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La Izquierda Diario
13 de décembre de 2017 Twitter Faceboock

Bataille d’opinion
Sondages : Macron a de nouveau la cote ?
Yano Lesage

Le Point et l’Opinion s’en réjouissent à pleines lignes. Emmanuel Macron et son gouvernement connaissent une belle remontée en termes de popularité. Un constat unanime même si, les résultats, d’un institut de sondage à l’autre, varient de près de 20 points. Et même si, ces taux restent historiquement bas pour un président en exercice depuis seulement 6 mois. Effet Johnny, opposition désarçonnée, communication présidentielle bien rodée, l’Elysée tire, pour l’instant, les marrons du feu de l’opinion... aussi versatile qu’elle soit, mais n’est pas à l’abri de voir le vent rapidement tourner.

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Photo © SIPA

D’un Oracle sondagier à l’autre : entre 39% (Ipsos) et 57% (Ifop) d’opinions favorables pour le président

Après avoir atteint des taux historiquement bas au lendemain de l’élection présidentielle, une dégringolade jusqu’en septembre à la suite des débats et des mobilisations sur la loi travail, la cote de popularité de Macron, selon les résultats des différents instituts a bel et bien augmenté depuis septembre. Selon les résultats du sondage Ifop-Fiducial pour Paris-Match et Sud radio publié ce mardi, le président rencontrerait même jusqu’à 57% d’opinions favorables, soit une majorité. Un résultat supérieur à celui obtenu au lendemain de son élection qui laisse un peu circonspect. Pour les autres instituts, la cote présidentielle, en remontée certes, ne dépasse pourtant pas la barre des 50%. Les résultats du baromètre Ipsos-Le Point semblent en effet plus nuancés : la popularité du président remonterait doucement en passant de 32% d’opinions favorables en septembre à 39% en décembre. Pour BVA comme pour Harris-Interactive, elle culmine, en décembre, à 46% d’opinions favorables, soit à des taux proches de ceux obtenus au lendemain des élections présidentielles.

Ces résultats varient, il faut le souligner, de près de 18 points d’un institut à l’autre. Et la remontée d’opinions favorables parait d’autant plus importante, qu’elle survient après des taux d’impopularité historiques, inférieure à 50% de la population au lendemain de élections présidentielles –contre 61% pour Hollande à la même époque-, proche de 30% après seulement trois d’exercice du pouvoir – contre 41% pour l’ex-président-, du jamais vu jusque là. Pourtant, aussi fragile qu’elle soit, Macron a bel et bien repris en main l’opinion. Un élément qu’il doit tant à la fragilité de l’opposition et de la contestation sociale qu’à une stratégie de communication aussi trompeuse qu’efficace.

Une opposition divisée, une communication bien rôdée…

Ce sursaut d’opinions favorables, certes à prendre avec des pincettes, est comme le souligne Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos au Monde, liée à une reprise en main de la communication présidentielle et gouvernementale. Après l’annonce très impopulaire de la baisse des Aides au Logement, de la réforme de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), du débat sur les ordonnances de la loi travail, durant l’été et la rentrée, marquées par un relatif silence du président, le gouvernement Philippe ont multiplié les effets d’annonce et la « pédagogie » à destination de l’opinion. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, incarne à coups sûrs le mieux ce revirement. Sa pédagogie de la petite phrase, du dédoublement des classes de CP, en passant par la réinstauration de l’uniforme, de la dictée quotidienne, l’interdiction des portables à l’école et le retour à l’autoritarisme d’une école « à l’ancienne » a su flatté les pans de l’opinion les plus conservateurs.

