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La Izquierda Diario
16 de avril de 2018 Twitter Faceboock

Macron, sourd aux mécontentement
Face à Plenel et Bourdin, Macron soigne la forme mais se montre inflexible
Yano Lesage

Dans une toute autre ambiance que celle de la salle de classe champêtre et de la calinothérapie offerte jeudi dernier par Jean-Pierre Pernaut au public du 13heures de TF1, Emmanuel Macron s’est retrouvé, dimanche soir, face à un premier vrai exercice d’interview journalistique du quinquennat. Deux journalistes, connus pour leur pugnacité, avaient été choisis par l’Elysée : Jean-Jacques Bourdin, de BFM-TV et RMC, pour l’opposition de droite, Edwy Plenel, co-directeur de Médiapart, pour sa gauche. Une manière de répondre, sur sa gauche, aux critiques sur sa « toute puissance ». Sur le fond cependant, l’arrogance présidentielle reste indemne. « Il n’y a pas d’agrégation des colères », se contentant de balayer d’un revers de main le mécontentement.

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Un exercice de « style démocratique »...

Ce premier exercice de « disruption journalistique » offerte au président tranche avec une communication jusque-là très léchée et très contrôlée. Les « reportages » de Paris Match, le mettant en scène avec son épouse, le journalisme de complaisance d’un Laurent Delahousse déambulant dans le palais présidentiel avec Macron, la parole rare et le refus d’Emmanuel Macron de se confronter aux questions des journalistes... Les rapports que le président entretient aux médias drainent les vieux souvenirs de l’ORTF. Et cela se voit de plus en plus.

Dimanche, le service de communication du président a donc décidé de la jouer autrement : le choix d’Edwy Plenel et de Jean-Jacques Bourdin pour poser les questions, les échanges, souvent, vifs, des questions – parfois – impertinentes. Après une première réponse présidentielle, travaillée, sur la question de l’intervention en Syrie, Bourdin et Plenel sont entrés dans le dur en attaquant le terrain social et le rapport au pouvoir de Macron. « Vous vouliez rassembler les français, mais partout, il n’y a que la colère, la division » commente Bourdin. « vous vous êtes trompé sur le nom de votre mouvement, vous auriez dû l’appeler en force » reprend Plenel, qui n’a pas manqué de souligné le "malentendu" d’un programme et la faiblesse d’un président élu avec 18% du corps électoral au 1er tour. Le ton est donné.

Quelques sueurs froides

Répondre à la critique, quoi qu’avec difficultés, quelques perles de sueurs au front et une fâcheuse tendance à nier les faits, la président l’a fait. C’est notamment sur sa politique fiscale que le président a été le plus en difficulté. Macron s’en est donc pris à la nature des questions : réfutant l’expression « d’évasion fiscale » pour lui préférer celle « d’optimisation fiscale », attaquant directement Plenel et Médiapart, lors que ce dernier a soulevé la question du « verrou de Bercy » que les députés La République En Marche ont refusé de faire lever pour « améliorer » la lutte contre la fraude fiscale, défendant au corps défendant sa suppression de l’ISF sans parvenir à convaincre de ses effets économiques... « j’assume totalement les gestes fiscaux » conclura Emmanuel Macron qui, une fois de plus n’a pas su se départir de son image de « président des riches » qui lui colle à la peau.

L’autre point de difficulté a été celui des retraités et de la hausse de la CSG. Bourdin - « vous avez baissé les retraites depuis janvier »- rappelle que pour l’instant aucune compensation n’a été faite à l’augmentation de la CSG sur les revenus plus de 1200 euros par part fiscal des retraités. Macron, au même titre que jeudi dernier, persiste et signe. Il assume cette baisse des revenus au nom d’une « solidarité intergénérationnelle » auxquels les retraités ont déjà participé pendant leurs vies d’actifs. Mais la démonstration n’est pas convaincante.

