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6 de mars de 2018 Twitter Faceboock

Révélations de Médiapart
Cancers en série chez des salariés d’Orange exposés à la radioactivité
Léa Luca

Depuis les années 1970 des dizaines de milliers de travailleurs des PTT – employés ensuite par France Télécom, puis Orange – ont été en contact avec des éléments radioactifs mortels, ayant causé des grandes vagues de cancers, et de décès. Ce, alors que leur direction était depuis les premiers temps alertée sur les risques encourus.

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Une enquête de Médiapart ces derniers jours a apporté de nouveaux éléments à un scandale sanitaire de premier ordre, déjà mis au jour en 2013 par la revue Santé et Travail : des dizaines de cancers chez des travailleurs des télécoms chargés d’installer les lignes téléphoniques, des années 1970 à aujourd’hui. Pendant cette période de nombreuses études scientifiques ont permis de prouver la dangerosité des matériaux manipulés par les employés, et leur lien direct dans les cancers.

En cause : des parafoudres radioactifs manipulés par les employés des télécoms

Les responsables des cancers sont les parafoudres (ou parasurtenseurs) : des petits tubes de quelques centimètres de long qui servent à protéger les lignes téléphoniques des incendies, coupures de courant, électrocutions, etc. en améliorant la résistance. Mais radioactifs, ils émettent des gaz cancérogènes. À partir des années 70 on y a particulièrement recours dans le cadre de l’équipement de toute la France en lignes téléphoniques. Des dizaines de milliers de personnes, alors employées par les PTT – appelées les « lignards » – chargées de mettre en place les lignes, sont en contact direct avec les parafoudres radioactifs. Il en faut quatre pour chaque ligne au moins. Cela représente entre 20 et 80 millions de parafoudres qui sont passés entre les mains des agents sans avertissement. Ce, alors que le Centre national d’études des communications (CNET) avait déjà alerté sur la sécurité des employés dès 1974.

Le ministère alerté dès les années 70

En 1977 le ministère des télécommunications est informée par l’APRI (Association pour la protection contre les rayonnements ionisants) de la dangerosité des matériaux. À partir de là « la Direction générale des télécommunications interdit l’usage des parafoudres à radioéléments, mais n’en préconise pas le retrait systématique et va écouler ses stocks » explique Médiapart.

Des cancers, et décès à la chaîne chez les « lignards »

Dans les années 2000, des cancers commencent à être déclarés par vagues. Jean-Michel Duport, agent des lignes de Riom-ès-Montagnes (Cantal), est diagnostiqué en 2005 d’un cancer de la thyroïde. À sa suite, en 2006, 12 autres employés des PTT, annoncent des cancers ; onze meurent dans les années qui suivent. Un CHSCT (Comité local d’hygiène et du personnel), composé de syndicalistes, se met en place en Auvergne pour enquêter sur l’affaire. Personne ne soupçonne au départ les parafoudres comme responsables des cancers. Grâce à l’aide d’Henri Pézerat, toxiocologue qui a mis au jour le scandale de l’amiante, et du médecin du travail des Télécom Christian Torrès, le CHSCT finit en 2008 seulement, par découvrir la responsabilité des parafoudres radioactifs.

Le médecin leur révèle alors le cas d’une agence des Télécom de la Croix-Rousse à Lyon, où une dizaine de cancers du sein ont été déclarés par des employées dans les années 90. De même ils découvrent une plainte contre X de la part de la CFDT de Saint-Nazaire, suite au décès de cancers, de cinq jeunes lignards entre 1989 et 1995. Le plus vieux avait 37 ans.

France Télécom, mise en garde, ne donne d’abord pas de suite

En 1998, après la révélation des cancers de la Croix-Rousse, l’affaire avait déjà été médiatisée : France Télécom avait été prévenue, comme le démontre un certain nombre de courriers, mais sans aller plus loin. « Ce dossier gêne et dérange plus qu’il n’intéresse. » écrit le responsable national des questions de santé au travail du secteur nantais de France Télécom dans un courrier. L’entreprise commande alors une étude réalisée par l’Inserm (Institut national de la santé) qui révèle une surmortalité par cancer chez les agents des lignes. 2010, 29 cancers sont découverts à Béziers et Bédarieux chez des employés ou ex-employés.

… puis ordonne le retrait des parafoudres radioactifs sans protection suffisante

France Télécom, finit en 2001 par se rendre à l’évidence, et recommande le retrait des éléments radioactifs, lors des opérations de maintenance. Cependant elle juge l’exposition des agents, en charge de ces manipulations, anodine. Le CHSCT d’Auvergne va mener une bataille contre France Télécom pour faire nettoyer réellement le réseau, qui sera victorieuse en 2015 avec la mise en demeure d’Orange par l’inspection du travail d’« enfin lancer un plan de retrait massif ».

Les agents de télécommunication plus exposés que les travailleurs du nucléaire

Les parafoudres, nous explique Médiapart, sont particulièrement concentrés « dans le répartiteur du central téléphonique, une pièce sécurisée généralement située au rez-de-chaussée du bureau de poste communal (17 000 parafoudres dans un grand répartiteur, 3 000 dans un petit ». C’est les agents qui travaillent à ce niveau qui sont les plus exposés : bien au-dessus des limites autorisées. Ainsi pour les travailleurs du nucléaire « l’accumulation de dose » est limitée à 100 mSv sur 5 ans : pour les agents cette dose est montée jusqu’à 221 mSv.

« Cela coûte moins cher d’exposer les salariés à un risque mortel que de prendre les précautions qui les en protégeraient »

Selon une enquête de la Criirad (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité), les travailleurs d’Orange ou sous-traitants, qui travaillent dans les dépôts de parafoudres, ont dépassé en une à deux heures la dose annuelle de radioactivité tolérée pour le public ! Alors que, comme le souligne Anne Thébaud-Mony, chercheuse interrogée par Sciences et Avenir , il serait possible d’empêcher ce type d’exposition dangereuse pas les mesures techniques adéquates, par exemple des masques avec cartouche à charbon actif. Mais comme le souligne la chercheuse, « cela coûte moins cher d’exposer les salariés à un risque mortel que de prendre les précautions qui les en protégeraient ».

 
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