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La Izquierda Diario
5 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Coup de gueule d’un salarié
Les incidences de la loi Pénicaud sur la prévention des risques

On pourrait croire que cette loi ne change pas grand-chose ou même qu’elle amène une simplification bénéfique concernant les IRP (instances représentatives du personnel). Mais pour bien comprendre ce qu’implique cette « loi » Pénicaud ou Macron 2, concernant la prévention des risques professionnels, il convient de retracer (très rapidement) l’historique de la représentation du personnel et des lois instaurant les IRP.

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Crédits photo : Patrick KOVARIK / AFP

En effet, la représentation du personnel, telle que nous la connaissons (pardon la connaissions, devons-nous malheureusement dire) est très récente. Au 19ème siècle, les représentants du personnel étaient inexistants et seules les mines avaient des « délégués mineurs à la sécurité », ce qui nous donne le principe, le fondement des représentants du personnel : leur rôle primordial est la sécurité, les conditions de travail. Il faut rentrer chez soi en vie et de préférence, entier.

Il est bien évident que les mines étaient bien un lieu stratégique et pertinent pour commencer à élaborer une notion de prévention des risques.

Pendant la première guerre mondiale, des délégués du personnel voient le jour (pour optimiser l’industrie de guerre), mais disparaissent avec les hostilités.

Un nouveau cap avec le front populaire et les grèves de 1936 qui instaurent une délégation du personnel avec le principe des titulaires et des suppléants, puis, l’acte fondateur des IRP modernes est en 1946, issu du programme du Conseil National de la Résistance avec les Comités d’Entreprise avec des CHS en 1947 pour les entreprises de plus de 50 salariés.

Ensuite, en 1973, les CACT, comité d’amélioration des conditions de travail pour plus de 300 salariés. Il faut pourtant attendre 1982, et le gouvernement socialiste, pour que les CHS et CACT soient fusionnés en CHSCT avec un corpus de loi constituant la 4ème partie du code du travail, dite : Santé et sécurité au travail.

C’est la « consécration » de la prévention. Les risques professionnels doivent être prévenus et l’instance CHSCT est dotée des moyens nécessaires à une prévention de qualité, si tant est que l’on s’en serve.

Suite à cette loi va s’établir avec le temps, une jurisprudence d’une importance capitale quant à la prévention et la reconnaissance des risques professionnels avec comme aboutissement le fait que l’accident du travail est obligatoirement un échec de l’entreprise et la sécurité une obligation de résultat. La prévention ne doit pas faire uniquement l’objet de moyens mis en œuvre, mais d’un résultat qui est obligatoire !

Cette notion est, sans conteste, une avancée majeure et même tellement majeure que la Cour de Cassation, comme effrayée de sa propre audace, la remplacera assez vite par une obligation de sécurité renforcée. Il faut quand même que les salariés puissent se blesser sans que ce soit forcément la faute du patron, sinon, ils vont s’effrayer !

Et pire que tout : cette obligation de sécurité résultat permettait même au CHSCT de se pourvoir en justice, en tant que personne morale, dans le but de contester une organisation du travail qu’il jugerait pathogène !

Les salariés auraient donc le pouvoir d’empêcher un patron d’organiser le travail à sa convenance sous prétexte que leur santé en pâtirait ? Impensable !

C’est là, après avoir pu savourer quelques années, l’aboutissement de 200 années de lutte environ, qu’il nous faut appréhender les tenants et les aboutissants de la loi Macron II et justement la suppression des CHSCT…

En effet, comment maintenir un tel niveau de prévention des risques pour les travailleurs et un tel niveau de responsabilité pour les employeurs, avec une représentation du personnel réduite à un niveau dérisoire et des outils qui ne représentent plus une contrainte efficace pour le patronat ?

Forcément, le niveau de prévention, donc de sécurité va baisser, et la couverture par la jurisprudence ne pourra que suivre. Et sans exagérer, nous verrons rapidement, de nouveaux accidents du travail graves ou mortels (qui n’avaient de toute façon pas disparus, loin de là) revenir en force sur nos lieux de travail.

