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Elections en Grèce

Tsipras, pari réussi. Mais la crise est loin d’être finie

Il n’y a aucun doute : le grand gagnant des élections grecques dimanche dernier est Alexis Tsipras. Et cela non seulement parce qu’il a réussi à pratiquement répéter son score de janvier mais parce qu’en même temps il réussi son pari politique de se débarrasser des « frondeurs » de Syriza et de constituer un groupe au parlement plus fidèle. Cependant, cette victoire n’est pas non plus une garantie de stabilité politique à la hauteur des réformes que le nouveau gouvernement devra mettre en place.

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Avec 35% des voix Syriza arrive largement en tête face à la droite de Nouvelle Démocratie (28%). Ce résultat, additionné aux 50 sièges de « bonus » que le régime politique grec offre au parti arrivé en tête, lui permet d’avoir 145 députés (seulement quatre de moins qu’en janvier dernier) sur 300 que compte le parlement.
Tsipras a déjà annoncé qu’il formera à nouveau un gouvernement avec le parti souverainiste de droite Anel qui a obtenu un peu plus de 3% des voix et 10 sièges au parlement. Au total, entre les deux partis ils comptabilisent 155 sièges, quatre de plus que la majorité absolue.

Encore une fois, ces résultats démentent les prévisions des sondages des semaines précédentes qui annonçaient une élection serrée entre Syriza et ND. Ces mêmes sondages indiquaient qu’Anel ne rentrerait pas au parlement, ce qui posait la question d’avec qui Tsipras formerait le nouveau gouvernement en cas de victoire.

En troisième position arrive le parti néo-fasciste Aube Dorée (6% et 18 députés). Ainsi, le parti d’extrême-droite maintient son score de janvier dernier, et cela malgré le fait que sa direction se trouve en prison pour l’assassinat du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas ainsi que pour être à la tête d’une organisation de malfaiteurs.
Les autres partis qui seront présents au parlement seront le PASOK (6,3%), le Parti Communiste (KKE – 5,5%), les centristes de To Potami (4%) et une nouvelle formation, l’Union des Centristes (3,7%). Pour les dirigeants de To Potami, qui avait été reçus en grande pompe à Bruxelles, c’est un revers important.

Syriza n’a pas été sanctionné mais sa victoire n’éveille aucun enthousiasme

Syriza semble ne pas avoir été sanctionné de sa volte-face vis-à-vis de la Troïka et de l’austérité. L’élément qui traduit le plus clairement un désenchantement avec les promesses de Tsipras mais aussi vis-à-vis des mécanismes de représentation politique est le taux d’abstention : 45%, le plus fort depuis 1990.

Sans aucun doute, une grande partie des électeurs qui ont voté pour Syriza l’ont fait sans grand enthousiasme, considérant l’austérité presque comme « inévitable » et voyant Tsipras comme celui qui pourrait « adoucir » le plus l’application des mesures néolibérales exigées par les créanciers du pays.

Les grands perdants de l’élection : Lafazanis et l’Unité Populaire

Si Tsipras est le gagnant incontestable de l’élection, les perdants incontestables sont clairement Panagiotis Lafazanis et l’Unité Populaire. La formation de l’ex ministre de l’énergie du gouvernement Syriza-Anel jusqu’à son renvoi par Tsipras suite à son vote « contre » le nouvel accord avec la Troïka n’a même pas pu atteindre le seuil antidémocratique de 3% nécessaire pour rentrer au parlement grec. L’Unité Populaire (UP) n’a obtenu que 2,8% des voix.

Ce mauvais résultat électoral reflète le fait qu’après avoir perdu le combat politique contre la Troïka après janvier, les masses ressentent une certaine lassitude, et ce alors que ceux qui constituent aujourd’hui l’UP et qui ont été l’aile gauche de Siryza n’ont jamais constitué une alternative à la direction de l’ex-formation de gauche radicale au cours des combats décisifs. Lafazanis était le principal dirigeant de la Plateforme de Gauche de Syriza qui avait été incapable de lutter contre la capitulation de Tsipras, mis à part à travers de motions internes qui n’avaient aucun poids dans la réalité. La plateforme de gauche a continué tout au long des quelques mois où Tsipras et son entourage capitulait face aux créanciers du pays à soutenir le gouvernement grec et à voter avec lui jusqu’à la signature de l’accord avec la Troïka le 13 juillet dernier.

Au moment de la rupture avec Syriza, après le 20 août, l’UP avait 25 députés au parlement. Aujourd’hui ils n’en ont même pas un. L’UP a été incapable d’apparaitre comme une alternative sérieuse à Syriza. Cela s’explique en grande mesure par le fait que son axe programmatique et stratégique était pratiquement le même que celui de Syriza avant sa capitulation totale. La seule différence étant que l’UP adopte une orientation anti-euro. Les réultats montrent par ailleurs que la question d’un retour à la drachme n’est absolument pas en phase avec les préoccupations de l’électorat populaire.

Cet échec de l’UP est aussi celui d’une partie de « la gauche radicale » européenne qui face à l’impasse stratégique et programmatique de Syriza au pouvoir avait trouvé un raccourci et une manière d’éviter de tirer un bilan politique dans le soutien à l’UP.

La tache risquée d’appliquer les nouvelles mesures d’austérité

Cette victoire politique permet à Tsipras de consolider son parti et de bénéficier d’une plus grande stabilité. Mais tout ceci devra se vérifier lors du vote des mesures draconiennes exigées par la Troïka. Ce sont ces futures échéances qui vont représenter un test pour le prochain gouvernement.

Le soutien sans enthousiasme à Tsipras peut être vu comme sa force et sa faiblesse en même temps. Ce serait une force dans le sens où cela traduit une certaine passivisation/tétanisation de la classe ouvrière et de la jeunesse, qui pourrait avoir du mal à résister face aux nouvelles attaques qui se préparent. Mais d’autre part, on pourrait dire qu’il s’agit d’une faiblesse. En effet, beaucoup d’observateurs signalent déjà que le décalage entre les attentes, même les plus minimes, de l’électorat de Syriza et les mesures d’austérité pourrait entretenir l’instabilité politique dans le pays. Si, comme par le passé, la Troïka se montre absolument inflexible, alors les choses pourraient se compliquer et la patience/passivité des masses s’effriter.

Du point de vue des puissances impérialistes, le risque est que Tsipras et ses ministres ne soient pas aussi efficaces qu’ils ne le souhaiteraient pour gouverner. Tout ceci pourrait compliquer les négociations à venir avec la Troïka. Si avant fin 2015 les recommandations du Mémorandum ne sont pas appliquées, la situation pourrait à nouveau dégénérer. C’est début 2016, en effet que devraient entrer en vigueur de nouvelles normes européennes sur les recapitalisations des banques. Un non-respect de certains engagements pourrait mener l’Etat grec à devoir ponctionner sur les comptes des épargnants, ce qui représenterait un coup de canif dans la confiance. La situation, par conséquent, reste extrêmement fluide, en dépit de la victoire de Tsipras.


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