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La Izquierda Diario
5 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Appel à témoignages
Pénibilité au travail : les femmes sont les plus touchées, et les moins reconnues
Maly Drazkami

De 2001 à 2015, si chez les hommes le taux d’accidents de travail avec arrêt a diminué, chez les femmes il a augmenté de 28 %. En cause : une dégradation globale des conditions de travail, une répartition genrée du travail qui ne prend pas en compte les difficultés de ces secteurs, un compte pénibilité qui ne fait qu’accentuer cette logique, et un déni généralisé de la souffrance des femmes au travail.

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Vendredi, Le Monde diplomatique sortait un article mettant en lumière « L’invisible pénibilité du travail féminin », en se basant notamment sur les chiffres d’une étude menée en mars 2017 par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) :

Si les accidents du travail avec arrêt baissent globalement de 15,3 % entre 2001 et 2015, ils progressent pour les femmes. Sur cette période, [ils] ont augmenté de 28 % pour [celles-ci] tandis qu’ils ont baissé de 28,6 % pour les hommes.

Ce même article mets aussi un nom, une histoire, sur ces chiffres accablants :
« Après avoir fabriqué à la chaîne des pantalons pendant dix ans, Mme Boulanger s’est rendue plusieurs fois par jour chez des personnes âgées, parfois gravement malades, pour les aider à se lever, à faire leur toilette, à se préparer à manger, à aller se coucher. ‘‘J’ai tout appris sur le tas, sans formation. Je me suis occupée de beaucoup de cas lourds, c’est là que je me suis foutu l’épaule en l’air’’. En février 2015, alors qu’elle soulevait une vieille dame pour l’aider à sortir de la baignoire, ‘‘ça a craqué, raconte-t-elle. Tout s’émiettait autour. Les médecins ont dû couper la tête d’épaule’’. »

Une répartition genrée du travail et de ses souffrances

Les femmes sont massivement représentées dans des secteurs précaires, difficiles et où la pénibilité n’est même pas toujours reconnue. C’est en fonction de critères masculins que s’est élaborée la notion de pénibilité au travail en prenant pour référence des secteurs comme le bâtiment, la chimie, la métallurgie, etc, là où le taux de féminisation de l’emploi reste très bas.

Dans une étude, l’Observatoire des inégalités remarquait que les secteurs les plus exposés aux maladies professionnelles étaient l’industrie de la viande, de l’habillement, des équipements du foyer, la blanchisserie, les activités d’hypermarchés et de supermarchés, l’aide à domicile et la construction.

Si les femmes sont moins présentes que les hommes dans les métiers de l’industrie, elles sont une part majoritaire dans ceux des services. Les métiers d’aide-soignant, d’aide à domicile, d’aide ménagère ou d’assistant maternels sont à plus de 90 % composés de femmes ; et ce sont des femmes qui travaillent en tant que vendeuses ou agents d’entretien, à plus de 70 %.

Autant de métiers qui malgré toutes les maladies professionnelles qu’ils déclenchent – comme les troubles musculo-squelettiques (TMS) – ne sont encore que très peu reconnus comme vecteurs de ces mêmes troubles. Aussi parce qu’il s’agit de travaux associés à la « féminité », au domaine du « care » (soin à la personne, ménage etc), et qui sont donc recouverts d’un halo « d’attribut naturellement féminin » ne devant pas susciter d’inquiétude. Ce qui masque donc les difficultés et les souffrances qu’engendrent ces métiers. Et ce qui est surtout très arrangeant pour les employeurs qui peuvent augmenter les cadences et les pressions sans aucune contrainte légale, aussi minime puisse-t-elle être.

« Il aura fallu la révolte des infirmières dans les années 1990 pour qu’on prenne conscience qu’elles portent des patients, donc des charges lourdes, rappelle Florence Chappert, responsable du projet « Genre, égalité, santé et conditions de travail » à l’Anact. Jusqu’alors, on ne percevait que l’aspect compassionnel de leur métier. »

Des métiers féminisés qui ne sont pas reconnus

Une des seules réformes « sociales » de Hollande avait été l’instauration d’un « compte personnel de prévention de pénibilité » (C3P) qui prévoyait, sur certains critères, de permettre aux salarié.es du privé occupant un poste pénible de cumuler des points afin de partir plus tôt à la retraite, se former ou travailler à temps partiel sans perte de salaire. Réforme minime et euphémisme car par « pénibilité » il faut bien entendre des travaux laissant des séquelles à vie sur le corps et la santé des travailleurs, sans parler des dégâts psychologiques.

Or, pour rappel, le nouveau gouvernement a même supprimé la notion de « pénibilité » du nouveau compte, qu’il a rebaptisé (par ordonnance) « compte professionnel de prévention » (C2P) et qui s’est vu amputé de quatre critères de « pénibilité » : la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques.

Les six restant d’actualité dans ce contrat à point étant : le travail de nuit, le travail répétitif, en horaires alternants, en milieu hyperbare (sous-marin) ; le bruit et les températures extrêmes. Et même sur ceux-ci, les critères restent trop haut pour que les femmes voient la pénibilité de leur travail reconnu.

Il faut par exemple comptabiliser 900 heures/an de travail répétitif pour que celui-ci soit pris en compte. Or, autre surprise, les femmes sont aussi fortement représentées dans la part des travailleurs en contrats précaires qui donc changent souvent de travaux et de contrats.

Ajoutons à cela toutes les pressions psychologiques exercées sur les femmes que ce soit dans leur travail (contact avec la clientèle source de stress, charges émotionnelles très lourdes dans les métiers de soin à la personne, etc.), face au harcèlement, au mépris de la direction et des usagers… autant de violences qui ne sont pas non plus prises en compte.

Il faut rappeler que les maladies professionnelles touchent à 96 % les ouvriers et les employés, tous genres confondus, contre 4 % chez les professions intermédiaires et les cadres. Le nombre de patients souffrant de maladies professionnelles reconnues est ainsi 37 fois plus élevé chez les ouvriers que chez les cadres. Et ce sont les femmes parmi les travailleurs qui sont les premières visées et sur lesquelles s’exerce le plus de pression.

N’hésitez pas à envoyer vos témoignages à ce sujet sur la page Facebook Révolution Permanente ou à l’adresse mail : [email protected] !

Crédit image : Film - Les tribulations d’une caissière

 
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