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Précarité à la Sorbonne.

Victoire pour les doctorants de l’Université Paris 1

Depuis un an, des doctorant.e.s de l’université Paris 1 se mobilisent pour la reconnaissance de leur statut et pour mettre un terme à des conditions d’exploitation insupportables. Ils ont obtenu gain de cause sur la plupart de leurs revendications ce mardi et ont donc décidé de lever la rétention des notes entamée trois semaines plus tôt. Dans les salles de cours et les labos aussi, seule la lutte paie ! Correspondant

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Sous le vernis, une profonde précarité

Dans l’enceinte de la Sorbonne ce sont, pour beaucoup, des doctorants vacataires qui assurent les enseignements de premier cycle. Leur statut ne leur offre ni le droit à la sécurité sociale, ni la possibilité de cotiser pour leur retraite et encore moins pour le chômage. Mais plus gênant encore, c’est le droit fondamental à être payé décemment et dans des délais respectables qui leur est refusé puisqu’ils touchent leur maigre rémunération des mois après avoir effectué leur mission, en fin de semestre. Il faut également savoir qu’en tant que doctorants, ils sont contraints de payer des frais d’inscription de 400 euros annuels pour travailler à l’université ; sans compter qu’en plus de leur mission d’enseignement, nombre de doctorants sont forcés d’accepter des surveillances de partiels et corrections de copies non rémunérées… Des conditions de travail pour certaines tout à fait illégales, le tout dans le silence le plus total. Il semblerait bien que l’Université française soit restée bloquée au 19e siècle pour tous les non titulaires, exactement là où la loi El Khomri veut ramener l’ensemble des salariés du privé.

Plus que la possibilité de réaliser un travail dans des conditions décentes, c’est souvent la vie matérielle élémentaire qui est en jeu pour ces travailleurs précaires : la capacité à obtenir un logement locatif, à manger tous les jours… Mais comme pour le reste des salariés, c’est par la lutte organisée, les multiples prises de risque engendrées par la mobilisation sur son propre lieu de travail, que s’obtiennent les acquis sociaux les plus basiques pour ces doctorants.

Une plate-forme de revendications

Très vite, le mouvement - réunissant des dizaines de doctorants de toutes disciplines et aux statuts variables mais tous concernés par la précarité – s’est doté d’une plate-forme de revendications… très vite jugée « irréaliste » par les instances dirigeantes de l’université. Vous en conviendrez vous-même :

  •  En tant que salariés de l’université, les doctorants contractuels et vacataires demandent à être exonérés de frais d’inscriptions à l’université. Les doctorants non salariés seraient, eux, exonérés sur critères sociaux.
  •  La mensualisation du traitement des vacataires pour que l’université cesse d’être un secteur où une grande partie des travailleurs sont rémunérés des mois après avoir effectué leur tâche.
  •  Mise à disposition par les écoles doctorales d’une salle dédiée aux doctorant.e.s pour que ceux-ci puissent travailler, imprimer leurs cours etc.
  •  Remboursement des frais de transport pour les vacataires afin de lutter contre l’isolement physique, psychologique et intellectuel des doctorants les plus précaires.

    Trois mois de lutte sur tous les terrains

    Face à ces revendications ô combien délirantes, la présidence de l’université n’a manifesté que l’indifférence et le mépris le plus total. Mais le mouvement s’est structuré. Les assemblées générales se sont fait plus fréquentes et les revendications de plus en plus audibles dans l’université. En mars, pour la première fois dans l’histoire de l’université, une liste entièrement composée de doctorants s’est constituée pour participer aux élections des collèges centraux de la direction. Sept candidats ont été élus dont un poste gagné au Conseil d’Administration, ce qui a fortement contribué à rendre visible le mouvement. Si le mépris n’a pas disparu, la totale indifférence dont faisait preuve la direction n’était plus possible, surtout en période électorale où les doctorants mobilisés disposaient d’une voix pour l’élection de la nouvelle présidence. Des rendez vous ont pu être pris avec les candidats et des promesses ont été engagées par la nouvelle présidence élue.

    Un début de mouvement national contre la précarité

    Au delà de Paris 1, les conditions de travail odieuses que subissent dans toutes les universités les travailleurs précaires de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) ont donné lieu à la création d’un mouvement national, regroupant des précaires d’une vingtaine d’établissement et dont les premières Rencontres Nationales ont eu lieu le weekend des 28-29 mai à Paris. Des délégations de Marseille, Lyon, Strasbourg, et de la région parisienne (Evry, BNF, Paris 1, etc.) y étaient présentes ; les rencontres ont abouti sur un communiqué qui passe en revue la situation, liste les revendications et ancre ce mouvement dans la mobilisation contre la loi Travail dont il demande le retrait.

    Des méthodes radicales qui ont permis la victoire

    Mais comme partout, seul le rapport de force paie. Début mai, la menace proférée en mars de rétention des notes de TD et partiels si aucune avancée concrète n’était constatée, a été mise en application. Une action risquée dans une institution où il est si mal vu de faire des vagues et où chaque doctorant occupe un siège hautement éjectable. Sans notes, le processus d’administration des diplômes - si important dans une université comme Paris 1 – est complètement bloqué et la pression commence à peser très fortement sur la Présidence. Il a fallu attendre trois semaines de rétentions, essuyer des tentatives de division du mouvement par concession d’avancés minimes aux plus privilégiés des doctorants, des dizaines de réunions avec différentes instances directionnelles de l’université, des menaces en série, pour finalement obtenir du CA de l’université qu’il entérine des acquis élémentaires : exonération des frais d’inscription pour les doctorants contractuels et création d’un groupe de travail œuvrant à l’exonération pour les vacataires ; mise en place de la mensualisation du traitement des doctorants vacataires pour la rentrée 2017, reconnaissance d’un Observatoire de la précarité doté de fonds et ayant pour mission d’investiguer et proposer des solutions pour résorber la précarité de tous les travailleurs et usagers de l’université.

    Parmi les mobilisés, le moral n’a pas toujours été au plus haut, la crainte de répression omniprésente, mais la lutte organisée et l’entretien perpétuel du rapport de force ont fini par payer ! Ces avancées sont insuffisantes mais le mouvement est lancé et conscient de sa force. A Paris 1 comme ailleurs dans l’ESR ce n’est que le début, le combat continue !


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