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La Izquierda Diario
12 de février de 2018 Twitter Faceboock

La parole aux grévistes ! #NoFusion #NoSélection
Un travailleur de la fac du Mirail témoigne : « Avec la grève on montre qu’on existe ! »

Depuis plusieurs semaines, personnels et étudiants du Mirail sont en grève pour exiger la fin du projet de fusion des universités toulousaines, la démission du (futur-ex) président de l’Université Daniel Lacroix et la fin de la sélection. Révolution Permanente donne la parole à M.M., agent de la bibliothèque centrale (BUC) du Mirail, en grève depuis le 22 janvier et membre du comité de mobilisation des personnels.

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Propos recueillis par Marina Garrisi

Révolution permanente : La mobilisation qui prend de l’ampleur au Mirail ces dernières semaines se distingue par la forte mobilisation du personnel BIATSS (Bibliothèques, Ingénieurs, Administratifs, Techniques, Sociaux et Santé) de l’université. Est-ce que vous êtes souvent la tête marchante des mobilisations au Mirail ?

M.M. : Autant de BIATSS mobilisés, c’est du jamais vu ! Sur environ 600 BIATSS au Mirail, on est jusqu’à près de 200 en Assemblée Générale, sachant que tous les grévistes ne viennent pas forcément en AG. C’est énorme, et tous services confondus : administration, bibliothèques, logistique, etc.
Ce qui est intéressant c’est qu’aujourd’hui c’est nous qui menons le tempo alors que d’habitude on est toujours occultés. Au travail au quotidien, puisqu’on est souvent invisibilisés (pour beaucoup une fac c’est des profs et des étudiants), mais également dans la presse quand on parle de la mobilisation dans les universités. Les BIATSS en quelque sorte c’est l’armée invisible qui fait tourner l’université, les « petites mains » dont personne ne se soucie. Si tu prends le rapport UNITI du projet IDEX, tu ne trouveras pas une seule ligne sur les 50 pages du rapport… c’est révélateur ! Là, avec la grève, on montre non seulement qu’on existe, mais également qu’on peut bousculer le fonctionnement normal de l’université !

Comment tu expliques cette mobilisation quasi inédite ? Tu dirais qu’il y a eu un élément déclencheur ?

M.M. : La première chose c’est qu’on est extrêmement inquiets des conséquences qu’aurait la fusion pour nos conditions de travail, et les exemples d’universités qui ont déjà fusionné dans le passé (comme l’Université d’Aix Marseille) l’ont bien montré. C’est d’abord la réduction de la masse salariale, et donc concrètement des suppressions de postes dès qu’il y aura des « doublons » sur certains services. Mais aussi une lourdeur administrative qui sera renforcée, avec beaucoup d’échelons qui se rajoutent. Et clairement on refuse d’être la variable d’ajustement alors qu’on souffre déjà du manque structurel de moyens, et que les collègues sont déjà en situation de surcharge de travail important (voir par exemple la grève du personnel de l’UFR de Psycho en septembre 2016).

Après, ce qui a constitué l’élément déclencheur de la grève en décembre dernier, c’est la trahison du Président de la fac Daniel Lacroix. Il faut savoir qu’il avait déjà été élu sur l’engagement de ne pas mettre en œuvre de processus de fusion, qu’il avait déjà trahi cet engagement en votant pour engager le processus en avril 2017. Quand il a ensuite lancé la consultation sur le projet en novembre, beaucoup de collègues croyaient qu’il respecterait le résultat, comme il s’y était engagé. Malgré le taux de participation important et les plus de 60% de voix contre la fusion chez les personnels (BIATSS et profs), Lacroix a continué à s’entêter et a voté POUR au Conseil d’Administration ! Et là c’était clairement la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Dès le lendemain, on a vu une vraie émulation chez les collègues. T’entendais tout le monde dire « t’as vu ce qu’il s’est passé ? Il nous a trahi ! ». On est tous partis en Assemblée Générale le lendemain même et tout de suite la grève a été votée à la quasi unanimité !

Aujourd’hui c’est quoi vos revendications ? Quel est le lien entre votre mouvement au Mirail et la mobilisation qui se construit dans les autres universités au niveau national contre Parcoursup et le plan étudiants ?

M.M. : En fait, en même temps qu’on a lancé la grève pour exiger la fin du projet de fusion et la démission de Daniel Lacroix, le ministère demandait aux UFR de faire remonter leurs attendus locaux pour la rentrée prochaine, et très vite le retrait du plan étudiant a fait partie de nos revendications centrales.

