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Interview

Victoire contre les expulsions. « C’est ce soutien collectif qui a fait qu’ils retirent mon OQTF »

Sous le coup d’une OQTF depuis décembre dernier, H-J., étudiante à l’université Lyon 2, nous a raconté comment, grâce au soutien qu’elle a reçu, son OQTF a pu être annulée. Et maintenant, la lutte continue pour ceux et celles qui n’ont pas (encore) eu cette chance ! Propos recueillis par Mar Martin

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Dans quelle situation as-tu reçu ton OQTF ?

Cela fait 2 ans et demi que je suis sur Lyon. L’année dernière j’étais en deuxième année de licence en sociologie à l’université et avant la fin du premier semestre, j’ai dû arrêter la fac à cause de soucis personnels. Je ne savais pas que je n’aurais pas dû me désinscrire de la fac car c’est un motif de délivrance d’une OQTF à une étudiante étrangère. J’avais toujours prévu de continuer l’année d’après, c’était vraiment une pause temporaire. A partir de janvier j’ai trouvé un travail à plein temps, c’était super. Je me suis remise, la vie continue (rires). J’ai travaillé jusqu’à fin juin. Ensuite je n’ai pas eu de problèmes pour me réinscrire à la fac. Sauf que, quand j’ai essayé de renouveler mon visa auprès de la Préfecture, on m’a demandé mon relevé de notes de l’année dernière. Je leur ai expliqué ce qui s’était passé et leur ai donné une lettre le justifiant. Mais quelques semaines plus tard, j’ai reçu un courrier de la Préfecture qui me demandait de revenir avec un document officiel de l’université prouvant que je m’étais réellement désinscrite de la fac. Et ils ont finalement utilisé ce document pour justifier l’OQTF. Dans celle-ci, il est indiqué que ça prouve une absence de caractère réel et sérieux des études supérieures en France. Me demander ce document était une manière de pouvoir émettre une OQTF.

J’ai reçu mon OQTF juste avant Noël, le 21 décembre, je crois. J’étais allée renouveler mon visa deux mois avant, ils m’ont donné un récépissé pour un mois. Ensuite il a fallu revenir à la Préfecture pour retirer le visa officiel. Du coup, je suis allée plusieurs fois, parce que le truc avec la Préfecture de Lyon, c’est que tu peux jamais le faire en un seul jour (rires) parce qu’il y a tellement de monde, tu fais la queue pendant 4 heures, puis n’y a plus de piquets. Donc il faut revenir le lendemain ….etc. Je suis allée pour retirer mon visa et après 4 heures d’attente ils m’ont dit que mon titre de séjour n’était pas encore prêt et qu’il fallait que je revienne plus tard. Et, juste avant que je revienne à la Préfecture, j’ai reçu ce courrier contenant l’OQTF.

Quelle(s) réaction(s) suite à la réception de ton OQTF ?

A Lyon, il y a le Collectif des étudiants et étudiantes étranger(e)s, sans papiers et solidaires, qui s’est créé en septembre, et c’est vraiment chouette parce que ça permet de sensibiliser les étudiants étrangers qui arrivent en France sur leurs conditions, ce qu’ils peuvent/doivent ou non faire, dire, avec un statut étudiant, toutes ces choses dont tu n’es absolument pas au courant en arrivant. Moi je n’avais aucune idée du fait qu’il y a des étudiants étrangers qui essaient de renouveler leur visa chaque année en ayant beaucoup de problèmes parce qu’ils ont mal réussi leurs études, ont dû redoubler, veulent faire un master ou un doctorat. Sauf que la Préfecture dit que ce n’est pas très important dans leur pays et qu’ils pourraient rentrer chez eux. Avec le Collectif, j’ai vraiment appris plein de choses sur le statut étudiant en France, ce qu’il faut éviter de faire pour pouvoir continuer à étudier ici.

