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Témoignage

Une minute de mascarade à l’Université Paris 1

Le modèle français en matière d'éducation, depuis les lois scolaires de 1882 – 1883, prétend être parmi les plus démocratiques au monde. On cite bien souvent – à tort malheureusement – cette France qui donna aux enfants d'ouvrier-e-s l'accès à un savoir universel, laïc et gratuit pour toutes et tous. Mais que reste-il aujourd'hui de cette prétention qui disait vouloir développer l'autonomie et l'esprit critique de chacun-e ? Cette école est-elle réellement celle promue par Victor Hugo, pour qui « chaque enfant qu'on instruit est un homme qu'on gagne » ? Marcus Pontmercy

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Il n’y a qu’à voir la réaction universitaire suite aux attaques du vendredi 13 novembre pour s’en rendre compte. L’université en France, et ce notamment depuis Mai 68, a dans ses traditions les mieux ancrées celle d’être à l’avant-garde des contestations sur le plan social. Ce sont les étudiant-e-s qui ont relayé le mieux le « Non » à la guerre en Algérie. Ce sont les étudiant-e-s qui ont le mieux dit « Non » au Vietnam, ou encore « Non » au général De Gaulle. Et plus récemment, les étudiant-e-s ont su manifester leur soutien au « Non » à la réforme des retraites. Le « Oui » à l’accueil des migrant-e-s. De telles positions doivent pouvoir s’exprimer au sein même des universités. A travers l’échange. A travers la critique et la remise en question de ce qui fut établi comme acquis.

La Sorbonne, aujourd’hui éclatée en plusieurs universités, incarne ces mouvements contestataires, et bien souvent a été le théâtre d’affrontements plus ou moins musclés entre les idées, et les personnes qui les ont faites vivre.

Cette tradition peut disparaître si les étudiant-e-s ne se réveillent pas.


Il n’y a qu’à voir pour s’en rendre compte comment, ce lundi 16 novembre, Paris 1 Panthéon-Sorbonne et les médias (si ce n’est pas l’inverse) ont su jouer avec l’opinion publique. Prétextant le consensus de tou-te-s les étudiant-e-s françai-se-s, l’université a accueilli dans sa cour d’honneur François Hollande et son Premier ministre Manuel Valls, afin d’y effectuer la minute de silence en rigueur ce jour-là. Les étudiant-e-s étaient conviés à l’événement. Évidemment dira-t-on ! Mais c’était sans voir arriver cette immense mascarade qui les a faits sortir de la cour d’honneur, et y être remplacés par une élégante délégation d’officiels. Anecdotique ? Pas vraiment.

Une semaine jour pour jour après les attaques dans les Xème, XIème et à Saint-Denis, cette même université a proposé « de participer à un amphi de prise de parole collective et d’échange, sans propagande ni agressivité (sic !) ». Pourquoi faudrait-il le préciser ? Cette proposition aurait pu être parfaitement honorable si « pour rendre plus fluides [les] échanges », il n’avait pas été demandé aux étudiant-e-s « de déposer UNE question ou UNE observation que vous souhaitez partager sur un papier au format Post it à remettre au secrétariat de la Direction ». Contrôle des prises de parole permettant ainsi d’afficher une unité de façade, au mépris de celles et ceux qui souhaiteraient nuancer, et c’est tout à fait légitime, cette perception d’un conflit manichéen entre les bon-ne-s d’un côté et les méchant-e-s de l’autre. La Nation triomphante contre les indignes intégristes islamistes.

Une telle prise de position, à l’image du rejet pathologique de tout ce qui n’était pas Charlie en janvier, traduit l’incapacité et l’impossibilité de l’État et de ses institutions lorsqu’il s’agit d’intégrer chacun-e dans son fonctionnement. C’est cette exclusion, cette pensée unique, qui grossit jour après jour les rangs de Daech, à coups de vagues successives de désabusés, de déçus, de laissés pour compte.

Cependant, on peut distinguer les directions universitaires des professeur-e-s, qui quasi-systématiquement, sur leur temps de cours, ont invité les étudiant-e-s à s’exprimer librement sur la situation qu’ils subissent au quotidien depuis ce triste vendredi.

Reste maintenant tout un travail à effectuer, au sein des universités, pour que les étudiant-e-s prennent pleinement conscience de cette gigantesque comédie à laquelle ils assistent en silence.


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