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Après l'échec de formation d'un gouvernement

Une alliance Podemos - Izquierda Unida pour les élections du 26 juin ?

En raison de l’absence d’une majorité se dégageant au Parlement issu des élections de décembre dernier, un nouveau scrutin devrait avoir lieu le 26 juin prochain. En effet, le troisième round de consultation entre les partis et le roi vient de se solder par un échec. L’occasion, pour Podemos et Izquierda Unida, de présenter une liste commune ? Diego Lotito, correspondance de Madrid

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Aucun candidat au poste de chef de Gouvernement espagnol. C’est la conclusion à laquelle est arrivée Felipe VI à la suite du troisième round de consultations avec les différents porte-paroles des blocs parlementaires. Le communiqué de la « Casa Real » ne fait pas allusion à de prochaines élections mais signale simplement que le roi ne «  formule aucune proposition quant à un candidat à la Présidence du Gouvernement  » comme cela « est prévu dans l’article 99 de la Constitution ». Le texte stipule en effet que passé deux mois après le premier vote d’investiture, si aucun candidat n’a reçu la confiance du Congrès, le roi se doit de dissoudre et le Congrès, et le Sénat, et d’appeler à de nouvelles élections. La date limite est donc fixée au 2 mai, mais sauf rebondissement de dernière minute, il semble peu probable que le roi soit en mesure de ne pas convoquer des élections pour le 26 juin prochain.
Pedro Sánchez, le chef de file des socialistes espagnols du PSOE, a soumis sa candidature à l’approbation du Congrès les 2 et 3 mars dernier, sans succès. Il n’a alors obtenu que 131 voix sur 350, à savoir celles des députés de son parti ainsi que celle des parlementaires de Ciudadanos (centre-droit) et de la Coalition des Canaries. En dépit des intenses négociations entre le PSOE, Ciudadanos et Podemos de ces dernières semaines, les socialistes n’ont pu constituer autour d’eux aucune majorité.

La pantomime du « Pacte du Prado »
Mardi matin, la formation valencienne Compromís a fait une dernière proposition au PSOE, à Podemos et à Gauche Unie (Izquierda Unida, gauche radicale) pour tenter de constituer un gouvernement, sans plus de succès. La réponse de Ciudadanos ne s’est pas fait attendre. Albert Rivas, son leader, a affirmé que si le PSOE « voulait gouverner avec six partis », Ciudadanos ne serait pas de ceux-là. Podemos, qui se trouvait derrière l’initiative de Compromís, s’était pour sa part prononcé en faveur d’un vote de confiance en soutien à Sánchez de façon à faire partie d’un gouvernement de « programme minimum ». Le PSOE, de son côté, a accepté 27 des 30 points soumis à la discussion par Podemos, qui avait cédé sur la question du référendum en Catalogne, auquel les socialistes s’opposent résolument.
Mais ce qui a fait capoter la proposition, ce sont les conditions posées par le PSOE, transmises à ses partenaires par son porte-parole, Antonio Hernando. Les socialistes entendaient que leurs alliés potentiels s’engagent sur les deux prochains budgets à voter et que le gouvernement soit constitué de membres du PSOE ainsi que par des « personnalités indépendantes », à savoir un gouvernement de technocrates, mais sans Podemos.
« C’est une insulte », a répliqué Mónica Oltra, de Compromís. « Comment le PSOE compte-t-il gouverner avec 90 députés ? » Pour ce qui est de Pablo Iglesias, il a regretté, lors de son entretien avec le roi, que le « Pacte du Prado », une orientation que Podemos « défendait depuis des mois (…) ne devienne pas réalité, malheureusement [en raison] du ‘non’ du PSOE  ».
Indépendamment de ces accusations croisées, l’enjeu, pour les politiciens espagnols, est qui sera montré du doigt comme responsable de l’échec et de la convocation d’un nouveau scrutin auprès des électeurs. 