Du point de vue de la communication, le président Macron n’a pas non plus chômé, multipliant les discours, mais évitant soigneusement l’exercice de l’entretien et de la contradiction avec les journalistes. Et c’est par le terrain international qu’il a voulu s’imposer, flattant clairement les instincts nationalistes et impérialistes français. Dans cette longue liste, il y a eu le – long – discours européen de la Sorbonne fin septembre avec, en tête d’affiche Macron l’Européen, se rêvant en nouveau leader d’une Union Européenne forteresse et résolument impérialiste ; puis le discours du « nous avons gagné à Raqqa » contre Daech ; mais aussi Macron, le Françafricain à Ouagadougou, à Alger, où il a su montré, en digne héritier, l’aveuglement de la caste politique française vis-à-vis de son passé – et présent – colonial. Aujourd’hui, c’est « Macron l’écolo » qui fait des effets de manche pour présenter la finance internationale comme la solution au réchauffement et au dérèglement climatique.

L’occupation permanente du terrain médiatique par le président et ses troupes a laissé peu de voix à l’opposition, notamment celle qui s’est exprimée, à plusieurs reprises mais en rangs dispersés, dans la rue. Face à la division des appareils syndicaux sur la marche à suivre, et la volonté – mal assumée – de Force ouvrière et de la CFDT d’accompagner la loi Travail de Macron, la contestation des ordonnances n’est pas parvenue à mettre réellement en difficulté l’exécutif. Pas plus d’ailleurs que la stratégie parlementariste de la France Insoumise qui avait pourtant réussi à se positionner comme la première opposition au gouvernement à la rentrée. La volonté d’aller vite du gouvernement, la multiplication des annonces – sur l’université, dans l’éducation, chez les fonctionnaires, etc… – et la saturation de l’espace médiatique par le gouvernement, sont autant de coups portés à l’opposition politique et syndicale, hébétée, qui ne sait pour l’instant pas vraiment où donner de la tête, après le premier échec de la lutte contre la loi travail.

Enfin, cerise sur le gâteau, la mort de Johny Halliday, célébrée en grande pompe, a offert à Macron l’occasion de s’attirer la sympathie de cette « France d’en bas ». Une opération récupération politique dont les fruits, pour Emmanuel Macron, ne pourront pas être éternels…

Des aléas de l’opinion sous l’effet des mobilisations…

Mais là, où Brice Teinturier, directeur d’Ipsos se trompe, c’est lorsqu’il assure que cette « remontée est tout à fait exceptionnelle ». François Hollande avait lui-même profité d’une remontée de popularité exceptionnelle – de l’ordre de 20 points – après les attentats de Charlie Hebdo de janvier 2015 et ceux du Bataclan de novembre 2015. L’effet de grâce n’aura pourtant pas duré très longtemps. Entre novembre 2015 et mars 2016, sa cote de popularité était passée de 41% d’opinions favorables à seulement … 15 % sous l’effet de la mobilisation contre la loi travail. « L’opinion publique n’existe pas » disait Pierre Bourdieu en 1972, car par nature instable, difractée et soumise très fortement à l’influence des médias. Tant que le gouvernement bombarde l’agenda médiatique, elle se redresse en sa faveur, à l’image de ce premier round de la bataille de classe que celui-ci vient de gagner. Mais cette tendance pourrait très vite s’inverser.

Depuis les universités où la sélection passe mal, dans les établissements scolaires toujours plus pressurisés, dans les entreprises où comme le montrent les grèves des sous-traitants du nettoyage de l’Holliday In ou de Onet-SNCF, la détérioration des conditions de travail génèrent des luttes combattives, la houle n’en finit pas de souffler. La colère accumulée lors de ces derniers mois envers une politique qui ne cache plus ses faveurs pour le camp patronal, qui s’engage dans la privatisation des services publics, qui démantèle au gourdin le droit du travail va, à un moment ou à un autre, se déverser. Et cela, d’autant plus violemment, que les travailleurs ont fait l’expérience des directions syndicales traitres, et cherchent à les dépasser.

Nouveau chantier du gouvernement, le démantèlement de l’assurance-chômage et le nouveau pas dans la liquidation de la Sécurité Sociale pourrait bien susciter un vent de révolte, à même de renverser l’opinion publique et les sondages, tout comme un gouvernement dont la légitimité reste très limitée.

 
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