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Impérialisme économique

Total signe un accord de 4,8 milliards de dollars en Iran

Alors que la crise autour du Qatar fait rage dans le Golfe, Total et l’Iran ont signé lundi 3 juillet le plus important contrat d’investissement depuis la levée des sanctions, et le premier dans le domaine de la pétro-chimie.

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Un contrat monstre pour Total qui s’insère plus que jamais dans le gaz naturel

Chez les successeurs de Christophe de Margerie, on sabre de champagne en ce moment ! Le géant français de la pétrochimie a en effet signé ce lundi un accord international avec l’Iran d’un montant de 4,8 milliards de dollars pour développer une partie du champ de Pars Sud, le plus grand champ gazier du monde. S’il est pour l’instant principalement exploité par le Qatar, les réserves de l’Iran, moins exploitées, font des réserves du pays les deuxièmes au monde.

Signé avec les compagnies China National Petroleum Corporation et l’opérateur iranien Petropars, Total sera l’opérateur du projet, détenant 50,1% des capitaux, contre 30% pour le premier et 19,9% pour le second. Le contrat prévoit un investissement pratiquement immédiat de 2 milliards de dollars (1,76 milliard d’euros) pour développement la phase 11 du champ gazier offshore de North Dome, ainsi que d’autres investissements à posteriori. En échange de ce fort apport en capital de la part de Total et de la CNPC, Total exploitera pour vingt ans le champ, avec une production prévue à 400 000 barils par jour équivalent pétrole. Toute cette production sera dirigée vers le marché intérieur iranien, particulièrement dépendant des énergies fossiles dans son développement économique.

La France et l’Iran au cœur des reconfigurations moyen-orientales

Total prend ici des risques économiques assez importants, étant donné l’épée de Damoclès qui pèse toujours sur la tête du régime iranien. En effet, Donald Trump n’a cessé de dire tout le mal de l’accord nucléaire de 2015, et le Sénat a même voté un projet de loi en faveur du durcissement des sanctions contre l’Iran, qui doit être examiné par la Chambre des députés.

Cependant, les entreprises françaises sont en ce moment en train d’investir massivement en Iran : en octobre 2016, Renault et PSA avaient annoncé de gros investissements, en collaboration avec d’autres marques. PSA et SAIPA, constructeur iranien, avaient annoncé des investissements de 300 millions sur cinq ans. Cependant Total reste le premier major pétrolier mondial à revenir en Iran, après des projets ratés dans les années 1990, et compte bien s’y tailler une part de lion. Une part dont la gestion devra être étroitement surveillée : la majorité des sanctions américaines touchent tout ce qui s’approchent des Gardiens de la Révolution, et l’entreprise a mis en place des services de surveillance pour s’assurer que les mesures américaines contre l’Iran sont respectées.

En effet, on se souvient de l’amende record envers la BNP Paribas, qui avait fait des transactions en dollars avec l’Iran, à la hauteur de 9 milliards de dollars. Une amende qui refroidit encore nombre d’investisseurs, mis à part des opérateurs français peu en liens avec les USA, comme la Banque Postale, qui investit aussi en Iran.

La France et ses barons impérialistes profitent donc de l’assouplissement des sanctions américaines pour investir largement en Iran, et par là s’affirmer comme un soutien de Téhéran sur la scène régionale. Une annonce qui est loin d’être sans conséquences régionales à l’heure où l’Iran est en conflit indirect avec l’Arabie Saoudite au sujet du Qatar. En effet, à l’heure où le Qatar a annoncé vouloir refuser les clauses exigées par l’Arabie Saoudite pour sa soumission, ces larges investissements français renforcent l’Iran sur la scène régionale, même si ces annonces sont sans communes mesure avec les 110 milliards de contrats d’armements signés entre les USA et l’Arabie Saoudite.

Le pari de Rohani : remplacer les Gardiens de la Révolution par l’impérialisme occidental

La nouvelle est aussi une très bonne annonce pour Hassan Rohani, le président iranien, qui tablait sur les accords sur le nucléaire pour que des investissements extérieurs arrivent massivement dans un pays qui est aujourd’hui dans un état de retard de développement au regard de ses richesses. Face à des candidats soutenus par les factions les plus réactionnaires il avait été élu sur des promesses d’investissements massifs, qu’il avait chiffré à 50 milliards de dollars. Une façon pour le président d’éloigner la grogne sociale qui est latente en Iran, en tentant de réduire le chômage et le prix de la vie par plus de dépendance envers les impérialistes étrangers, français en tête.

Ce type d’investissement sert surtout à une partie de la bourgeoisie iranienne d’affaiblir le parti des Gardiens de Révolution, qui contrôlent aujourd’hui la majeure partie de l’appareil pétrolier, au moment le régime des Ayatollahs, issu de la contre-révolution de 1979, faiblit et voit ses assises s’écrouler.

Cependant, loin d’être une bonne nouvelle pour les classes populaire et les ouvriers iraniens, la substitution du pouvoir théocratique de Khomeiny aux impérialistes français et occidentaux n’est en rien une bonne nouvelle : « l’ouverture » du régime sera surtout une aubaine pour Total et ses amis, après quelques décennies durant lesquelles l’attitude anti-impérialiste anti-américaine promue par Téhéran était surtout une manière de détourner les mots d’ordre des révolutionnaires ouvriers de 1976-1979 pour affermir un régime réactionnaire.

Crédits photos : Irandailyonline


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Arthur Nicola

Journaliste pour Révolution Permanente.
Suivi des grèves, des luttes contre les licenciements et les plans sociaux et des occupations d’usine.
Twitter : @ArthurNicola_

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