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La Izquierda Diario
9 de mai de 2018 Twitter Faceboock

Flagrant déni de démocratie
AirFrance : malgré la claque du référendum, Bruno Le Maire invoque la « réalité des efforts à faire »
Nina Kirmizi

Coup de braqué dans la communication de la direction d’AirFrance et de l’Etat, principal actionnaire de la compagnie. Avant le référendum, c’était la « minorité de grévistes » qui était montré du doigt. Après l’expression majoritaire des salariés en faveur de la grève et des hausses de salaires, on entend persifler que les salariés d’AirFrance auraient perdu la « raison ». « La seule voie de la raison » assure le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, « c’est qu’il y a des efforts à faire ». Il n’y a pas d’alternative, assurent-ils. Et la démocratie n’est bonne à prendre que lorsqu’elle se confine dans ce non-choix.

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L’opération a été un véritable désaveu pour le PDG d’AirFrance, Jean-Marc Janaillac, et pour l’Etat, premier actionnaire à 14% du capital de la compagnie aérienne. La consultation des salariés d’AirFrance, utilisée pour contourner l’intersyndicale et mettre fin au mouvement de grève, a montré que 55% des 80% des personnels soutenaient les revendications et les grévistes. Les outils de dénigrement de la direction ne tiennent plus : la majorité – et non une minorité de pilotes fustigés pour ses supposés « privilèges » - des personnels d’AirFrance défendent le principe de la hausse des salaires, dans un contexte d’augmentation des salaires de ses dirigeants et des résultats au beau fixe de la compagnie. C’est donc la « démocratie » telle que Jean-Marc de Janaillac l’invoquait contre les grévistes, qui a parlé en leur faveur.

Mais à croire les réactions de la direction d’AirFrance, des éditorialistes et des politiques, cette démocratie ne va pas dans le bon sens. Pas plus tard que mercredi 9 mai, sur les ondes de France Culture, le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire déclinait les nouveaux outils de communication pour délégitimer les grévistes. « Il faut toujours entendre raison » répondait-il à Guillaume Erner. « Mais la raison sur la SNCF, sur AirFrance, c’est entendre qu’il y a une réalité ». Et d’invoquer comme principe de réalité « la concurrence acharnée » du capitalisme de marché et « les efforts à faire » pour les salariés mais pas pour leurs dirigeants qui eux, ont vu leurs salaires augmentés, ni pour les actionnaires qui ont pu compter sur la hausse des cours boursiers. « C’est la seule voie de la raison » conclura-t-il.

« Nihilisme » s’insurgera un édito du très libéral journal, l’Opinion. Manque de « réalité » ou de « raison » pour le gouvernement, comme une grande partie des médias, qui accusent les salariés d’AirFrance de mettre en péril la survie de l’entreprise – alors que ce sont eux qui, tous les jours, la font tourner. On invoque là-dessus la chute de 15% des cours boursiers AirFrance comme si cet argument pouvait faire revenir les personnels à la « réalité ». Ou plutôt à leur réalité. Celle des actionnaires et des gros bonnets qui forment le haut du panier salarial d’AirFrance, à coup de « stock-options » et de centaines de milliers d’euros par an. Ceux qui justement ont pu augmenter leurs rémunérations après les plans de compétitivité qui y ont été appliqués.

Plutôt que nier la réalité, les salariés d’AirFrance en invoquent une autre. Celle de la condition salariale, des horaires décalés, du temps passé loin de sa famille, des conditions de sécurité des vols dont ils ont la charge, celle de la précarité, celle des conditions de vie et des salaires. La grève a déjà couté plus que ce que les grévistes réclament comme hausse de rémunération et c’est là que l’entêtement de la direction d’AirFrance, et de l’Etat qui monte au créneau pour lui venir en aide, montre tout son caractère idéologique. Il ne s’agit pas que d’une question d’économie, de survie de la boite mais bien de rapport de force qui s’inscrit dans les futurs combats à venir. Ne rien lâcher. Quoiqu’il arrive. « There is no alternative » disait Margaret Thatcher dans les années 1980 face aux mineurs britanniques. Et ce n’est pas autre chose qu’est venu marteler Bruno Le Maire sur les ondes en invoquant son principe de « raison » et de « réalité ».

Plus fort encore, c’est le principe de déni démocratique qui le sous-tend. Si la consultation a contraint le PDG Jean-Marc Janaillac à la démission, il n’y a aucun signe d’ouverture vis-à-vis des revendications des grévistes. Bien au contraire. « Il est tant que nous passions à autre chose » a déclaré Bruno Le maire qui a annoncé la mise en place d’une « direction de transition » après le départ de l’actuel PDG. « Puis la nouvelle direction devra reprendre le dialogue social », entendre mettre fin au conflit, sans donner aucun gage sur ses modalités. La direction d’AirFrance et son principal actionnaire semblent vouloir gagner du temps. Jouer la carte de l’épuisement et surtout, ne rien lâcher.

L’intersyndicale a appelé à suspendre la grève et à reprendre les négociations. Même si le référendum leur a donné raison, tout porte à croire qu’AirFrance et le gouvernement ne sont pas prêts à se plier à leurs revendications. A l’heure de la claque du référendum, le rapport de force est du côté des salariés, il s’agit de maintenir le mouvement, car la victoire est possible.

 
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