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La Izquierda Diario
7 de mai de 2018 Twitter Faceboock

Les salariés refusent l’accord proposé par la direction
Consultation à Air France : échec sur toute la ligne pour le patronat
Paul Morao

Vendredi dernier, le verdict était sans appel, avec plus de 80% de participation et 55,4% de non, les salariés d’Air France se prononçaient contre l’accord salarial proposé par la direction, conduisant le PDG Jean-Marc Janaillac, qui avait mis son poste dans la balance, à démissionner. Pour autant, il s’agit de ne pas légitimer trop rapidement ce type de consultation qui tendent à diluer la contestation.

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Crédits photo : AFP/KENZO TRIBOUILLARD

C’est un camouflet qui va bien plus loin que le simple conflit d’entreprise, tant les prises de position étaient tranchées autour de ce référendum. Du gouvernement aux médias en passant par la CFDT, le « non » à l’accord salarial résonne comme une grande claque sur les certitudes de la bourgeoisie.

Pour rappel, un conflit agite Air France depuis quelques mois autour de la question des salaires. Une intersyndicale inédite de 10 syndicats regroupant l’ensemble des corps de métier entend en effet mettre fin à la modération salariale, imposée par la direction depuis 2011, et réclame sa part des résultats records que connaît Air France depuis son redressement. Refusant l’accord négocié par la CFDT et la CFE-CGC accordant une hausse de 1%, les travailleurs entraient en lutte en février pour obtenir une augmentation à hauteur de 5,1%.

Suite aux différentes journées d’action qui ont permis de bloquer de façon conséquente le trafic de la compagnie et entraîné près de 300 millions d’euros de perte pour l’entreprise, la direction n’a fait que des concessions mineures, proposant un accord portant sur une augmentation de 2% en 2018 puis une augmentation de 5% étalée sur les trois années suivantes sous réserve que la situation de l’entreprise le permette. Pas de quoi convaincre les grévistes. Aussi, la direction a joué son va-tout le 20 avril en lançant une consultation autour de sa proposition en direction de l’ensemble des salariés pour contourner les syndicats et mettre la pression aux grévistes. Confiant, Jean-Marc Javaillac avait promis de démissionner si l’accord était désapprouvé par la majorité des salariés.

Un camouflet qui révèle une colère latente

Le PDG n’imaginait sûrement pas dans quoi il s’engageait en s’engageant à démissionner. Pas plus qu’Edouard Philippe, qui avait salué une position « courageuse (…) face au conflit social » … C’est que, bercés par la petite musique médiatique dénonçant, comme toujours, un conflit minoritaire, ils ne s’étaient pas aperçus de la colère latente qui couvait. Ainsi, le 26 avril La Tribune expliquait dans ses colonnes que « vu que les non grévistes étaient largement majoritaires (90%), le « oui » devrait facilement l’emporter. »

Or, il est évident que, la répression et la pression économique ayant bien fait leur travail, les taux de grévistes ne sont pas représentatifs à eux seuls de la colère des travailleurs. Le résultat de la consultation démontre bien que, si les taux de gréviste oscillent autour de 30% pour les pilotes, de 20% pour le personnel navigant et de 12% pour le personnel au sol depuis le début du conflit, le rejet de l’accord salarial est bien plus massif. Avec plus de 80% de participation et 55,4% pour le « non », le résultat de la consultation le démontre bien, et on n’ose imaginer le score qu’aurait pu atteindre une consultation autour de l’accord initial négocié par la CFE-CGC et la CFDT !

Le camouflet retombe également sur ces syndicats jaunes, et en particulier sur la CFDT dont le secrétaire général Laurent Berger attaquait la semaine dernière le mouvement de grève. Dans des termes rappelant le vocabulaire patronal, le dirigeant du syndicat jaune accusait le Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) de prendre « tout le monde en otage » et appelait les salariés d’Air France à répondre massivement « oui » à la consultation ! Là encore, le résultat a dû mettre mal à l’aise ces dirigeants syndicaux qui aimeraient voir la colère cachée sous le tapis.

La surprise du référendum démontre aussi l’échec de la volonté de contourner les syndicats, une démarche portée au plus haut de l’exécutif dans la réforme du rail, et qui tend en réalité à générer une colère d’autant plus dangereuse qu’elle est moins maîtrisable. Le Monde concluait ainsi son éditorial de samedi en notant qu’il « est toujours risqué de contourner les organisations syndicales et de tirer un trait sur le dialogue social, qui reste la meilleure méthode pour trouver un compromis. »

Mais une victoire qui reste un pis-aller

Si le résultat apparaît comme une victoire, il convient cependant de se méfier de certaines réactions qui semblent parfois aller dans le sens de la consultation. Du côté de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon louait vendredi sur twitter ce premier « référendum révocatoire », tandis que samedi sur France Info, Alexis Corbière saluait dans le référendum « une bonne méthode ».

Or, quand bien même cette fois le résultat va dans le sens des salariés, il convient de ne pas entériner trop vite cette manœuvre qui vise à diluer la contestation dans une fausse démocratie d’entreprise. On l’a vu, la plupart du temps, les consultations comme celle-ci jouent un rôle délétère. On se rappelle ainsi qu’en 1994, le PDG d’Air France avait organisé un référendum qui avait permis de valider un plan de redressement incluant 5 000 suppression d’emplois. Plus récemment, ce type de consultation ont été utilisées dans les universités par les administrations pour contourner les AG et légitimer les déblocages violents.

En soutenant de façon acritique ces consultations, la France Insoumise insinue que la parole des salariés pourrait s’exprimer librement au sein des entreprises, ignorant ainsi la réalité des pressions subies par les travailleurs. De fait, le soutien de Mélenchon à ce type de référendum rappelle en miroir sa défense des manifestation le week-end. Des modes d’action qui abandonnent les méthodes de lutte traditionnelle du mouvement ouvrier, en particulier la grève.

On peut se réjouir de la gifle que les salariés d’Air France ont donné à leur patron, au gouvernement et aux médias vendredi dernier. Mais ne perdons pas de vue que c’est sur la base d’une manœuvre patronale inconséquente que cette victoire a eu lieu. Une manœuvre qu’il ne faut absolument pas légitimer sous prétexte que, pour cette fois, elle termine par une victoire. Au contraire, il faut réaffirmer, comme le dit le slogan, que la seule façon de se faire entendre pour les travailleurs, « c’est par la grève et par l’action », et non pas par cette parodie de démocratie que les patrons nous servent, et que certains représentants de la gauche s’empressent de valider.

 
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