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Ce n’est pas un crime passionnel, c’est un féminicide

Violences machistes. Marche pour Aissatou Sow tuée par son ex-compagnon

Aissatou Sow, âgée de 21 ans, a été agressée par son ex-compagnon le 18 septembre dernier dans le Val-de-Marne. Ce dimanche 30 octobre, la jeune fille est décédée de ses blessures. Le sexisme tue. Sa famille organise une marche blanche le 12 novembre pour « mettre la lumière sur la violence de cet acte, les violences faites aux femmes et sur la violence dans nos quartiers ». La mort d’Aissatou nous rappelle, brutalement, que les violences machistes sont la première cause de mortalité des femmes de 16 à 44 ans. Aissatou, Lucia Pérez, Belen, Jacqueline Sauvage… Autant de femmes, de noms, d’histoires qui disent la réalité des violences quotidiennes faites aux femmes. Le mouvement Ni Una Menos - pas une de plus – contre les violences machistes qui a pris une très grande ampleur en Amérique Latine – du Pérou à l’Argentine - ces derniers mois est bel et bien international. Non, il ne s’agit pas de « crimes passionnels », d’actes commis par « jalousie ». Elles sont mortes parce qu’elles sont assignées femmes : à cause de leur sexe. Cécile Manchette

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Le 18 septembre alors qu’Aissatou Sow rentrait chez elle après une soirée, son ex-compagnon l’attend pour la « tabasser » avant de la traîner au troisième étage. La jeune fille de 21 ans ne voyait plus l’homme de 19 ans depuis environ un an. Il l’a abandonnée, gravement blessée dans la cage d’escalier. Aissatou a été transportée aux urgences ; blessée au cerveau elle a succombé à ses blessures. L’agresseur a depuis été mis en examen pour tentative d’homicide volontaire. Les informations ont été révélées par le journal Le Parisien qui a tenu à insister sur le fait que le jeune homme est un multirécidiviste, connu de la police et qu’il avait déjà agressé la jeune femme par le passé, avant de titrer l’article : « Aissatou, 21 ans, tuée par jalousie ». Aissatou a donc été tué « par amour ». Combien de fois encore devra-t-on entendre parler de « crimes passionnels » ? C’est une manière terriblement insidieuse de légitimer la violence sexiste. « La jeune femme avait déjà été agressée ». On entend déjà les commentaires « pourquoi ne pas l’avoir quitté plus tôt » ? « Pourquoi ne pas avoir porté plainte » ?

En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. Seulement 15% des femmes portent plainte. 134 femmes sont mortes sous les coups de leurs conjoints en 2014 ; un chiffre en hausse. Des violences, des viols ou tentatives de viols, qui demeurent régulièrement traitées comme des simples faits divers, des « coups de folie », des « coups d’amour »… Des violences aux conséquences dramatiques – allant du traumatisme à la mort – qui sont trop souvent relayées à la « sphère du privé », aux faits « d’individus ». Ces violences sont en réalité celles d’une société profondément sexiste et hétéropatriarcale qui donne aux hommes des permis d’agresser, de tuer, mutiler. Des violences déniées, minimisées, trop peu visibilisées et entendues, ainsi que structurelles, la domination des femmes et minorités de genre étant assurée par les institutions et l’Etat. Comment faire en sorte que les choses changent, pour de bon ? Comment faire pour « sortir de la prison de la honte » ? Il faudra que les femmes se battent elles-mêmes, ensemble, s’organisent. Pour ne plus avoir honte, pour ne plus se taire. Pour que la peur change de camp. « JE suis la femme de ma vie », pouvait-on lire sur une pancarte brandit fièrement par une femme au Pérou pendant les mobilisation féministes Ni Una Menos (pas une de plus).

Au Pérou, en Argentine, en Amérique latine, c’est l’assassinat d’une jeune femme, la condamnation intolérable par une justice bourgeoise et corrompue d’une autre, qui ont fait descendre des centaines de milliers de femmes dans la rue pour crier ensemble « Tocan a una, tocan à todas » (« Touchez-en une, vous vous en prenez à toutes »). Un message adressé prioritairement au gouvernement, à la justice et à l’Etat. En France, si les violences contre les femmes sont d’un autre degré qu’en Amérique latine où une femme meurt toutes les 36 heures des coups de son compagnon, la bataille contre les violences machistes est à mener et avec urgence, comme le met tristement en lumière le meurtre d’Aissatou Sow.

Les « t’aurais du », les « t’avais qu’à » quand une femme se fait agresser, violer, le silence des politiciens sur les violences conjugales et les milliers de viols par an quand ce n’est pas eux qui en sont à l’origine, l’abstention de toutes propositions de loi punissant plus sévèrement le harcèlement sexuel, une institution policière et judiciaire qui ne répond pas ou répond mal, qui poursuit Jacqueline Sauvage et ne lui reconnaît pas la légitime défense… Tant de violences, d’injustices, qui invisibilisent les femmes – et d’autant plus les femmes racisées - leurs souffrances, les réduisent au silence, les infériorisent, les rabaissent, les maintiennent sous le joug des hommes. Certains diront « qu’on exagère », traiteront celles qui haussent le ton « d’hystériques » : combien faut-il de Lucia Pérez ou d’Aissatou avant que vous arrêtiez de dire qu’on exagère ?

L’oncle et la famille, d’Aissatou Sow organisent un rassemblement le 12 novembre, une marche blanche, à Valenton, afin de faire « la lumière sur la violence de cet acte, les violences faites aux femmes et sur la violence dans nos quartiers ». Afin de montrer qu’Aissatou n’est pas la première victime de cette société patriarcale et raciste. Une marche qui se déroulera à quelques jours de la journée contre les violences faîtes aux femmes du 25 novembre. Une journée nationale où nous devrions toutes et tous nous mobiliser, nous révolter pour dénoncer ces violences machistes qui gâchent la vie de tant de femmes. Une rage qui devrait en premier lieu se tourner vers le gouvernement, l’Etat, sa justice et sa police qui permettent, répriment, condamnent au silence, à la prison ou à la mort des millions de femmes et minorités de genre.

Le 25 novembre, nous descendrons dans la rue avec une pensée pour Aissatou Sow, et toutes les autres. Parce qu’à chaque fois qu’une femme meurt sous les coups de son conjoint, est violée, harcelée sexuellement ou moralement, insultée, nous sommes toutes concernées. Il est temps qu’en France nous reprenions le drapeau de Ni Una Menos pour prouver que « si vous en touchez une, nous nous organiserons par milliers ».


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