N’oublions pas tout de même que déjà actuellement, les lois et les définitions jurisprudentielles sont loin d’être très favorables aux salariés et il peut être très difficile de faire reconnaître un accident du travail et encore plus une maladie professionnelle, surtout si elle n’est pas prévue dans les tableaux établis par la sécurité sociale.

La route est semée d’embûches (ne citons que les délais par exemple) et beaucoup abandonnent en court de route, vu le nombre d’étapes et de courriers de contestation qui peuvent s’étendre sur des années avant de finir par le TASS (tribunal des affaires de la sécurité sociale).

Mais cela reste tout de même trop favorable au salarié pour le MEDEF, qui ne souhaite rendre de compte à personne sur ces décisions. Tout de même, on est maître chez soi oui ou m… ? Et dans son usine à soi, on peut bien tuer, estropier ou rendre malade quelques salariés, sans que l’inspection du travail ou le juge ne vienne nous le reprocher…

C’est bien notre sang et notre santé qui détermine l’argent qui sort de la poche des rentiers pour investir dans les emplois… rien n’a changé depuis le 18ème siècle, ou plutôt, Macron nous y renvoie mais pour la bonne cause, la croissance…

Il en est de même pour des notions telles que le lieu de travail et les prérogatives de la médecine du travail à ce sujet. La loi El KHOMRY a modifié les procédures visant à contester l’avis médical du médecin du travail, mais également le « périmètre » de décision du médecin.

D’abord, le salarié qui souhaite contester l’avis médical ne peut plus saisir l’inspection du travail qui faisait appel au « MIRTMO », le médecin inspecteur régional, mais doit maintenant saisir les prud’hommes. Comment les conseillers prudhommaux peuvent-ils être compétents médicalement ? Mais également, le médecin du travail ne peut plus donner son avis médical sur le lieu de travail.

Cette modification qui peut sembler bénigne, est en fait une demande de longue date du patronat (via le MEDEF vraisemblablement). En effet, dans les années 1870, de haute lutte juridique notamment, le lieu de travail apparaît sur le contrat de travail et constitue un « élément substantiel du contrat de travail ».

Toute modification du lieu de travail était contestable, et facilement gagnable, devant les prud’hommes qui sanctionnaient régulièrement cette « modification substantielle du contrat de travail ».

Devant ce crime de lèse-majesté, il a été introduit une clause de mobilité dans tous les contrats mais la loi EL KHOMRY passe encore un cap. Le médecin du travail ne peut plus, même pour des raisons médicales statuer sur le lieu de travail.

La limitation du trajet domicile travail devrait pourtant faire partie de la prévention des risques puisque l’accident de trajet est un accident du travail (ou un sous-accident du travail, mais assimilé).

L’argent dépensé en prévention des risques est énorme, comme celui en protection de l’environnement. Si l’on baisse les exigences en termes de rejets polluants, la croissance repart ! Certes, on a des maladies, asthme, cancers, etc. Mais on a de la croissance !

Pareil avec les accidents du travail, on a des morts, des handicapés, des malades (asthme et cancers également), mais on a de la CROISSANCE ! Il semble en effet, que la croissance reparte aux États-Unis suite aux mesures prises par Trump, qui ne visent qu’à alléger les contraintes environnementales pour les entreprises.

Notre cher président Macron ne peut avoir une telle démarche en France et pour 2 raisons :

1. Tout d’abord, l’Europe est le secteur géographique le plus protégé du monde au niveau environnement. Et pourtant, c’est loin d’être la panacée notamment avec le jeu des lobbys au niveau européen, donc imaginez ailleurs…
2. Après la grand-messe de Paris pour l’environnement, où Macron s’est présenté comme le Messie de l’écologie, ça ne ferait pas propre de déglinguer les lois de protection…

Le frein à l’investissement, le frein à la fameuse « confiance dans le marché », n’est que proportionnel au risque de devoir, pour le patronat, répondre de ses actes devant un tribunal, pour avoir sacrifié la nature ou des êtres humains. Ce n’est pas si complexe finalement l’économie…

 
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