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Mépris de classe

« Une assistante maternelle gagne 3 smic » : le mépris du ministre des solidarités face à la colère sur les salaires

Ce mercredi 26 octobre, le ministre des solidarités ne s’est pas seulement emmêlé les pinceaux à l’assemblée nationale quand il a déclaré que les assistantes maternelles « gagnent 3 smic en moyenne ». Une fois la séquence remise dans son contexte, il s’agit bien, une fois de plus, d’une illustration de la déconnexion et du mépris du gouvernement pour les travailleuses.

Cécile Manchette

30 octobre 2022

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Crédit photo : AFP

Ce mercredi 26 octobre lors de l’examen du projet de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, le ministre des solidarités a affirmé qu’une assistante maternelle gagne « un smic par enfant gardé ». Face aux réactions scandalisées des députés, il persiste : « trois smic en moyenne, trois enfants, oui monsieur effectivement ! ». La séquence est relayée sur les réseaux sociaux les jours suivant et suscite l’indignation. Si le ministre est revenu publiquement sur ses propos assumant d’avoir commis une erreur, nombreux sont ceux qui y ont vu -à juste titre- une preuve du mépris des politiciens envers les travailleurs.

Une manifestation de mépris d’autant plus insupportable, dans son contexte, c’est-à-dire dans la séquence du débat à l’assemblée ainsi que celui de la colère qui gronde chez les assistantes maternelles quant à leurs conditions de travail et leurs salaires. Alors que le gouvernement se refuse à augmenter les salaires (au prétexte d’une boucle prix-salaire fantasmée), l’ « erreur » est en réalité loin d’être anodine.

La scène se déroule à l’assemblée lors de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Les députés y abordent l’examen de l’article 36 qui concerne la réforme du Complément de mode de garde (Cmg) des enfants. Pour rappel, les familles qui peuvent financièrement faire appel à une assistante maternelle bénéficient de ce complément de libre choix du mode de garde, une aide versée par la Caf. La réforme de ce Cmg vise, sur le papier, à faciliter l’accès à une assistante maternelle. Désormais, l’aide s’étend jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales, et les deux parents, en cas de divorce et de garde alternée, peuvent en bénéficier (contre un seul parent auparavant).

A l’assemblée, le ministre des Solidarités Jean-Christophe Combe s’est alors exprimé sur le plafonnement du montant du Cmg : « L’objectif poursuivi avec le plafonnement c’est d’éviter un effet inflationniste pour les rémunérations qui serait préjudiciable aux familles comme aux finances publics, ce plafond sera défini par décret ». Le ministre explique donc qu’ils vont plafonner le montant du Cmg de sorte à ne pas créer une spirale qui ferait augmenter les salaires des assistantes maternelles.

C’est cela qui a suscité, entre autres, une réaction de la part du député LFI William Martinet : « est-ce que tout le monde comprend ici que l’on parle du salaire des assistantes maternelles ? C’est de ça dont on parle. On parle de femmes dont le revenu minium est à 3,18 euros de l’heure et qui du coup pour s’en sortir travaillent sur des plages horaires où on accueille le premier enfant à partir de 7 ou 8 h le matin le dernier parfois c’est huit heures du soir, où on n’a pas de pause déjeuner et ou le salaire réel des assistantes maternelles est parfois en dessous du smic ».

En effet, pour bénéficier du Cmg, le salaire journalier de l’assistante maternelle ne doit pas dépasser un certain plafond. Ce plafonnement du salaire journalier vise en réalité à limiter le salaire des assistantes qui ont le droit de garder quatre enfants par jour.

C’est sur cette intervention de William Martinet que le ministre des solidarités a jugé important de rebondir afin de rappeler que les assistantes maternelles sont payées correctement. En effet, le ministre estime que le gouvernement est très, voire trop, généreux comme en témoignerait l’augmentation récente des prestations sociales et familiales, 4% depuis le 1er juillet 2022, face à l’inflation, ou encore la revalorisation du Smic.

Pourtant, ces « ristournes » ne garantissent ni une vie digne aux assistantes maternelles qui font partie des travailleuses avec les plus bas salaires, ni l’accès à un espace de prise en charge et d’accueil dans les meilleures conditions possibles pour les jeunes enfants et leurs parents. Aujourd’hui, seuls 5 % des enfants des familles les plus précaires sont accueillis par un.e assistante maternelle, contre 46 % pour une famille aisée, et ce sans forcément bénéficier d’un accès à une crèche, ce qui a pour conséquence pour les parents, et souvent pour les mères, une réduction voire l’arrêt de l’activité professionnelle. Cette réforme à la marge du CMG ne vient donc pas s’attaquer au problème de fond : l’absence de crèches collectives, gratuites, accessibles à tous.tes et où les salariées seraient rémunérées à minima à 1 800 euros.

La « bourde » du ministre des solidarités est donc bel et bien l’expression d’une déconnexion avec la réalité et d’un mépris envers les assistantes maternelles ainsi que les parents. Une déconnexion qui pourrait être difficile à avaler quand une grande partie de la population fait aujourd’hui face à de nombreuses difficultés économiques et où les travailleurs se mettent de plus en plus en grève pour arracher des augmentations de salaires voire l’indexation des salaires sur l’inflation, aujourd’hui de 6,2%.


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