Du coup, quand j’ai reçu mon OQTF, j’ai appelé mes amis militants qui connaissent déjà un peu ces histoires d’expulsions et ce qu’il faut faire dans ce genre de cas, et ils m’ont donné des numéros d’avocats qui aident les étudiants sous le coup d’OQTF. J’ai eu vraiment beaucoup de chance parce que ça s’est fait très rapidement du fait que j’avais ces contacts et que je n’étais pas isolée. Du coup, j’ai appelé mon avocate, ça s’est très bien passé, elle a accepté l’aide juridictionnelle pour que je n’ai rien à payer. Et à côté de ça, avec le Collectif, le NPA, et des syndicats de l’université, on a fait une pétition en ligne qui a vite circulé parmi mes amis, et qui a récolté pas mal de signatures, dès le premier jour. C’était vraiment génial. Et en même temps je suis allée voir le Collectif qui m’a renseignée sur ce que c’est d’aller au tribunal, de faire un recours, tout ce genre de choses. C’était bien, parce que ça a mis les choses un peu plus au clair, et ils m’ont aussi donné pas mal de documents. Le Collectif est en ce moment en lutte pour faire inscrire des camarades et, en plus des mobilisations, il a aussi ce côté « soutien ». Ils ont vraiment beaucoup d’informations sur ce qu’il faut faire, quand on reçoit une OQTF, tout ce qui est autour du statut étudiant en France, de la loi etc.

On est assez nombreux et c’est vraiment sympa, ça fait beaucoup de soutien d’un coup, même avec des gens que tu ne connais pas, c’est génial !

Tu parlais de la pétition, est-ce qu’il y a d’autres moyens que vous avez mis en oeuvre ?

On a également demandé à des gens d’écrire des lettres de soutien individuelles, ça c’est vraiment important. L’avocate expliquait que plus tu as de lettres de soutien, plus la préfecture va voir qu’il y a vraiment des gens derrière toi, que tu n’es pas seule, que tu n’es pas isolée, et ça leur montre que ça peut affecter vraiment beaucoup de gens. Donc il y a ce rapport de force derrière. Du coup, je me suis adressée à mes amis, mes voisins, mes camarades de cours, et puis mes professeurs, directeur du département de Sociologie, directrice de l’UFR Science Po, Anthropo et Socio. Après, ce qui s’est passé quand je me suis adressée à mes profs en leur expliquant ma situation, c’est qu’ils ont aussi pris en main les choses de leur côté, en rassemblant les professeurs pour me soutenir. Je me suis adressée, par exemple, à la directrice de l’UFR qui est quelqu’un de très engagé, et elle a vraiment informé les professeurs de l’université surtout, je pense, ceux de Sciences Po, Socio et Anthropo, et aussi les vacataires. A travers tout ça, ils ont réussi à mettre la pression sur la Présidence, pour qu’elle m’écrive une lettre de soutien aussi. C’est eux qui ont pris en charge ça et c’est vraiment génial, parce que c’est une lettre officielle, avec la signature du Président de l’université (rires). Avec le Collectif on essaie de demander du soutien auprès du Président mais voilà, ça ne marche jamais, parce que ce sont les étudiants qui demandent et là ça a marché, parce que ce sont des profs qui ont mis la pression donc, en quelque sorte, il n’avait pas vraiment le choix d’accepter de soutenir mon cas (rires).

Aujourd’hui ton OQTF est annulée, pour quels motifs et comment tu l’expliques ?

En fait, j’ai déposé un dossier de recours au tribunal administratif, qui est en lien avec la Préfecture, et ils ont dû voir que mon dossier était très complet : ça m’a beaucoup étonnée parce que ça a montré que dès que le Préfet prend une décision, il peut vraiment contourner tout le système administratif et voilà …. (rires).

Sur la lettre, n’y a aucune raison invoquée pour expliquer l’annulation, il est indiqué simplement « Vous trouverez ci-joint la décision de retrait de ma décision de refus de titre de séjour, assortie d’une obligation de quitter le territoire français ».

Ce sont tous ces mouvements qui ont fait, qu’au final, j’avais beaucoup de soutien, mon dossier était très complet : il y avait les pétitions, les lettres de soutien, et c’est ce soutien collectif qui a fait en sorte, je crois, que finalement ils décident de retirer l’OQTF.

