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Rassemblement du Front Social à Nantes

Témoignage. Un père et sa fille de 2 ans chargés par la police : « Ils n’ont plus de limite ? »

Il y a juste une semaine à Nantes, le rassemblement du Front Social était attaqué par la police. Plusieurs manifestants étaient blessés à coup de matraque : syndicalistes et étudiants, jeunes, vieux et enfants. Un père s'est retrouvé coincé et violenté dans la charge policière avec sa fille de 2 ans. Voici son témoignage. Il est accablant.

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Source : Page facebook Nantes Révoltée

« Lundi 19 juin au soir, il y avait le premier rassemblement du Front Social à Nantes. Mon colocataire y allait. Moi, je gardais notre fille, son petit frère étant au docteur avec sa maman, et je me suis dit que je pouvais y aller avec elle. Ça me semblait important d’y aller : les nouveaux gouvernants n’ont été élus que par 15% des inscrits, et on nous fait croire à un triomphe. Ils veulent continuer toute la casse commencée par leurs prédécesseurs, et aller très vite disent-ils, par ordonnance. Se retrouver dans la rue entre gens de tous horizons, pour tenter de les faire reculer, ça me paraissait une bonne idée.

Un rassemblement donc, en centre-ville, avec des jeunes, des syndiqués, des vieux, à manger et à boire, ça me semblait pas anormal d’y aller avec la petite. Avec les chaleurs, à son retour de la nounou, on s’est d’abord bien arrosé au jet d’eau dans le jardin, et on n’est arrivé sur la place à l’ombre que vers 18h30, pendant les discours. On a été se chercher à boire, croisé des copains et copines de notre quartier, avec qui je discute et elle joue.

Un peu plus tard, au micro, il est proposé de se rassembler pour participer à une action : il s’agit d’édifier un mur devant une agence bancaire HSBC. Je trouve ça marrant, à la fois c’est symbolique et à la fois ça envoie un message clair. Peut-être faut-il rappeler que c’est un banquier qui a été élu président.

On se regroupe autour de la banque. Des gens se mettent à trimballer les parpaings, d’autres à faire du mortier, d’autres à monter le dit mur. L’ambiance est bon-enfant. Les constructeurs demandent de l’aide. Ma fille, elle voit une truelle et elle a envie d’y aller. En ce moment, c’est son jeu préféré à la maison, la truelle, et le mortier de terre. On va donc se mettre à faire du mortier. J’ai mon casque, elle a sa truelle et son bob, il ne peut rien nous arriver.

Dès notre deuxième seau de mortier, je m’aperçois que ça pousse tout autour. Les forces de l’ordre sont en train de charger. Je prends alors ma fille dans les bras et essaye de sortir par le petit côté, vers la place du Bouffay : on n’est pas venu ici pour se faire taper dessus. Mais c’est bloqué aussi de ce côté. Ça pousse même fort, ça donne des coups de matraque. Ça commence à crier un peu partout. Ils finissent par nous laisser passer, en continuant à nous pousser brusquement. Recevant un coup de bouclier, je tombe à la renverse, ma fille dans les bras, au milieu des policiers, un d’eux ne trouvant rien de mieux que de nous menacer avec sa matraque alors que nous sommes à terre, elle en pleurs et s’agrippant autant qu’elle peut à mon cou. Je me relève au plus vite, pour ne pas se faire écraser par la ligne ou par le mouvement qu’elle provoque, et puis pour la rassurer. Elle me voit crier fort sur les policiers. Elle regarde partout, me serre encore. Les gens crient, derrière nous, certains sont violemment matraqués. Il y a une explosion juste à droite : je panique et elle se met à pleurer plus fort, les yeux grands ouverts. On apprendra plus tard qu’il s’agissait d’une grenade assourdissante. Elle ne doit pas comprendre grand chose. Elle n’avait pas choisi de venir là, elle, et elle jouait tranquillement avec sa truelle.

On me conseille de rentrer avec la petite. Je n’ai pas envie, ce n’est pas normal, il ne s’est rien passé de grave, il n’y a eu aucune dégradation, les flics ne peuvent rien faire, il n’y a aucune raison qu’on soit en danger. Mais on insiste et je me résous à aller chercher le sac de la petite avec la nourriture dans la camionnette AGO (Aéroport du Grand Ouest, les syndicalistes de cette entreprise avaient amené un véhicule sur place) pour m’éloigner un peu, la rassurer et la faire manger au calme. Sauf que la camionnette est maintenant de l’autre côté de la ligne de policiers. Je vais devant pour leur expliquer et la traverser. Ils ne nous laissent pas passer et nous menacent avec leur matraque, ils nous repoussent avec leurs boucliers. Sur le côté, un policier de la CDI braque son flashball sur nous, l’œil au viseur. Il est juste là, à deux mètres de nous, sur notre gauche. La peur me prend, mais l’énervement est plus fort. Je suis là, inoffensif, une petite de 2 ans et 5 mois dans les bras, et lui, sa réaction c’est de braquer son arme sur nous ? Je pète un câble, avance vers lui, l’engueule autant que je peux. Ça commence à monter dans les tours. J’en crois pas mes yeux. Ils n’ont plus de limite ? Une enfant, un bébé même, on pourrait dire. Braqué. Un autre policier se justifiera en me faisant remarquer que la petite a une truelle à la main ! Elle l’a pas lâché depuis tout à l’heure, je ne m’en étais pas aperçu. Même dans la chute, elle ne l’a pas lâché. Tétanisée qu’elle était devant tout ce qui se passait.

Eux, ils ne nous laisseront pas passer. Un passant m’accompagne pour contourner la ligne et accéder au camion. Mais un petit groupe de policiers nous bloque à nouveau. Ils me disent alors : « mais vous êtes fous avec la petite, donnez-nous votre fille, on va s’en occuper ». Eux là, ceux qui viennent de braquer, arme à l’œil et doigt sur la gâchette, ma fille de 2 ans et demi, ils veulent que je la leur confie. Je sature d’énervement. « Ne vous énervez pas ». Avec quelques personnes de la CGT AGO qui m’accompagnent on arrive à passer en les repoussant et les tenant un peu à distance. On récupère notre sac puis on s’éloigne.

Je croise une copine, lui raconte la scène de l’arme braquée sur nous, la gorge piquante et les yeux humides. Elle vient m’accompagner au miroir d’eau. Nous, on va aller se poser là-bas, tranquillement, jouer dans l’eau et puis manger. Mon colocataire nous rejoint, elle s’éclate dans l’eau, elle rit à pleins poumons, je suis rassuré. Sa soirée, ça n’aura pas été que de la peur et de la tension, je me dis.
[…]

On est dans le tram du retour, il est 21h30. Je lui demande si c’était bien la soirée, si elle a aimé aller en ville. « Il est où les méchants ». Ce sera sa seule réponse, qu’elle me répétera encore, une fois sur mes épaules en arrivant à la maison. Ce soir j’espère juste qu’elle dormira, qu’elle ne se réveillera pas en criant, en pleurant ou en demandant à nouveau « il est où les méchants ».


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