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Tribune libre

Violences et surenchères policières : une menace pour la société civile

Manifestation policière à Rennes, 26/10/2016 En annonçant une « réflexion sur les conditions d’utilisation de la légitime défense » ainsi qu’un durcissement de la répression de « l’outrage à policier », le ministre de la police et de la justice signe la capitulation du pouvoir politique devant un mouvement, de nature factieuse, mené par une police gangrenée par l’extrême-droite. Par B. Girard Source

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Les médias peuvent bien faire leurs gros titres et s’apitoyer sur la « colère », le « ras-le-bol » des commissariats, il faut appeler un chat un chat : avec des policiers masqués, cagoulés, armés, usant de l’intimidation, menaçant directement l’Assemblée nationale et les tribunaux, avec des revendications ciblant prioritairement l’exercice de la justice et l’exercice des droits de l’homme, c’est bien devant un processus quasi mafieux qu’a une fois de plus plié le gouvernement. Il faut dire qu’avec le trio Valls - Cazeneuve – Urvoas, il n’a pas eu à forcer sa nature.Les pleins pouvoirs à la police, en toute impunité : voilà de quoi faire taire les zadistes présents et à venir.

Un décès par mois dans les opérations de police et de gendarmerie

Dans ce contexte délétère, il est intéressant de relire l’« enquête sur l’usage de la force par les représentants de la loi en France », réalisée par l’ACAT (l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et publiée en mars dernier, c’est-à-dire avant le grand défoulement policier qui réprimera, au printemps, le mouvement social autour de la loi travail. Les chiffres, jamais évoqués par la grande presse, sont éloquents, avec, de 2004 à 2014, près d’un décès par mois lors des opérations de police ou de gendarmerie. L’ACAT qui s’est intéressée plus particulièrement à 89 cas d’usage de force survenus entre 2005 et 2015 dénombre « 26 décès, 29 blessures irréversibles (infirmités permanentes) et 22 blessures graves. »Mais le rapport précise également : « ces chiffres ne comptabilisent cependant pas un nombre important de violences dites « de l’ombre », telles les utilisations abusives de menottes, les mesures portant atteinte à la dignité, et les injures ou les tutoiements, dont l’ACAT a également reçu témoignage. Ils ne mentionnent pas non plus les cas de décès lors de courses-poursuites avec des forces de l’ordre qui ont été portés à sa connaissance.

Une impunité totale

Paralysés par une règlementation trop contraignante ?Une règlementation qui n’interdit pourtant pas l’usage des armes à feu, des flashball et tasers (« armes banalisées mais parfois dangereuses »), des « gestes d’immobilisation qui étouffent(…)des coups volontaires, des menottages abusifs, tutoiement et injures… » etc.

Paralysés par la peur de la sanction ? Une sanction qui n’arrive quasiment jamais puisque les « forces de l’ordre sont jugées par leurs pairs », les tribunaux le plus souvent inaccessibles, les victimes étant « discréditées et découragées » de porter plainte. Avec un Défenseur des droits à « l’autorité peu considérée, aux pouvoirs limités », le résultat le plus clair est une impunité de fait pour les policiers : sur 89 affaires de violences policières étudiées par l’ACAT, seules 7 ont donné lieu à des sanctions. Une disproportion telle qu’elle a valu à la France la condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme : suite à une affaire qui lui avait été soumise, la CEDH estimait en effet que « pareille sanction, manifestement disproportionnée à une violation de l’un des droits essentiels de la Convention [européenne des droits de l’homme], n’a pas l’effet dissuasif nécessaire pour prévenir d’autres transgressions de l’interdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se présenter à l’avenir. »

Et de citer les exemples, parmi les nombreux autres cas de :

  •  Sékou (14 ans) « perd un œil à la suite d’un tir de flashball en 2005 : un policier a étécondamné à 6 mois de prison avec sursis. La peine n’a pas été inscrite au casier judiciairede l’agent, ce qui lui permet de continuer à exercer ses fonctions. »
    - Serge Partouche (48 ans) « décède par asphyxie lors de son interpellation en 2011 : trois policiers ont été reconnus coupables d’homicide involontaire et condamnés à 6 mois de prison avec sursis. »
    - Nassuir Oili (9 ans)est éborgné par un tir de flashball en 2011 (voir p. 35) : un gendarmeest condamné aux assises à deux ans de prison avec sursis pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente. La peine n’a pas été inscrite à son casier judiciaire. »

    Une impunité pour les violences policières que l’ACAT met en regard avec la brutale répression qui sanctionne l’outrage et la rébellion, « quand la victime devient l’accusé. »

    Exemples :

  •  6 mois de prison avec sursis pour trois policiers reconnus coupables d’homicide (Serge Partouche) ; 1 an de prison dont 6 mois ferme pour un homme accusé d’avoir jeté des projectiles sur un policier.
    - 18 et 24 mois de prison avec sursis pour deux policiers reconnus coupables d’homicide (Abdelhakim Ajimi meurt étouffé lors d’une interpellation) ; 1 an de prison ferme pour Enguerrand accusé d’avoir fabriqué et lancé un fumigène lors d’une manifestation à NDDL.
    - 6 mois de prison avec sursis à un policier qui a éborgné à vie Sékou, 14 ans ; 6 mois de prison dont 2 mois ferme prononcés à l’encontre de Gaëtan, pour participation à une manifestation interdite, outrage et rébellion.

    Surenchère

    Impunité effective, droits et privilèges exorbitants : par leur coup de force, médiatisé avec une complaisance jamais démentie, encouragé par des pouvoirs publics pusillanimes, la surenchère policière paye. C’est dorénavant la police qui dicte le droit, qui impose sa loi à la société. Une société dont il faut espérer qu’elle n’est pas réductible à ces 91 %de sondés affichant leur soutien à un mouvement qui dépasse très largement les revendications catégorielles mais qui tient davantage du programme politique, un programme dont on connaît la couleur. L’enquête de l’ACAT explique que les victimes des violences policières sont « essentiellement des jeunes et des personnes issues des minorités visibles. » Des victimes, donc, du racisme policier et du racisme d’un état qui le légitime et l’entretient.

    La question qui se pose aujourd’hui est de savoir jusqu’où dans cette voie, la société civile acceptera de se laisser mener. Car on ne peut pas sans conséquences lourdes pour l’avenir confier sa sécurité à une institution aussi compromise, en paroles comme en actes, avec les pires idéologies.

    Une pétition est toujours en ligne.


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