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Interview. Brimades ordinaires d'un management à poigne

Suzuki. Un délégué syndical en dépression sous le coup du harcèlement de sa direction

Abdelhaq tient à s’exprimer à visage découvert, sous son identité complète. Il explique que ce qui lui a porté un coup mortel au moral c’est d’avoir été « sali » par des calomnies, des mensonges et des faux-témoignages accumulés par sa hiérarchie pour avoir sa peau. Il est heureux, grâce à cette interview, de pouvoir dire haut et fort la vérité, de laver les accusations dont on l’accable et qu’il considère comme une honte. Son histoire, est un exemple de plus de ce qu’un management décomplexé peut faire pour venir à bout de ceux qui osent se mettre en travers des intérêts des patrons.

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Après le beau temps, les nuages,

Abdelhaq travaille depuis 2010 à l’entrepôt de pièces détachées SUZUKI de Trappes dans les Yvelines en tant que cariste et magasinier. Les choses se sont bien passées au début, c’est après que ça s’est gâté.

RP : Peux-tu raconter comment s’est passée ton embauche, et tes premières années à l’entrepôt ?

Abdelhaq : J’ai été embauché au début 2010 pour une mission d’intérim de 6 mois. SUZUKI fonctionne avec plus de 50% d’intérimaires et ce que tout le monde espère, bien sûr, c’est un CDI. Comme j’ai été jugé bon professionnel, on m’a proposé en septembre 2010 un CDI pour le même travail de cariste et magasinier à la réception des grosses pièces. Au bout de deux ans, de ce travail, toujours parce qu’on me trouvait bon professionnel et très sérieux, on m’a proposé un poste de chef d’équipe. Je touchais simplement le SMIC Alors 150 euros de plus par mois et des primes c’était évidemment intéressant. J’ai donc accepté.

Mon supérieur direct, le chef d’entrepôt était correct et les choses se passaient plutôt bien avec les équipes. Mais on a changé de chef d’entrepôt en 2014 et là tout s’est gâté. On a voulu me faire jouer un rôle vis-à-vis de mes équipes que je ne voulais pas tenir. C’est devenu la guerre.

Le cycle infernal, résistance, répression et harcèlement

La direction n’a dès lors eu de cesse de le mettre devant l’alternative « ou tu rentres dans la ligne de la « solidarité managériale » ou tu gicles ». Abdelhak s’est alors trouvé coincé dans un cycle infernal.

RP : Qu’est-ce qui s’est passé et qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as été pris dans ce terrible engrenage ?

Abdelhaq : Les choses se sont gâtées parce que je défendais les membres de mon équipe et je me sentais de leur côté. Le management de Suzuki est très dur et ils marchent à coup d’avertissements et de sanctions. Moi je faisais tout l’inverse. J’ai pris dans mon équipe un homme qu’on jugeait trop âgé et dont on ne voulait pas. J’ai refusé de donner des avertissements aux gens de mon équipe. J’ai eu alors droit moi-même aux avertissements répétés et aux brimades.

D’abord un premier avertissement, totalement injustifié, à propos d’un siège de chariot cassé, incident de manipulation que j’avais signalé et qu’on m’a accusé d’avoir caché. On m’a accusé de non-respect du règlement et on s’est mis à me surveiller toute la journée.

Un deuxième avertissement a suivi, lorsque j’ai refusé de participer à une opération de licenciements. Le prétexte ce coup-là était carrément ridicule : j’avais soi-disant « manqué de respect » à mon supérieur en « maugréant » sur son passage et en faisant un » mouvement de la bouche !!! ». Puis les courriers se sont accumulés pour préparer mon licenciement.

J’ai en même temps été « rétrogradé » c’est-à-dire que comme ce n’est pas possible juridiquement, on m’a exclu des réunions hebdomadaires avec mes homologues et on a placé un échelon intermédiaire entre ma chef et moi.

Quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage

La direction a ensuite joué le jeu classique de la tentative d’isolement en se cherchant et se fabriquant des alliés contre Abdel et en tentant de le faire dénoncer par tous les moyens possibles. L’objectif étant clairement d’en finir avec lui.

RP : Comment s’y est pris la direction pour tenter de réussir à te licencier et comment t’es-tu défendu ?

Abdelhaq : Chez SUZUKI il n’y avait que des syndicats « maison », faisant le jeu du patron et un commercial délégué CFDT, toujours en déplacement. Devenu moi-même représentant syndical FO depuis 2016, j’étais évidemment encore plus dans le collimateur et c’était une raison de plus pour vouloir ma peau. La direction a d’ailleurs contesté ce statut mais a perdu aux prud’hommes.

Je n’ai donc eu aucun soutien des autres syndicats. Mais le coup le plus dur a été que la direction s’est mise à exercer des pressions sur les plus précaires des membres de mon équipe pour leur soutirer des faux témoignages. Le premier d’entre eux, un intérimaire, a refusé de le faire. Sa mission a été interrompue et il a été mis immédiatement mis dehors pour enlever à tous les autres l’envie de me soutenir.

Les accusations mensongères ont continué à s’accumuler. Les sanctions sont devenues de plus en plus lourdes. Après un troisième avertissement j’ai été mis à pied 3 jours pour « menace physique » à l’égard d’une personne que je n’ai jamais vue et dont je ne sais pas qui elle est.

On m’interdit désormais de parler aux autres salariés.

Se battre quand on est harcelé, une entreprise difficile mais nécessaire

RP : Que comptes-tu faire maintenant ?

Abdelhaq : Aujourd’hui je paye très cher ces trois années de harcèlement. Je suis atteint de dépression et en arrêt de travail. Mais je vais faire des efforts pour reprendre, au moins à temps partiel, ne serait-ce que pour conserver mes droits sociaux.

Je n’ai pas l’intention de me laisser harceler. Ils ont voulu ma peau parce que j’étais un empêcheur d’exploiter en rond, et bien je continuerai à ne pas les laisser faire. Je me battrai pour moi et pour tous les salariés et représentants syndicaux qui subissent le même sort chez SUZUKI et ailleurs.


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