Et au niveau du Collectif, où est-ce que vous en êtes aujourd’hui ?

Aujourd’hui il y a plus d’une cinquantaine d’étudiants sans papiers. Pour certains(e)s, ce n’est pas un cas d’OQTF. Pour ceux/celles qui sont entré(e)s avec un visa touristique, c’est vraiment difficile de se faire régulariser. Il y a également une fille qui a reçu une OQTF, mais qui n’était pas chez elle, et quand elle est allée à la Préfecture pour faire renouveler son visa on lui a appris que ça faisait deux mois qu’elle était sous OQTF, ce qui fait que maintenant elle ne peut plus rien faire, car le délai des 30 jours est passé pour faire un recours. Il y a également des demandeurs d’asile. Pour eux il y a des commissions très spécifiques, et certains pourront plus facilement obtenir le statut de réfugiés que d’autres. C’est pour ça qu’on lutte : pour faire inscrire nos camarades, pour qu’ils puissent ensuite plus facilement se faire régulariser avec un titre de séjour étudiant, avec une attestation d’inscription à l’université, et surtout pour qu’ils puissent continuer leurs études comme ils le souhaitent.

Est-ce que tu as l’impression qu’il y a eu un changement depuis l’état d’urgence ?

Oui, je pense que c’est plus fréquent aujourd’hui qu’avant. Par exemple, quand on fait les réunions du Collectif, on est chaque fois plus nombreux, c’est dingue ! Ça n’a rien avoir avec le début du Collectif en septembre et maintenant, depuis qu’il y a l’état d’urgence, je pense que la Préfecture prend toutes les excuses pour envoyer des OQTF et justifier les expulsions.

Quelles sont les perspectives pour toi qui a été régularisée et pour le Collectif ?

Aujourd’hui, je me suis perdue dans mes pensées en cours, et je me suis dit « Mais c’est quand même dingue, c’est un super privilège d’être étudiante et ça devrait être possible pour tout le monde mais ça ne l’est pas ! ». Et quand on te retire cette chance, puis que ça revient, tu te rends compte de ce que c’est de pouvoir étudier.

Du coup, avec le Collectif, en ce moment, on essaie de faire inscrire des camarades, ce qui marche plus ou moins (rires). Parce qu’au niveau de la mobilisation ça marche super bien, il y a vraiment beaucoup de gens qui viennent nous aider, qui ne connaissent pas forcément le collectif, mais qui veulent distribuer des tracts avec nous, qui en parlent, qui font des interventions dans leurs amphis etc. Mais le problème c’est que la Présidence est très butée : ils ne veulent pas inscrire les camarades avant l’année prochaine et c’est vraiment dommage. Il y a des camarades qui sont dans des situations très précaires et qui ont besoin d’être régularisé(e)s au plus vite. Il y a des gens qui ont fait trois ou quatre demandes à la Préfecture, à chaque fois refusées, et ça devient vraiment urgent.

On va essayer de faire un dépôt collectif à la Préfecture pour demander la régularisation de tou(te)s. Pas au cas par cas, mais vraiment l’ensemble des gens qui sont concernés. Pour dire qu’on a tous le droit d’être régularisé(e)s. On a une cinquantaine de dossiers, donc ça fait beaucoup, et on veut arriver à faire une grosse manifestation le jour du dépôt, ce qui peut mettre beaucoup de pression, si on arrive à être nombreux, pour les faire régulariser.

Les dates des rdv seront sur notre page Facebook : Collectif étudiant(e)s Sans papiers et solidaires Lyon. On est très réactifs pour répondre aux messages. On pense faire cette manifestation pour le dépôt début mars. On a déjà fait une grosse AG en début de semaine et tout le monde était tout à fait d’accord pour continuer cette démarche et élargir le mouvement jusqu’en dehors de l’université, faire venir d’autres collectifs et organisations, et faire converger les luttes. Et le 2 mars, on a prévu de faire une manifestation devant la fac pour essayer de faire venir plus de monde.


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