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La Izquierda Diario
5 de mars de 2018 Twitter Faceboock

Le train des réformes ne passera pas ! #SolidariteAvecLesCheminots
Bataille du rail et convergence : à quoi jouent les directions syndicales ?
Imrane Mylhane

Alors qu’on annonce une mobilisation historique chez les cheminots depuis 1995, le gouvernement Macron continue d’abattre toutes ses cartes les unes après les autres à travers un matraquage largement relayé par des médias au garde-à-vous. Pendant que du côté des directions syndicales, on tergiverse.

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Première étape : la division usagers-cheminots.

L’annonce du Premier Ministre Edouard Philippe, il y a une semaine, a suscité beaucoup de réactions notamment par l’officialisation du passage par ordonnance de la réforme ferroviaire. Mais c’est surtout le soi-disant retrait de la suppression des petites lignes, laissé au soin des régions sans aucun budget pour les maintenir ouvertes, que le gouvernement a joué sa première carte maîtresse, à savoir la division usagers/cheminots. Le rapport Spinetta a, lors de son annonce, suscité un tollé général, chez les cheminots comme chez les usagers, nous rappelant la même colère qu’en 1995, avec l’annonce par Juppé du « Contrat de plan », à savoir à l’époque la volonté de la SNCF et du gouvernement Chirac/Juppé de supprimer plus de 6000km de lignes. On avait déjà, à l’époque, essayé de fracasser l’unité cheminots/usagers, à coup de sondages, qui, au départ favorables au plan Juppé, se sont au fur à mesure inversés, rangeant l’opinion publique derrière la bataille des cheminots, avec presque 68% de soutien après 10 jours de blocage du trafic ferroviaire. Le gouvernement Macron, qui cherche à tout prix à ne pas rejouer un 1995, a vite cherché à isoler les cheminots, renvoyant l’avenir des lignes entre les mains des régions endettées, pour se laver les mains de la casse du rail, en tant que service public.

Deuxième étape : les médias s’attaquent aux « privilèges » des cheminots.

En présentant la réforme seulement comme une attaque au « statut », c’est-à-dire, une réforme qui s’attaquerait aux soi-disant privilèges des cheminots, Edouard Philippe espérait que l’opinion se retourne contre les cheminots voulant mener la bataille. Si cela a marché d’une certaine manière, afin de déplacer le problème ailleurs, de nombreuses associations d’usagers ne sont pas dupes de la manipulation, et restent attentives au contenu de la réforme qui sera présentée le 15 mars prochain en conseil des ministres. Pour essayer de faire avaler la pilule en attendant la loi d’habilitation, l’ensemble des médias détenus par la plupart des milliardaires et amis de Macron, qui ont grandement participé en 2017 à son élection, se sont mis en ordre de bataille contre les cheminots. Avec en tête de chenille BFM TV, qui multiplie les sondages et la désinformation, autour de cette réforme, présentant des grilles salariales représentant le double du salaire moyen des cheminots. Mais sans compter sur l’indignation générale des cheminots dans les réseaux sociaux, qui ont multiplié l’affichage de leurs fiches de paie ou encore les vidéos en pleine nuit sous la neige à assurer le service public malgré les conditions très difficiles et pénibles.

Troisième étape : un semblant de « concertation » et des directions syndicales qui tergiversent

Face à la colère qui a commencé à gronder partout dans les chantiers, les directions syndicales des cheminots, même celles qui ne se mêlent quasiment jamais à aucune bataille, ont dû prendre position contre les attaques et promettre qu’elles allaient organiser la riposte. La question qui a clairement mis le feu aux poudres, c’est l’annonce du gouvernement de sa volonté de faire passer la réforme par ordonnances. Le gouvernement, qui a compris l’enjeu, a donc appelé très rapidement à un semblant de « concertation ». Les négociations avec certains et la division du front syndical, c’est l’ultime carte du gouvernement Macron, le dernier rempart pour tuer dans l’œuf la mobilisation du 22 mars prochain.