Le rappel à l’ordre

Si Emmanuel Macron se prête tant bien que mal à la critique des journalistes, il n’est cependant pas question de faire un pas de côté sur sa politique, y compris celles sujettes à des critiques quant au tournant autoritaire du pouvoir macronien. L’intervention militaire en Syrie décidée avec Trump et la très conservatrice première ministre britannique Teresa May ? Une action « humanitaire » avec la « légitimité internationale ». Le recours aux ordonnances ? Un pouvoir « permis par la constitution ». La très contestée – y compris parmi les rangs de la majorité – directive asile et migration de Gérard Collomb ? Une loi permettant de « réduire les délais » de procédure d’examen des demandes d’asile.

Pas question non plus de répondre au « mécontentement » qui s’exprime actuellement dans la rue, des cheminots aux étudiants, en passant par les EPHAD et le monde hospitalier. Une chose est claire, pour Macron, « le mécontentement, il n’y en a pas tant que cela », pas plus que « l’agrégation des colères », répond-t-il à Bourdin et Plenel. « La question a été posée de manière biaisée » ose-t-il même répondre.

Colères légitimes et illégitimes

Aussi « inexistantes » soit-elle, ces « colères », Macron cherche tout de même à les distinguer. D’abord entre les colères dites « légitimes », celles des cheminots qu’il considère comme « concernés par des réformes en cours, qu’[il] assume et que [le gouvernement mènera] jusqu’à leur terme ». Aucune inflexion, si ce n’est une forme de chantage sur la dette de la SNCF qui, confirme-t-il « sera reprise par l’Etat » une fois la réforme passée annonce-t-il. Et celles des hospitaliers, que Macron caresse dans le sens du poil, pour lesquels Macron promet « la fin de la tarification à l’acte » dans certains services, qui a étouffé le système. Une promesse – non chiffrée – pour les EPHADs pour différer les colères. Rien de très convaincants. Seulement une manière de diviser, stigmatiser les uns puis les autres, une façon de diluer ces colères concernant la mise à mort des services publics.

De l’autre côté, celui des « colères illégitimes », il y a la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, et le blocage de Tolbiac, où l’intervention policière, selon les dires du président, est rendue difficile par la « topographie du site ». Là encore, la résistance qui se mène à la ZAD et met en difficulté les 2500 gendarmes dépêchés sur place, est réduite à la « tyrannie de la petite minorité ». « Tout ce qui doit être évacuer doit être évacué » affirme-t-il. Une fermeté qui pourrait lui coûter cher en cas d’échec de l’évacuation.

Au sujet de la mobilisation contre la sélection à l’université, Macron s’en tient au discours de jeudi dernier sur les « professionnels du désordre ». Ce sont « rarement des étudiants » ment-il, « il y a des groupes, il y a des groupes, il y a des groupes qui mènent un projet politique » répète-t-il face à ces interlocuteurs qui manquent de lui rappeler que ce sont près de 20 universités qui sont touchées par la mobilisation des étudiants, et parfois des personnels, contre le plan Vidal et la sélection à l’université.

L’interview a beau revêtir une forme irrévérencieuse – le « président » sera sans cesse appelée par son patronyme – et tranché avec le journalisme de complaisance jusqu’alors utilisé, plusieurs questions, notamment concernant la question sociale et des mobilisations en cours restent dans l’angle mort. Et si le président donne l’illusion de se prêter à la critique journalistique, sur la forme de l’entretien, il reste tout aussi inflexible quant à la colère sociale qui s’exprime toujours plus fortement.

Rien de moins qu’un rappel à l’ordre, sous des atours démocratiques, mais c’est aussi une façon, comme l’explique un article de l’Opinion de « détourner l’attention médiatique des conflits sociaux, qui ont entraîné un décrochage de l’exécutif dans les sondages ». Si Jupiter souhaite renforcer l’image de son autorité, c’est essentiellement parce que « le conflit à la SNCF et la grogne sociale [est] plus intense que jamais, dans les universités, les Ehpad ou les hôpitaux », comme l’analyse un spécialiste de communication politique proche de l’exécutif. « Moins les cheminots feront les gros titres, moins le mouvement aura de chances de prospérer », note, satisfait, le conseiller d’un ministre. Macron voit, prétend écouter, mais n’entend pas la colère sociale. Il se montre inflexible, autant qu’il souhaite la minorer et faire le contre-feux dans l’espace médiatique, trop encombrée par celle-ci ces dernières semaines.

 
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