervient une des personnes présentes, M.S pour demander à voir un papier officiel justifiant la réquisition. C’est vrai que ce n’est certainement pas pour venir manger un repas a participation libre. Finalement, un fonctionnaire lui tend le papier du procureur. Il a à peine le temps de le tenir dans sa main et de le prendre en photo, qu’un agent de police lui arrache le papier des mains. Le même policier demande ses papiers à M. S.

Toute cette intervention dure 45 mn. On lira plus tard sur la photo floue du document du procureur qu’ils avaient une large plage horaire de 20h a 00h. Soit 4 heures devant eux. Qui paye tout ça ? Nous, les citoyens. Et la nuit, c’est gratuit ? Non, ce soir-là, ce sont les citoyens français qui ont payé une opération armée dans une cantine autogérée.

D’après le papier, le procureur cherchait à savoir s’il y avait :

  •  Une dissimulation d’activité
  •  Une dissimulation d’emploi salarié
  •  L’emploi d’étrangers sans titre de travail

    Voilà...

    Pour en savoir plus sur cette cantine Tardigrade qui compte plus de 1000 adhérents, où tout est basé sur la récup’ des invendus alimentaires et autres (livres, vêtements, outils, vélos, etc.) et la participation libre : voir le magazine VSD numéro 2024, du 30 mars 2016, le Parisien numérique, article du 1 juin 2015, aussi un article sur le parisien papier. A voir aussi, dans le film de Beatrice Turpin, Montreuil, vers une écolonomie ? sur les alternatives à Montreuil.

    Notons peut-être que cet immeuble, ainsi qu’un autre qui lui fait face, fait partie d’un lot vendu aux enchères et au rabais, 2,6 millions d’euros le 12 avril dernier, soit 10 jours plus tôt.
    Le 27 avril, il y avait donc un nouveau propriétaire depuis deux jours. Les mauvaises langues pourraient suggérer que ce n’est pas sans rapport avec cette spectaculaire, disproportionnée et terrifiante descente.

    A la cantine, personne n’a l’âme d’investigateur, les gens préfèrent dépenser leur énergie à construire un lieu d’accueil chaleureux et solidaire, où les habitants sont invités à sortir de l’isolement citadin pour échanger et partager autour d’un bon repas l’idée d’une société respectueuse de tous.

    On peut imaginer que dans le climat politique actuel cette information n’intéresse pas grand monde, mais peut-être faut-il se méfier de la banalisation de telles pratiques.


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