Selon Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique d’Harris Interactive, « 33 % des électeurs FN tous âges confondus disent exprimer leur mécontentement. Chez les jeunes, on tombe à 15 %. Pour ces derniers, le FN apparaît comme une force de changement. » Ainsi, 26 % des électeurs « jeunes » du FN estiment que le parti d’extrême droite a un programme permettant d’améliorer la situation de leur région et font plus confiance aux candidats frontistes qu’aux autres responsables politiques. Autre chiffre significatif : 23 % de l’électorat 18/24 ans du FN pensent que les candidats du parti d’extrême droite se préoccupent plus « des gens comme [eux] ». Le PS et ses alliés (22 %), le Front de Gauche et EELV (12 %) et l’extrême gauche (2 %) parviennent à peine, si on associe l’ensemble des résultats chez les 18/24 ans ayant voté, à dépasser d’une courte tête le Front National, tandis que les listes de droite (Républicains/Modem/UDI/ Debout la France, UPR) séduisent environ 27 % de cet électorat.{{}}

L’abstention largement en tête

64 % des jeunes de 18 à 24 ans n’ont pas voté ce dimanche. Soit 14 points de plus que la moyenne nationale. Au niveau des catégories socioprofessionnelles, seuls les chiffres de l’abstention chez les ouvriers (61 %) se rapproche des résultats obtenus chez les 18/24 ans. Si le FN a percé dans la jeunesse, il semble donc disproportionné de penser que cette dernière s’est ralliée massivement au parti frontiste.

Déjà ce lundi, les médias dominants et certains pontes politiques du Parti socialiste, comme Julien Dray, se sont émus de cette abstention élevée chez les jeunes, interprétant ce résultat comme la preuve d’un désintérêt généralisé vis-à-vis de la vie politique. Cette analyse, fausse sur tous les plans, masque mal les réelles tendances présentes chez les jeunes.{{}}

Une jeunesse de plus en plus en rupture avec les partis du bipartisme classique...

Laisser penser que l’abstention est le fruit de la dépolitisation de la jeunesse, comme le font sans cesse les médias dominants et la caste politicienne, est une pirouette discursive qui vise surtout à minimiser la bérézina électorale. L’abstention des 18/24 ans traduit non pas une dépolitisation, mais plutôt une cassure entre la jeunesse et les partis républicains classiques, pierre angulaire du système bipartiste dans la France de la Vème République. En ce sens, une partie de la jeunesse commence à s’approprier les idées du FN.

Cette appropriation peut s’expliquer en partie par une implantation faible, mais grandissante du FN dans les lycées et les universités. La formation d’extrême-droite a fondé en septembre une section à Sciences Po Paris et a récemment présenté une liste aux élections à l’Université d’Aix-Marseille.

Mais elle s’explique aussi par la faillite des formations politiques de la gauche dite « radicale » et de l’extrême-gauche qui ne constituent pas aujourd’hui aux yeux des jeunes une alternative politique crédible. Alors que le gouvernement ne fait, ces dernières semaines, qu’appliquer le programme sécuritaire du FN, le Front de gauche s’est aligné comme un seul homme derrière l’état d’urgence et l’offensive guerrière de Hollande. Si une partie de la jeunesse se tourne vers l’extrême-droite, la gauche radicale en porte une responsabilité tout particulière. {{}}

...mais au profit de qui ?

Mais cette situation est loin d’être consolidée. Au lendemain des attentats du 13 novembre et des résultats électoraux du 6 décembre, des contradictions dans la jeunesse sont ouvertes. Dans un contexte de crise économique, mais aussi d’intensification des opérations militaires, de mesures liberticides et, maintenant, de poussée réactionnaire, une partie des jeunes sera amenée à se radicaliser.

Les résultats des élections régionales laissent entrevoir un espace politique vide, chez les jeunes travailleurs comme chez les étudiants, que l’extrême gauche révolutionnaire doit saisir. De nombreux jeunes ont été victimes de la répression policière à la place de la République dimanche 29 novembre alors qu’ils ont bravé l’interdiction de manifester contre la mascarade internationale de la COP21. Chez d’autres encore, une sensibilité anti-guerre se réveille devant les massacres perpétués au Moyen-Orient et en Afrique. La capacité de l’extrême-gauche d’apporter des réponses aux questionnements de la jeunesse sera capitale pour faire barrage à l’influence de l’extrême-droite en son sein.