Un « second tour » pour du beurre ?
Tout semble indiquer que les prochaines élections ressembleront aux précédentes. Le Parti Populaire (droite), qui expédie les affaires courantes au gouvernement, continue à être mouillé par de nouveaux scandales, mais a décroché un nouveau round d’élections. Bien qu’il traverse une crise profonde, il résiste et pourrait bien reproposer une « grande coalition » aux socialistes. L’issue est assez hasardeuse, puisque cela signifierait que le PP remercie définitivement Mariano Rajoy, l’actuel chef de gouvernement, et cela aggraverait les divisions au sein du PSOE.
Ciudadanos est en meilleure forme aujourd’hui qu’en décembre, lors du précédent scrutin. La nouvelle formation se montre capable de négocier avec le PP (comme à Madrid, par exemple), ou avec les socialistes (pour arriver au gouvernement national). Mais il n’est pas impossible qu’une alliance avec les socialistes n’affaiblisse Rivera et réoriente le vote de ses électeurs en direction du PP. Sans même parler de l’impact que pourrait avoir l’implication de Rivera et de ses amis dans les Panama Papers.
Pour ce qui est du PSOE, les éléphants du parti demandent, pour la plupart, la tête du jeune leader socialiste. La situation n’est pas sans rappeler celle que traverser le PSOE avant les élections du 20 décembre, à la seule différence que Sánchez traîne derrière lui le passif de l’échec des négociations avec Podemos, malgré toutes les concessions qu’a pu lui faire Iglesias. Mais bien que canardé par son propre camp, Sánchez ne manquera pas de dénoncer le risque d’un accord entre Podemos et IU de façon à l’utiliser comme un éventail auprès des électeurs les plus conservateurs de Podemos.

La question d’une alliance Podemos-Izquierda Unida
Ce qui serait le plus nouveau, dans le panorama actuel, serait un accord entre Podemos et IU, dont les détails ne sont pas encore rendus publics mais qui semble plus probable que jamais. Podemos chute dans les sondages, alors que IU, qui a récolté un million de voix aux dernières élections, a le vent en poupe, mais ne représente pas à elle seule une alternative face à la machine électorale des partisans d’Iglesias. De surcroit, criblée de dettes, IU ne peut se permettre de rester à la marge des subventions du Congrès. Une candidature unitaire Podemos-IU pourrait donc redonner de l’enthousiasme à un certain nombre de travailleurs et de jeunes qui souhaitent une sortie de crise « à gauche ». Cela pourrait même permettre d’oublier temporairement les concessions et les reculs auxquels Podemos s’est livré lors des négociations avec les socialistes, ces derniers mois.
Néanmoins, un possible accord Podemos-IU se baserait sur une absence complète de débat programmatique, puisqu’il existe entre les deux formations des divergences fondamentales, mais également sur une stratégie de « la main tendue » en direction du PSOE en vue de la formation d’un « gouvernement de progrès ».
Iglesias a réitéré à plusieurs reprises que son parti ne fermait pas la porte des négociations avec les socialistes à la suite du prochain scrutin et Garzón, le leader d’IU, a appelé à nouveau le PSOE « à regarder sur sa gauche ».
Ce nouveau front, que beaucoup présentent comme une alternative de gauche, a pour objectif de créer les meilleures conditions pour revenir à la case départ, à savoir négocier un gouvernement avec les sociaux-libéraux du PSOE, un parti qui a mis en place le néolibéralisme dans l’Etat espagnol, qui est l’un des piliers du régime politique issu de la Transition et qui est l’un des principaux représentants de cette « caste » de corrompus que dénonçait jusqu’à il y a peu Iglesias.

La stratégie néo-réformiste de Podemos et de IU de même que leur proposition de « gouvernement de changement » avec le PSOE qui vise à donner une bouffée d’oxygène au régime de 1978 est une illusion mortifère. Cette stratégie conduirait inexorablement à reproduire la vieille expérience social-démocrate présentée comme le « moindre mal » et qui conduirait à remettre en cause tout le bagage issu du mouvement du 15 mai.
Face à cette dérive néo-réformiste, il est plus nécessaire que jamais de défendre une perspective anticapitaliste et révolutionnaire dans l’Etat espagnol. De ce point de vue, on ne peut que saluer la dynamique d’un certain nombre d’initiatives, dont No Hay Tiempo Que Perder, à laquelle participe Clase contra Clase ainsi que la rédaction de IzquierdaDiario.es, et qui essaye de donner corps à cette perspective à travers un programme anticapitaliste et de classe.

Trad. CT


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