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Obsolescence programmée

iPhones, imprimantes… Un produit qui ne s’use pas est une tragédie pour les affaires

Des deux côtés de l’Atlantique, des associations de consommateurs portent plainte contre Apple, Epson, ou encore la marque HP. En cause, des batteries usées inchangeables et des imprimantes à durée de vie limitée. Une occasion de questionner l’obsolescence programmée, aberration d’un système fondé sur la course au profit.

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« Un produit qui ne s’use pas est une tragédie pour les affaires. » Les récents scandales qui entourent les marques Apple, Epson, Canon, Brother et HP semblent illustrer parfaitement cette phrase, publiée dans un magazine publicitaire en 1928.

Des smartphones et des imprimantes à durée de vie limitée

La première affaire confirme ce que nombre d’utilisateurs de smartphones de la marque à la pomme croquée soupçonnaient déjà. « Apple a mis en place une stratégie globale d’obsolescence programmée en vue d’augmenter ses ventes », explique dans un communiqué l’association française de consommateurs HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée), qui a porté plainte contre le géant américain. En effet, la célèbre firme a avoué il y a quelques jours qu’elle ralentissait au travers des mises à jours les anciens iPhones à l’occasion de la sortie de nouveaux modèles. A titre de rappel, le récent iPhone X coûte 1159 €, tandis que le prix de l’iPhone 8 s’élève à 809 €.

Même stratégie de vente pour les imprimantes et les cartouches d’encre de nombreuses marques. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête pour « obsolescence programmée et tromperie » visant Brother, Canon, Epson et HP, à la suite d’une plainte déposée par HOP. Entre autres raisons, « le blocage des impressions au prétexte que les cartouches d’encre seraient vides alors qu’il reste encore de l’encre ».

En France ces plaintes s’appuient sur la loi relative au délit d’obsolescence programmée, promulguée en août 2015. Pourtant, l’idée d’interdire les objets à durée de vie limitée dans le cadre du système capitaliste, fondé sur la recherche toujours croissante de profits, n’est qu’une vaste illusion.

L’ampoule qui brillait depuis plus d’un siècle

À l’opposé de ces cartouches d’encre gaspillées et de ces smartphones périssables, il y a l’exemple connu de l’ampoule de Livermore. Dans la caserne de cette ville californienne, une ampoule à incandescence éclaire les pompiers presque sans interruption depuis 116 ans. Preuve s’il en est qu’en 1901, on savait déjà fabriquer des lampes d’une durée de vie bien supérieure à celles qui sont vendues aujourd’hui, grâce à un filament plus robuste et moins chaud. Pourtant, en 1925, les principaux fabricants d’ampoules mondiaux se sont accordés pour que leurs marchandises ne résistent pas plus de 1000 heures, afin de rebooster les ventes. Une durée de vie qui ne dépasse pas un mois et demi, si l’ampoule est allumée en continu.

Mais les ampoules ne sont qu’un exemple parmi d’autres : des collants en nylon rendus volontairement plus fragiles dans les années 40, les dates de péremption rapprochées inutilement de la date d’achat dans l’agro-alimentaire, les semences stériles vendues par Monsanto qui nécessitent d’en racheter tous les ans…

Enfin, s’il existe quelques contre-exemples, des produits durables et robustes – presque toujours plus chers, et donc moins accessibles au plus grand nombre – les industriels ont trouvé la solution pour inciter à la consommation : l’obsolescence « choisie ». Les nouveaux produits, parfois parfaitement inutiles, sont imposés par leurs fabricants sur le marché grâce à la publicité, jouant sur l’effet de mode, le design.

Ainsi, qu’il s’agisse d’obsolescence technologique, fonctionnelle (comme pour les iPhones), ou encore d’obsolescence par incompatibilité (les cartouches d’encre et les imprimantes) ou d’obsolescence esthétique (la mode vestimentaire), la question de la durée de vie des objets du quotidien est au cœur du système capitaliste.

Une aberration économique et écologique

Si les noms qui reviennent régulièrement dans les scandales liés à l’obsolescence programmée sont principalement ceux de grandes firmes multinationales (Apple, Canon, HP…), c’est qu’elles détiennent le quasi-monopole des produits qu’elles vendent. Ainsi, moins soumises à la concurrence directe, elles n’ont pas besoin d’utiliser la durabilité des marchandises comme argument de vente, et nous font fabriquer, acheter et jeter des imprimantes, des smartphones, des yaourts, des ampoules et des collants à foison.

Le capitalisme est un système tellement irrationnel que le coût de la main d’œuvre, et donc de l’éventuelle réparation des objets qui ne fonctionnent plus, est devenu supérieur au coût des matériaux qui permettent sa fabrication. De plus, il existe un cadre légal, des brevets, qui permettent d’empêcher les concurrents d’une entreprise de proposer un service après-vente sur ses produits, de les réparer.

Sans parler du désastre écologique engendré par cette obsolescence programmée généralisée. Car les objets rendus dysfonctionnels par cette folle course aux profits sont jetés, entassés. Le cobalt des batteries lithium-ion de nos téléphones, des voitures électriques et autres appareils, revient bien plus cher à recycler pour les capitalistes qu’à extraire en exploitant hommes, femmes et enfants.

Pour un monde débarrassé de l’obsolescence programmée

La valeur d’usage de ces objets, déterminée par leur utilité et leur durée de vie, est subordonnée à leur valeur d’échange, soumise à une perpétuelle logique de rentabilité. Une course aux profits qui n’avantage que le patronat, puisque outre la pollution les travailleurs sont exploités à longueur de temps pour fabriquer des objets voués à devenir rapidement obsolète. Et ce alors même qu’il existe actuellement les moyens techniques et scientifiques de réduire considérablement le temps de travail des ouvriers tout en produisant suffisamment pour que nous puissions toutes et tous vivre dignement.

Dès 1878, Engels évoque l’idée que « la socialisation des forces productives, l’élimination des entraves et des perturbations qui résultent du mode de production capitaliste, celle du gaspillage de produits et de moyens de production, suffisent déjà, en cas de participation universelle au travail, pour réduire le temps de travail à une mesure qui, selon les idées actuelles, sera minime. » En 1977, le collectif Adret publie à ce propos un livre intitulé Travailler deux heures par jour.

Ainsi, les scandales qui entourent Apple, Epson et autres grandes marques, ne sont que la pointe visible de cette incroyable aberration qu’est le mode de production capitaliste. S’attaquer à l’obsolescence programmée, c’est s’atteler à détruire le système.


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