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La Izquierda Diario
8 de juin de 2018 Twitter Faceboock

Plus de 90 % de la population contaminée
Scandale sanitaire aux Antilles. Des dizaines de générations contaminées pour les profits des industriels et de l’État
Maxime Macbeth

700 ans. C’est la durée durant laquelle le chlordécone, pesticide toxique utilisé pendant près de 20 ans aux Antilles, contaminera le sol de la Guadeloupe et de la Martinique. L’État français et les industriels ont permis son utilisation alors qu’ils en connaissaient les effets néfastes sur la santé humaine, condamnant des générations à grandir dans un environnement contaminé.

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Crédit Photo : Pascal Pavani / AFP

Le journal Le Monde publie aujourd’hui (1) une vaste enquête sur un nouveau scandale sanitaire touchant les Antilles, connût pourtant depuis des décennies par les pouvoirs publics. En cause, le pesticide dénommé « chlordécone », utilisé massivement dans la culture des bananiers, présente des effets ultra-nocifs pour la population locale. Il est reconnu comme cancérigène possible, mais aussi comme perturbateur endocrinien neurotoxique et reprotoxique (touchant la fertilité).

La désastreuse histoire du chlordécone trouve ses origines au début des années 1970. Le pesticide est introduit et testé aux Antilles pour lutter contre le charançon – insecte nuisible pour la culture des bananiers notamment – en 1972. Ce produit chimique est employé massivement jusqu’en 1990, année d’interdiction en France du chlordécone. Les ministres de l’Agriculture Louis Mermaz et Jean-Pierre Soisson, sous la présidence de François Mitterrand - autoriseront pourtant des dérogations pour en permettre son utilisation jusqu’en 1993, alors que les caractéristiques toxiques du produit sont reconnues depuis au moins 1969 et que les Etats-Unis l’ont interdit en 1979.

Une étude de Santé publique France estime que 95 % des Guadeloupéen·ne·s et 92 % des Martiniquais·e·s sont contaminé·e·s par le pesticide, qui s’est répandu dans les terres et dans l’eau, infectant les poissons, le bétail et les nouveaux maraîchers remplaçant partiellement la culture des bananiers. On estime à 20 000 hectares la surface des Antilles contaminée (2). Les conséquences pour les habitants sont désastreuses : le nombre de cancers de la prostate en Martinique est le plus fort du monde ; les effets de perturbations du système endocriniens sont encore difficilement mesurables bien que les scientifiques s’alertent de haut niveau de dangerosité du produit, même à faible dose.

Les responsables sont facilement identifiables. On retrouve à l’œuvre l’invariable lobby industriel et la complicité de l’État français. Yves Hayot, issu d’une puissante famille béké (créole descendant des premiers colons européens), était dans le passé à la fois directeur d’une société qui commercialisait le chlordécone et président du groupement de producteurs de bananes de Martinique. L’intérêt de commercialiser un pesticide efficace pour assurer une production de bananes ne prête pas à une investigation poussée. A l’image de Monsanto qui fournit ses propres graines et son pesticide aux travailleurs agricoles, le gain est double. Et les liens entre l’industriel et les anciens ministres de l’Agriculture ont été confirmés par une enquête policière. Capitalisme et néocolonialisme sont, en somme, les comptables de ce scandale, bien gardé depuis des décennies, au détriment de la nature et de la santé des habitants, pour de très nombreuses générations.

(1) Le Monde, 7 juin 2018, « Les Antilles, empoisonnées pour des siècles »
(2) L’étude de Santé publique France sera rendu publique en octobre 2018. Des résultats partiels ont été publié et des données sont disponibles sur une étude ayant rapport avec les travailleurs agricoles.
Barrau M, Ledrans M, Spinosi J, Marchand JL. Etude de faisabilité de reconstitution de la cohorte des travailleurs agricoles exposés au chlordécone en Martinique et Guadeloupe. Plan national chlordécone 1 et 2. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2012. 49p ; http://opac.invs.sante.fr/doc_num.php?explnum_id=8425

 
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