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La Izquierda Diario
19 de janvier de 2018 Twitter Faceboock

Congrès du NPA
Sur la dimension stratégique du Front Unique Ouvrier
Emmanuel Barot

Dans le cadre du IVe Congrès du NPA, de nombreux débats ont émergé sur la question du Front Unique. Les militants de Revolution Permanente ont souhaité rappeler l’importance stratégique de cette tactique forgée dans les années 1920, à la suite de la révolution bolchevique.

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Bien que la tactique du front unique ouvrier (FUO) ait animé le bolchévisme d’avant et pendant 1917, elle est élaborée comme telle au cours des IIIe et IVe Congrès de l’Internationale Communiste en 1921-1922, à l’aune des difficultés rencontrées par l’extension du processus révolutionnaire en Europe. Elle prend notamment son sens dans les situations de reflux, de division de la classe ouvrière, où la question des alliances se fait plus pressante, dans un contexte où les idées réformistes exercent un poids dominant. Comment les révolutionnaires doivent-ils actualiser leurs tâches dans ce cadre ? Deux éléments indissociables doivent être distingués pour être bien articulés, afin d’éviter le risque majeur de confondre stratégie et tactique : la question de l’unité de la classe, et celle de la progression dans la classe des idées révolutionnaires.

Proposer un combat unitaire dans l’action sur des revendications précises vise à donner corps à l’aspiration unitaire des masses tout en poussant les bureaucraties à aller au-delà de ce qu’elles souhaitent faire. Tout en se mettant au service des intérêts du mouvement, dans telle ou telle conjoncture, le but est de dévoiler concrètement leur nature cogestionnaire du système si elles refusent de se joindre au combat. Le but n’est donc jamais seulement immédiat, tactique (faire avancer le mouvement à un moment donné), mais toujours lié à l’objectif stratégique de faire faire l’expérience aux exploités et opprimés de ce que sont leurs directions, qui sont en dernière instance un facteur central de leur division, parce qu’elle sont un organe majeur, à la fois matériel et idéologique, de l’emprise du réformisme et par là de la domination bourgeoise sur le mouvement ouvrier.

Dans son texte de 1922 sur le FU et le mouvement communiste en France, Trotsky écrit « Afin d’amener le prolétariat à la conquête directe du pouvoir et d’effectuer cette conquête, le Parti Communiste doit s’appuyer sur la majorité écrasante de la classe ouvrière. Tant qu’il n’a pas cette majorité, il doit lutter pour s’en emparer. » Cette lutte pour conquérir la majorité de la classe ouvrière aux idées révolutionnaires est effectivement le centre de gravité du FU, d’autant plus centrale que les traditions de la démocratie bourgeoise sont enracinées. La condition vitale d’une telle tactique est donc que les révolutionnaires, simultanément aux opérations dans l’action, ne noient jamais leur propre programme pour la révolution, ne s’autocensurent pas sur ce qu’ils proposent à la classe, et soient prêts, dès lors que les bureaucraties trahissent ou reculent, à rompre les accords passés avec les réformistes, accords par définition temporaires ou circonstanciels, dès lors que l’unité commence à se faire au détriment de l’élévation de conscience de classe et de l’accumulation de forces en vue, à terme, de la révolution.

Le FUO a ainsi pour but d’unifier plus avant les rangs de la classe, mais pas sur n’importe quelle base ; la pertinence de cette tactique cesse dès que sa dimension stratégique, l’augmentation de l’influence des idées révolutionnaires dans le sens de la conquête de la majorité de la classe, est mise au placard. La plateforme U de ce quatrième Congrès, animée notamment par des camarades comme Alain Krivine, Christine Poupin, Olivier Besancenot ou Philippe Poutou, définit ainsi dans son texte de plateforme les dimensions tactique et stratégique du Front Unique :

« L’unité de notre camp social possède une dimension stratégique : pour que le prolétariat puisse avoir le rapport de force et gagner la lutte contre la classe dominante en alliance avec d’autres classes, une large unité est nécessaire. Cela vaut pour la lutte pour renverser le capitalisme comme pour les luttes ponctuelles contre les gouvernements et le patronat. Nous savons également que la conscience évolue dans l’action bien plus que par des discours.

Elle revêt aussi une dimension tactique : en argumentant pour l’unité d’action, nous nous appuyons sur une aspiration unitaire chez les salariéEs pour exercer une pression sur les autres courants et, lorsque nous échouons, montrer par l’expérience pratique que nous voulons être les meilleurs constructeurs de la lutte. »

Faire de la lutte pour l’unité de la classe ouvrière la « dimension stratégique » du front unique, comme semblent le dire les camarades de la pfU dans leur texte, introduit en ce sens une obscurité importante, et ouvre à l’inversion des rapports entre tactique et stratégie. C’est pourquoi de plus prolonger le front unique dans l’action en une politique de fronts « sociaux » et « politiques » de nature diverses, mais durables, au motif qu’il faut unir la classe, mais en abandonnant le terrain du combat permanent contre les illusions réformistes, consiste à aller encore plus loin dans la transformation de la tactique du FU unique en outil de dissolution de sa véritable dimension stratégique, et à rabaisser le rôle et les tâches du parti.

Cette contribution au débat s’inscrit par ailleurs plus dans la réflexion plus large menée sur le Front Unique ouvrier à l’occasion de la lutte contre la loi travail XXL, disponible sur Révolution Permanente.

Pour aller plus loin :

« Face à Macron. Leur unité et la nôtre », par Camille Pons

« Sur la dimension stratégique du « Front unique ouvrier » », par Emmanuel Barot

 
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