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La Izquierda Diario
17 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Appel d’offres truqués
Pour le PDG de Radio-France, pas de raison de partir. Pour le CSA, une décision épineuse
Claude Manor

Mathieu Gallet, actuel PDG de Radio-France, accusé de « favoritisme », dans le cadre de marchés publics, a été condamné lundi 15 janvier, par le tribunal correctionnel de Créteil, à un an de prison avec sursis. Alors que la ministre de la culture lui demande, au nom de « l’exemplarité », de démissionner, le patron de Radio France refuse et fait appel. C’est donc au président du CSA que revient la tâche épineuse de décider de son maintien ou de son départ. Exercice d’autant moins facile que le pouvoir de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public risque de lui échapper prochainement.

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Des leçons d’exemplarité au royaume des grands décideurs

Le délit dont est accusé le PDG de Radio-France n’est hélas pas rare chez les dirigeants du secteur public aussi bien que privé. Il s’agit, en l’occurrence, de deux contrats passés avec des sociétés de conseil, pour un montant d’environ 400 000 euros, et qui ont été jugés douteux en termes de conformité aux procédures d’appel d’offres. Le parquet avait requis 18 mois de prison avec sursis et 40 000 euros d’amende. Le tribunal s’est montré plus clément : 1 an avec sursis et 20 000 euros d’amende.

Mais, derrière la sanction juridique, et quelle que soit l’issue de la procédure d’appel, c’est l’enjeu politique qui mérite attention. Les marchés truqués sont légion et les condamnations rares et peu médiatisées. Pourtant, cette fois-ci, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, est montée au créneau en invoquant le « devoir d’exemplarité » des dirigeants d’entreprises publiques. Elle a jugé la situation inacceptable et demandé à Mathieu Gallet de démissionner. Le PDG, quant à lui, avait annoncé la couleur avant même que le jugement soit rendu. Pas question de renoncer à aller au terme de son mandat prévu à l’horizon de mai 2019.

Le bras de fer étant engagé, c’est le président du conseil de l’audiovisuel que la ministre de tutelle interpelle, au lendemain même du jugement, en lui demandant de « tirer les conclusions » de la condamnation. Situation critique pour le CSA à qui le gouvernement Macron escompte bien reprendre à bref délai une part de son autorité sur la nomination et la révocation des dirigeants de l’audiovisuel public.

Le CSA engage une « procédure » prudente

Le mercredi 17 janvier, le CSA réuni en séance plénière, a décidé de procéder à un vote, à la majorité simple des sept conseillers qui la composent pour trancher sur le départ ou le maintien de Mathieu Gallet à la tête de radio-France ? Il ne s’agira pas de se prononcer sur le fond du délit mais d’apprécier si, dans ces conditions le PDG est en mesure d’exercer sereinement sa fonction.

Ce vote est encadré par la procédure qui découle de la mise en œuvre d’un article de la loi du 30 septembre 1986 relatif au retrait d’un mandat de président de radio-France (ou de France télévision).

Il ne s’agit pas d’une simple formalité qui servirait à masquer une décision inéluctable. Le CSA peut en effet tout à fait décider de ne pas révoquer Mathieu Gallet. L’enjeu et les tensions autour de cette procédure sont donc réels.
Plusieurs précautions sont donc prises pour conduire cette démarche à haut risque. Première précaution ; attendre la parution du texte intégral du jugement rendu par le tribunal correctionnel. Ensuite, donner à Mathieu Gallet la possibilité de présenter sa défense. Et enfin, procéder, à leur demande, à l’audition de tierces parties comme par exemple les syndicats de radio-France.

Si le CSA prend autant de précautions, c’est qu’il est conscient d’être pris entre deux feux et des risques qu’il encourt. D’un côté, une pression du gouvernement à travers la personne de Françoise Nyssen, ouvertement opposée au maintien du PDG et qui en tant que ministre de tutelle tient les cordons de la bourse. De l’autre, le climat interne qui semble plutôt favorable à Mathieu Gallet, comme en témoigne le fait que ni les syndicats, ni la plupart des administrateurs n’ont demandé son départ après l’annonce du jugement.

Un contexte qui dépasse très largement la personne de Mathieu Gallet

La bataille engagée par la ministre de la culture contre Mathieu Gallet et la prudence du CSA seront mieux jaugées si on replace « l’affaire » dans le contexte plus large des projets actuels du gouvernement à l’égard du secteur audiovisuel.

Françoise Nyssen a en effet récemment porté plainte contre la divulgation d’un document explosif, qu’elle a qualifié, auprès du Monde, de « document de travail ». Ce document décrit les mesures qui devraient inscrites dans le cadre de la loi, en déclinaison de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels. A la clé, notamment, une probable fusion de France télévisions et de radio-France et leur regroupement au sein d’une holding commune qui ne pourrait qu’entraîner de lourdes réductions d’effectifs avec les très fortes réactions prévisibles de la part des personnels.

Les réductions drastiques d’effectifs et de budget sont semble-t-il dans les tuyaux. Le gouvernement aurait d’ores et déjà demandé au groupe de prévoir une réduction de 80 millions d’euros sur son budget pour l’année 2018.

On comprend mieux pourquoi un simple jugement pour défaut de respect des procédures de marchés publics, fût-il à l’encontre d’un haut personnage de monde de l’audiovisuel, suscite l’ire de la ministre et empêche probablement les sept conseillers du CSA de dormir sur leurs deux oreilles.

Crédits : Photo KENZO TRIBOUILLARD. AFP

 
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