La spécificité c’est qu’au Mirail, contrairement à la dynamique qui se lance au niveau national, les profs ne sont presque pas mobilisés. Ceux qui viennent aux AG sont très peu nombreux. En fait, beaucoup des enseignants-chercheurs du Mirail pensent pouvoir obtenir des crédits pour financer leurs projets de recherche avec l’IDEX (Initiative d’Excellence) promis par le gouvernement en échange de la fusion. Ce qui fait qu’ils sont très peu mobilisés et qu’ils sont même au contraire le principal appui aux partisans de la fusion. Concernant Parcoursup, certains sont sans doute contre la sélection, à l’image des autres facs, mais on a l’impression qu’ils refusent de rentrer dans la mobilisation car les deux revendications (fusion/ sélection) sont liées.

A l’inverse il peut exister des personnels qui sont pour la sélection à cause de la surcharge qui pèse sur eux aujourd’hui à cause du manque de moyens. Certains pensent que si on restreint l’accès à l’Université ils pourront sortir la tête de l’eau. C’est l’idée que veut véhiculer le gouvernement, et qui est évidemment à déconstruire. Ça montre aussi qu’il ne s’agit pas seulement de défendre l’université telle qu’elle existe aujourd’hui, car il existe déjà beaucoup de souffrance au travail, mais qu’il faut revendiquer plus de moyens pour l’université à minima. En ce sens on a eu l’idée de lancer un Conseil d’Administration alternatif, qui serait composé de manière paritaire entre étudiants, BIATSS et profs qui seraient élus et révocables, qui serait vraiment démocratique et qui pourrait poser la question de « quelle université on veut » en avançant vers des revendications en positif.

Vous avez un niveau de détermination et d’initiatives impressionnants. Comment est-ce que vous vous organisez ?

M.M. : Après les premières semaines de mobilisation, on est vite tombés dans une espèce de routine dans les Assemblées Générales, peu de grévistes prenaient la parole, on tournait un peu en rond. Des propositions émergeaient en AG mais n’étaient pas soumises au vote et on commençait à ressentir une vraie frustration. On s’est dit qu’on ne pouvait pas seulement râler, mais qu’il fallait qu’on soit constructifs ! C’est de là qu’est née l’idée du comité de mobilisation qui permettrait de regrouper tous ceux qui voulaient s’investir dans l’organisation de la mobilisation qu’ils soient syndiqués ou non.

On peut pas demander aux gens de se mobiliser sur plusieurs semaines si les seules perspectives que tu leur proposes c’est une AG deux fois par semaine et des rendez-vous de manifestations qui ne sont pas organisés collectivement. Si tu ne donnes pas un lieu où se réunir et réfléchir ensemble, les gens retournent dans leur bureau chacun de leur côté. Une fois que le comité de mobilisation a été monté on a commencé à se fixer un calendrier hebdomadaire qu’on réfléchit au jour le jour, avec des rendez-vous tous les matins pour bosser ensemble et réfléchir. Parfois c’est difficile, on est tous fatigués. Mais on a remarqué que quand il n’y a plus de division du travail, que chacun met son énergie et sa force à disposition du collectif et se retrousse les manches pour apporter quelque chose à la mobilisation c’est là qu’on avance vraiment ! Il ne manque pas de choses à faire : confection de tracts, de banderoles, d’affiches, organisation des actions… Aujourd’hui c’est vraiment impressionnant la détermination des collègues et la créativité dont fait preuve tout le monde, y compris ceux pour qui c’est la première grève. Il y a clairement un avant et un après le lancement du comité de mobilisation, qui regroupe plusieurs dizaines de BIATSS. Si ce collectif n’avait pas existé la grève se serait essoufflée, c’est certain !

Comment tu envisages la suite sur le Mirail ?

M.M. : Je pense que Daniel Lacroix est vraiment mal. Ça se sent qu’il est de plus en plus seul. Bloquer la Maison de la Recherche, c’est vraiment un bon moyen de l’isoler davantage et ça permet de montrer que la fac ne peut plus tourner à cause de lui. Pareil sur son choix d’annuler les Journées Portes Ouvertes au dernier moment, on sent qu’il est de plus en plus dos au mur. Si on maintient cette pression et qu’on continue à faire un travail d’explication pour continuer à grossir nos rangs, je sens qu’il est à deux doigts de craquer !
Et après, ce qu’on se disait avec plusieurs collègues, c’est que ce collectif, il faut le garder ! Peu importe l’issue de la lutte, ces liens entre nous, chez les BIATSS mais aussi avec les étudiants, c’est énorme, et ils ne pourront pas nous l’enlever. C’est ça qui fera notre force pour demain, car des prochaines attaques il y en aura, et on sera beaucoup plus forts si on reste tous unis ensemble !

Crédits photo : Source Grève UT2J Contre la fusion des universités

 
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