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La Izquierda Diario
5 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Tensions inter-impérialistes dans l’industrie aéronautique
Boeing se rapproche du brésilien Embraer, dans un contexte de forte concurrence avec Airbus
Léon Kahlo

Il y a quelques mois, Airbus annonçait son rapprochement avec Bombardier, le constructeur canadien d’avions régionaux et de jet d’affaires. Réponse de Boeing : l’annonce du lancement de négociations avec Embraer, une société brésilienne concurrente de Bombardier.

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La fin 2017 est une période pleine de turbulences pour l’aviation mondial. En effet, un partenariat entre Airbus et Bombardier a été annoncé en octobre, l’avionneur européen reprenant sous ses ailes le programme C-series qui était en chute libre avec 350 millions de dollars de perte en 2016. Une prise en main stratégique pour Airbus, qui est par ailleurs largement fragilisé en ce moment, à cause de lourdes amendes pour corruption, qui ont déjà fait tomber le n°2 de la firme. En effet, la gamme C-series, qui porte sur des moyens porteurs de 110 à 135 places, complète la gamme d’Airbus, qui démarre à 160 place (avec l’A319), là où la demande en moyens porteurs va être très fortes ces prochaines années (6000 appareils devraient être vendus dans les 20 prochaines années).

Face à ce positionnement d’Airbus, Boeing n’a pas tardé à réagir, en cherchant à se rapprocher d’Embraer afin de mener à terme un partenariat, et permettre au géant américain de mieux se positionner sur la gamme des moyens porteurs.

Embraer et les Etats Unis, une relation privilégiée qui date

Avant la création d’Embraer en 1969, le Brésil avait déjà une expérience dans la production en série d’avion qui a commencé dans les années 30, malgré une relative indifférence du gouvernement brésilien. Le secteur était alors dominé par l’entreprise Paulista, dont les débouchés étaient limités par la demande étrangère, allemande ou nord américaine. Le manque de stratégie industrielle résulta donc d’un manque en matière de compétence nationale. Les accords passés avec les USA pendant la Seconde Guerre Mondiale permirent de changer la donne.

Cet héritages et le développement de l’aéronautique au Brésil, avec la création d’écoles d’ingénieurs, d’un centre technique de recherche et de développement ainsi que la création d’un centre technique commencèrent à dessiner le début d’un intérêt de l’Etat Brésilien pour l’aéronautique. Depuis, Embraer se développe se construisant une véritable place sur le marché des avions à moyens courriers et les jets d’affaires s’érigeant comme concurrent direct d’une entreprise comme Bombardier. Cette histoire industrielle, et les partenariats privilégiés entre Boeing et Embraer expliquent l’acharnement de Boeing contre son concurrent Bombardier. Déjà positionné sur le marché des moyens porteurs (notamment avec le programme Boeing 737), Boeing a réussi à imposer d’énormes sanctions de l’État américain sur le programme C-Series : accusé d’être subventionné par le Canada, toute commande de l’avion par une entreprise américaine est frappée d’une taxe d’importation de 300 %. L’alliance avec Airbus permettrait en outre de fabriquer des C-Series dans l’usine Airbus Mobile, en Alamaba, échappant ainsi aux taxes d’importation.

Face à l’agressivité de l’impérialisme américain, l’État brésilien tente de se défendre

Dans ce contexte, Boeing tente d’accélérer le rythme de la guerre commerciale avec Airbus, en se rapprochant très fortement d’Embraer. Au début des années 2010, le président exécutif d’EADS (aujourd’hui Airbus) expliquait déjà qu’il faudrait travailler à des alliances industrielles entre Airbus et les constructeurs de moyens porteurs (Bombardier, Embraer, le russe Soukhoi et le chinois COMAC), et Airbus s’était déjà dirigé vers Embraer. Cependant, c’était sans compter l’attaque des Etats Unis contre le capital brésilien, et toute la crise politique qui s’est développée autour de l’opération « Lava Jato », rendant le rapprochement avec Bombardier hautement improbable.

C’est donc Boeing qui devrait mettre ses griffes sur Embraer. Pour mettre la main sur le fleuron industriel brésilien, l’opération Lava Jato a été au centre des manoeuvres américaines : poursuivi pour des affaires de corruption entre 2007 et 2011 dans le cadre de la vente d’avions en Amérique centrale et en Asie, la société avait déjà versé 206 millions de dollars aux Etats Unis, doublés d’une surveillance extérieure par un administrateur nommé par la justice américaine, Alexandre René. Un moyen détourné de prendre le contrôle de l’entreprise. La vente d’Embraer à Boeing devra cependant passer par l’accord gouvernemental, l’État détenant 5 % de l’entreprise et une golden share, c’est à dire un droit de veto sur les décisions importantes de l’entreprise. Si, économiquement, le gouvernement brésilien ne semble pas y voir de problème (deux des trois premiers actionnaires sont d’ores et déjà étranger, à savoir le fond d’investissement américain Oppenheimer et le fond anglais Baillie Grifford) le problème se situe sur le terrain militaire : le transfert des savoirs technologiques brésilien à une entreprise américaine affaiblirait la puissance militaire du Brésil.

 
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