La CGT Cheminots est monté au créneau pour démonter le « rapport Spinetta » et le passage par ordonnances. Mais alors qu’elle annonçait à être « prête à faire un mois de grève », la seule perspective pour le moment est celle d’un appel à la mobilisation le 22 mars… mais sans dépôt de préavis de grève national. Philippe Martinez, secrétaire générale de la Confédération CGT, a même déclaré que « les trains circuleront le 22 mars prochain », comme si la direction de la Confédération CGT mettait un point d’honneur à ne surtout pas bloquer l’économie. Dans un dernier communiqué de la CGT Cheminots, elle sous-entend que le processus de concertation avec le gouvernement va durer presque 3 mois, comme si la bataille pouvait encore patienter un petit peu, alors que le gouvernement a clairement dit et redit que si la concertation avec les syndicats ne permet pas d’approuver leur projet de réforme du rail, ils feront en sorte que tout passe par ordonnance. On se demande alors ce sur quoi les syndicats cherchent à se concerter avec le gouvernement de la casse sociale.

Du côté de la CFDT Cheminots, alors qu’elle avait annoncé en grande pompe une « grève reconductible » dès le 14 mars, il y a eu depuis un rétropédalage clair, mais pas si étonnant pour une direction syndicale habituée à cajoler les patrons dans le sens du poil. Laurent Berger, patron de la CFDT, explique même dans une interview être favorable à l’évolution du « Statut » des cheminots. A quelques mois des élections à la SNCF, la CFDT a peur de perdre toute représentativité, entre son rôle affiché dans la réforme de 2014 et les nouveaux périmètres CSE qui risquent de lui être défavorables, la faisant passer sous le seuil de la représentativité au profit des autres syndicats. C’est ce qui explique qu’elle soit montée au créneau, mais ce coup de sang, c’était surtout pour retourner à la table des négociations et du « dialogue social » avec le gouvernement.

Résultat des courses : il n’y a pas pour l’instant de préavis de grève unitaire et reconductible côté cheminots. Il faudra attendre le 15 mars la réunion interfédérale du secteur pour voir se dessiner une date, et ce ne sera pas avant fin mars en raison des délais réglementaires pour déposer le préavis. Un plan de bataille loin d’être à la hauteur : face à ce gouvernement qui nous attaque, il n’y pas à tergiverser, il n’y a rien à négocier, il s’agit de construire dès maintenant le rapport de force et une bataille dans la durée et la convergence, seule manière de pouvoir songer à faire plier Macron et son monde.

Une division entre fonctionnaires et cheminots qui interroge

Le gouvernement, en confiance, a choisi de nous attaquer tous ensemble en même temps : cheminots, étudiants, professeurs et l’ensemble des fonctionnaires est dans le viseur avec la suppression de 135.000 postes annoncées. Lorsqu’on interroge les travailleurs de la fonction publique, tous comprennent que la SNCF est l’une des dernières digues entre elle et le gouvernement, et que si le statut des cheminots venait à tomber, le prochain sans nul doute sera le statut des fonctionnaires. Cependant, cela n’empêche pas la FSU, à travers sa secrétaire Bernadette Groison d’expliquer : « nous n’avons pas construit la date du 22 mars en convergence avec les cheminots », « le statut des cheminots n’est pas le statut de la fonction publique » et finir enfin par « nous restons, nous l’intersyndicale, sur la nécessité et l’exigence d’une visibilité de nos questions de fonction publique ».

Une division entre secteurs qui interroge dans le contexte actuel, et qui se traduira de plus dans la rue avec des cortèges distincts. Ainsi, la CGT de la fonction publique et celle de la CGT Cheminots, appellent à deux parcours distincts. Et alors que nous sommes à quelques mois d’une future réforme sur les régimes spéciaux, et après une défaite contre les ordonnances, la confédération CGT, première centrale syndicale, ne met pas tout l’appareil confédéral en ordre de bataille pour pousser à la grève d’autres secteurs voisins de la SNCF qui passeront par le même type d’attaques bientôt : à savoir la RATP, l’aérien, ou encore l’énergie.

Cette unité, ce serait pourtant la condition pour battre dès maintenant tous ensemble le gouvernement Macron, en s’appuyant sur une grève massive dans le ferroviaire, avant qu’il ne se sente l’envie de pousser encore plus loin le curseur des reformes s’il mettait à terre les cheminots durant ce printemps.

Le gouvernement, en accumulant les fronts de bataille, accumulent aussi les colères contre lui. Dans les gares, les hôpitaux, les bureaux de poste, au sein des universités et des lycées, il y a une volonté de se battre et de converger ensemble contre ce gouvernement. Mais surtout, il faudrait un vrai plan de bataille, avec des appels à la grève, reconductibles, et qui agrègent les différents secteurs plutôt que de les diviser. À commencer par le 22 mars.

Crédits Photo : AFP/Joel Robine

 
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